TERRY REID : La voix méconnue des seventies

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Terry Reid, un type capable d’électriser une scène avec une maîtrise totale du folk américain, de la soul, et du rock’n’roll…

Comme vous le devinez, la notoriété de Terry Reid n’a rien de comparable avec celle de Neil Young ou de Robert Plant. Surtout dans nos contrées. Et pourtant, quel artiste ! Quelle voix ! Je vous parle de l’alter-ego de Janis Joplin. Un british capable d’électriser une scène avec une maîtrise totale du folk américain, de la soul, et du rock’n’roll. Un artiste délaissé par la réussite, à moins que ce ne soit le contraire. Lui qui refusa l’autoroute de la gloire en déclinant les offres de Led Zeppelin et Deep Purple, préfèrant emprunter un chemin de traverse, chaotique et sinueux, sur lequel il a semé des perles méconnues.

Terry Reid – Let’s Go Down

Voilà pourquoi, il fut le second choix de Jimmy Page juste derrière Steve Marriott, pour devenir le chanteur de Led Zeppelin

Terry Reid - illustration de José Corréa
Terry Reid par José Correa

Des débuts prometteurs

Natif de Huntingdon en Angleterre, il n’a que 20 ans lorsque le producteur Mickie Most prend sa carrière en main. En 1968, Terry Reid enregistre son premier album, Bang Bang, You’re Terry Reid. Ce dernier contient surtout des reprises. Comme le fameux Bang Bang, tube de l’année 1966 interprété Cher. Terry y insuffle sa puissance donnant une intensité insoupçonnée à cette composition de Sonny Bono. En entendant l’accompagnement garage et ce screamer puisant chaque note au plus profond de lui, on ne peut s’empêcher de songer au Big Brother et à l’époustouflante Janis Joplin

Terry Reid – Bang Bang

Son premier album est un échec. Il possède pourtant une palette vocale si étendue qu’il impressionne même la Queen of Soul en personne (Aretha Franklin). De retour d’une tournée outre-atlantique, cette dernière confie à un journaliste :

 « En Angleterre, il y a les Beatles, les Rolling Stones… et Terry Reid ! »

Au cours de l’année 1968, Terry Reid recueille de nombreux avis favorables après avoir effectué les premières parties de Cream, Jethro Tull et Fleetwood Mac. Il fait également une forte impression lors de son passage au Miami Pop Festival.

Quand Terry Reid refuse le dirigeable, et le Deep…

Jimmy Page
Jimmy Page

C’est à ce moment que Jimmy Page alors membre des Yardbirds, lui propose de devenir le frontman d’un super groupe que l’on baptisera plus tard The Biggest Band of the 1970’s . L’objectif du guitariste est de créer un son lourd jamais entendu auparavant. Se sentant à l’aise dans le rock psyché et le folk qui dominent encore les débats, Terry Reid décline son offre. Led Zeppelin se fera sans lui, et ironie du sort, c’est Terry Reid en personne qui recommandera le jeune Robert Plant à Jimmy Page.

Terry Reid
Terry Reid

La même année, Deep Purple souhaitant se séparer de son chanteur Rod Evans, lui propose aussi le poste. Terry décline encore… C’est finalement Ian Gillan qui profitera de l’aubaine.

Superlungs : des principes et un manque total de réussite

Si Terry Reid semble fuir la gloire, il faut reconnaître que celle-ci le lui rend bien. Un passage réussi au Beat Club, et des premières parties de Jimi Hendrix et des Rolling Stones très remarquées n’empêchent pas son excellent deuxième album d’être un échec commercial.

Terry Reid – July

Même le titre éponyme Superlungs, reprise de Donovan transformée en un sublime rock-psyché taillé pour les ondes de l’époque, reste englué dans les profondeurs du classement…

Terry Reid – Superlungs

Mais Terry Reid est un artiste intègre, le manque de réussite ne saurait avoir raison de ses principes. Il refuse toute étiquette et ne fait aucun compromis, se dressant notamment contre Mickie Most, quand ce dernier se met en tête de le transformer en chanteur de ballades.

Le producteur ne lui pardonnera pas ses choix à contre-courant. Terry décide alors d’attendre la fin de son contrat, et passe le début des années 70 à jouer dans l’anonymat des clubs, excepté son apparition en 1970 au Festival de l’île de Wight.

Terry Reid – C’mon Mary (Live Isle of Wight)

Pour son retour, malgré de bonnes critiques, son troisième album est un nouvel échec commercial. Alternant le country-rock acoustique, et le folk épuré façon « Astral Weeks » de Van Morrison, « River » publié en 1973 est pourtant une oeuvre très inspirée…

Terry Reid – Live Life

Glanant au passage quelques irréductibles fans dans la moitié ouest des Etats-Unis, il persévère et sort un quatrième opus en 1976.

