L’absence de Bob Dylan dans toutes les grandes manifestations telles que Monterrey et Woodstock est proportionnelle à son omniprésence musicale durant toutes les années 60. Un peu comme dans “I’m not there”, ce film de Todd Haynes qui lui est consacré, Dylan semblait être nulle part et partout à la fois.
Bob Dylan n’a pas influé sur les sixties, il les a nourries et couvées de sa poésie et de son génie. Sans le dire, il a poussé les Beatles et Mick Jagger à composer, puis d’autres par la suite comme Neil Young, Leonard Cohen, Syd Barrett, David Bowie ou Bruce Springsteen. Il a donné la confiance nécessaire à Jim Morrison ou Patti Smith pour prendre le micro. Les Byrds aux Etats-Unis, et Hugues Auffray dans l’hexagone, ont existé à travers lui, à moins que ce ne soit le contraire…
Une icône par procuration
L’histoire est bien connue, “Blowin’ in the wind”, “Just like a woman”, “It’s all over now, baby blue”, “When the ship comes in”, “Knocking on heaven’s door”, la plupart des chansons de Dylan ont été popularisées par d’autres. C’est le cas de “All along the Watchtower”, paru sur l’album “John Wesley Harding” en décembre 1967.
A cette époque, tandis que la contre-culture et le mouvement pour la paix réveillent la jeunesse américaine, Bob Dylan peine à se remettre de son accident de moto survenu l’année précédente. Toujours à contre-courant, le barde de la Beat Generation décide alors de vivre reclus avec sa famille, découvrant au passage les joies de la paternité. En quête de spiritualité, le soir il s’immerge dans la lecture de la Bible. On retrouve de nombreuses similitudes entre le Livre d’Esaïe et “All along the watchtower”.
Bob Dylan publie le titre en single le 22 novembre 1968, mais comme souvent, le succès n’est pas au rendez-vous. Pourtant, la version du Zim comporte déjà une rythmique obsédante, un harmonica plaintif, et une histoire des plus intrigantes… En effet, cette dernière est narrée à l’envers par son auteur. Et quand je dis ça, je ne fais pas allusion à l’état de Bob Dylan au moment de l’écrire… Mais bien à ce récit mystérieux et anti-chronologique, puisqu’il démarre par la fin, et se termine par le début !!
Bob Dylan – All along the Watchtower
Sublimé par Jimi Hendrix
A ce stade, j’imagine le petit sourire en coin sous la moustache grisonnante de mes acolytes d’antan. En effet, au cours d’un débat entre rockers, s’il existe un morceau qui mette tout le monde d’accord, c’est bien All along the Watchtower… version Jimi Hendrix ! Peut-être parce qu’il réunit les deux plus grands talents d’une période dorée…
1968, album Electric Ladyland. Au terme de la décennie la plus créative du 20ème siècle, le divin gaucher porte le rock à son paroxysme et choisit un titre de Bob Dylan comme fleuron de son chef d’œuvre.
Car si Johnny B.Good, Satisfaction ou Highway to hell sont des incontestables hymnes rock’n’roll, All along de Watchtower de Jimi Hendrix semble bien en être la quintessence. Et même si le génie ne s’explique pas, je vais tout de même essayer…
Au coeur de All along the Watchtower
Ca démarre avec une rythmique espagnole, lointaine mais tonitruante, épousée par une poignée de cymbales, dont l’écho sur-amplifié claque comme une balle entre deux murs de métal. Le décor est bien là, désert à la lisière du Mexique. Dans le bouillon, on croit même entendre le son des castagnettes… même si Jimi a remplacé l’harmonica de Dylan par un solo d’introduction des plus sobres. Et puis, le Divin Gaucher de Seattle se met à narrer cette étrange histoire écrite par le Pape de Greenwich Village…
Jimi Hendrix – All along the Watchtower
https://www.youtube.com/watch?v=qmGFFJtkDXA
Cette transmission se retrouve d’ailleurs dans le texte…
“Deux hommes se passent le relais dans une tour de garde, un bouffon et un voleur. Le bouffon cherche un sens à l’existence, une porte de sortie…” pendant que Jimi tisse sur un tapis de guitares sèches, des arabesques électriques et andalouses !
“Le voleur plus optimiste, attend son heure. Il se fait tard…”
Jimi durcit un peu le ton, étire le son de son amante comme celui d’une trompette annonçant le glas, puis marque une pause, tirant sur son instrument comme sur un ressort, et soudain…
C’est l’envolée du soliste ! Un riff en tourbillon suivi d’une salve de wah wah dantesque.
Mais le virtuose sait redescendre à point nommé, pour un nouveau riff sans esbroufe préparant l’entame du couplet suivant, là où le mythe s’installe…
“Le long de la tour de garde, des princes observent, femmes et serviteurs aux pieds nus… Dehors, au loin, un chat sauvage gronde… deux cavaliers approchent, le vent commence à hurler…”
L’émule “All along the Watchtower”
Depuis ce coup de maître, on compte de nombreuses reprises parmi les plus fameux guitaristes de la scène internationale. Neil Young, Eric Clapton, Dave Matthews Band, Eddie Veder ou encore Jeff Healey, se sont tous efforcés de perpétuer ce titre d’anthologie. Ecoutez-bien, ce dernier y glisse un hommage à un célèbre titre d’Eric Clapton (mais riff signé Duane Allman)…
Jeff Healey – All along the Watchtower
Je retiendrais également cette reprise acoustique par le prince du blufunk, mister Keziah Jones…
Keziah Jones – All along the Watchtower
” Les gens qui n’aiment pas les chansons de Bob Dylan devraient lire ses textes. Ils sont faits des joies et des peines de la vie. Je suis comme Dylan, aucun de nous deux ne peut chanter normalement. Parfois, je joue des chansons de Dylan et elles me ressemblent tellement que j’ai l’impression de les avoir écrites. Je perçois Watchtower comme une chanson que j’aurais pu écrire, mais je suis sûr que je ne l’aurais jamais achevée.” Jimi Hendrix
[…] autant par l’émergence du rock anglais, que par Bob Dylan, il tente une nouvelle experience au sein d’une formation folk (The Town Criers). […]
[…] autant par l’émergence du rock anglais, que par Bob Dylan, il tente une nouvelle experience au sein d’une formation folk (The Town Criers). […]