Seed of Memory

« Seed of memory » est produit par son ami Graham Nash (The Hollies, CSN&Young). Rétrospectivement considéré comme son meilleur album, il possède toutes les qualités nécessaires à un succès critique et commercial. Comme ce titre au parfum de routes américaines et de sentiers indiens, où sa voix dans un crescendo céleste fait merveille…

Terry Reid – Seed of Memory

Tout comme l’album « Hotel California » des Eagles, sorti un an plus tôt, « Seed of Memory » oscille entre country et rock’n’roll et jouit d’une production éclatante. Mais encore une fois, Terry Reid n’a pas chopé le bon wagon.

Terry Reid – Faith To Arise

A Los Angeles, l’apogée du funk donne naissance au courant disco, pendant que outre-Manche, les Sex Pistols et le Clash ramènent le rock à ses fondamentaux. Son sésame sera ainsi noyé dans la production de masse de la fin des années 70, faisant tomber dans l’oubli quelques perles. Comme ce titre soul de quinquagénaire ragaillardi par une jeunette, et le groove qui l’accompagne…

Terry Reid – Ooh Baby (Make me feel so young)

Une dernière tentative…

En 1979, son cinquième album, Rogue Waves, plus commercial et légèrement teinté de funk, est ignoré de la même manière. Il contient pourtant une ballade imparable, dont l’écho résonne encore dans les coeurs bien après son écoute. Une reprise d’un titre écrit par le duo Bourdleaux Bryant en 1958, et popularisé par The Everly Brothers

Terry Reid – All I Have to do is Dream

Terry Reid a tout de l’artiste maudit, et même les mauvais timings ne peuvent expliquer son manque de réussite. Néanmoins, sa nature philosophe et sincère semble l’avoir préservé des démons qui assaillent généralement les rockers affublés d’un mauvais karma.

Terry Reid – River

Retour au studio, et à l’anonymat

Un nouvel échec à l’aube des 80’s le pousse à raccrocher pour devenir musicien de session (studio). Il apporte sa collaboration sur des oeuvres de Don Henley, Jackson Browne et Bonnie Raitt. Il tentera à nouveau de sortir un album en 1991. Nouvel échec, malgré le succès commercial de la bande originale du film Jour de Tonnerre.

Non, je vous rassure, Terry Reid n’a pas fini une seringue dans le bras, dans un sinistre taudis, seul et oublié de tous.

Mick Taylor
Mick Taylor

Bien sûr, avec l’âge et quelques « boire et déboires », sa voix a grandement perdu de son éclat. Mais Terry joue toujours. En partie, grâce à son ange, le talentueux Mick Taylor. L’ex-Rolling Stones l’invite régulièrement sur ses tournées, notamment  durant les années 90.

Sauvé par un artiste de metal-rock

C’est par le biais du cinéma que son œuvre finira par acquérir un peu de cette notoriété qui lui revient. Devil’s Reject, un film d’horreur sorti en 2005. A priori, rien à voir avec les envolées de notre chantre méconnu. Sauf que le décor du film, le sublime désert de Los Angeles et ses routes interminables, se prêtaient parfaitement aux ballades folk-rock de l’album Seed of memory. Le réalisateur et musicien de métal Rob Zombie ( du groupe White Zombie) décide d’en intégrer trois à son long métrage. L’intemporel Seed of Memory (voir plus haut), et cette ballade mélancolique et cristalline, d’une douceur à faire fondre la banquise…

Terry Reid – To Be Treated Rite

Alors vous me direz, la plupart d’entre vous ignoraient certainement jusqu’à son nom ! Et il n’y aucun mal à ça, il est absent de la plupart des anthologies du rock. Même l’éminent Philippe Manœuvre l’avait omis des deux premiers volume de sa Discothèque idéale, avant de se rattraper sur le troisième.

Terry Reid, un virtuose méconnu

Alors, j’entends d’ici certains dirent : «Ouais, c’est bien fait pour lui. Le mec s’est tiré deux balles dans le pied en refusant Led Zep et les Deep ». Terry Reid, chanteur de Led Zeppelin… Je reconnais que depuis sa découverte, l’idée me hante… Au point d’avoir commis l’impardonnable blasphème de le substituer dans mon esprit à l’excellent Robert Plant. Pourtant, je crois qu’au fond, Terry Reid a eu la carrière qu’il souhaitait. Et peut-être même qui lui convenait. Jouant son folk-rock devant un public parsemé, dans un bar de Louisiane, ou un pub du Sussex, il n’a jamais regretté de ne pas avoir intégré le prestigieux Supergroup.

Plant & Reid
Robert Plant & Terry Reid

Comme une récompense pour son talent et son humilité, le fameux Robert Plant, son célèbre alter-ego, déclarait récemment à son sujet :

«Terry Reid est probablement le meilleur chanteur de cette période (1960-70).»

Et il n’y a pas de plus bel hommage que celui du métier.

Serge Debono

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