Quand Jimi Hendrix se présente au Festival de Monterey, il n’est pas encore prophète en son pays. Après quarante minutes d’un show époustouflant, il entre dans l’Histoire…
18 juin 1967, le premier festival international de musique pop bat son plein depuis deux jours dans la ville de Monterey (Californie).
Jimi Hendrix parmi les grands
Les milliers de spectateurs présents ont vu défiler Eric Burdon & The Animals, Simon & Garfunkel, les groupes californiens Jefferson Airplane et Big Brother (Janis a fait forte impression), et des cadors comme les Byrds, Otis Redding ou Buffalo Springfield. Excepté Ravi Shankar, rémunéré pour sa prestation de 3H30, tous sont venus gracieusement pour communier dans une grande messe musicale à la gloire de la contre-culture.
Le festival est déjà une franche réussite quand il voit se profiler l’affiche de cette dernière soirée. Au programme, The Who, phénomène britannique, et la surprise du chef, The Jimi Hendrix Experience. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, aucune des deux formations n’est vraiment sereine …
Chacun souhaite ouvrir le bal. En effet si les Who sont en terrain conquis en Angleterre, il n’ont pas encore gagné le coeur de l’Amérique. De plus, Pete Townshend qui a eu l’occasion de contempler les prouesses du divin gaucher dans un club londonien, sent venir le coup d’éclat. Quant à Jimi, bien que natif de Seattle, il a dû rejoindre Londres pour enregistrer son premier album et voir sa carrière enfin décoller. Il est encore quasiment inconnu sur la côte ouest des Etats-Unis, et ne doit sa présence qu’à l’insistance de Paul McCartney auprès des organisateurs…
Au final, les anglais obtiennent le droit d’ouvrir en gagnant à pile ou face ! Dépité, Jimi regarde Pete Townshend, et lui lance :
“ Désolé mais je vais être obligé de faire très mal !”
Les Who effectuent un set remarquable, terminé par une destruction de matériel devenue leur marque de fabrique…
The Who – My Generation (Monterey 67)
C’est alors que Brian Jones (toujours Stones), lui le british surnommé “Prince du Danemark”, se pointe sur la scène du festival afin de présenter à l’amérique son futur champion…
Jimi fait son entrée, pressé d’en découdre. Il est vêtu d’un pantalon rouge, d’une chemise orange, et d’un boa rose enroulé autour du cou. Le public comprend que cet inconnu couve un phénomène de grande ampleur. Les premières mesures de “Killing Floor” vont venir confirmer cette première impression…
Une entrée fracassante dans l’histoire du rock
Comme il le fit un an plus tôt de l’autre côté de l’Atlantique dans un face à face légendaire avec Eric “God” Clapton, Jimi Hendrix terrasse son assistance avec ce titre de Howlin’ Wolf, et enchaîne avec le sulfureux “Foxy Lady”.
Dans un show hallucinant, il démontre un enthousiasme rarement affiché durant la suite de sa courte carrière. Déchaîné, il multiplie les effets de scène. Alternant riffs efficaces et salves dissonantes, il écrase ses pédales wah wah et fuzz avec une énergie et une maîtrise totale.
Le guitar-hero décide alors de se reconnecter au public, en affirmant une influence commune. L’une des sources d’inspiration du mouvement pacifiste, le pape de Greenwich Village, mister Bob Dylan…
Jimi Hendrix – Like a Rolling Stone
Malgré l’accalmie, dans le public c’est la stupeur. Certains croient à un mauvais trip, d’autres à une révélation. Tandis que Paul McCartney, dissimulé dans la foule, se frotte les mains, la caméra du réalisateur D.A Pennebaker filme le visage aux anges de Janis Joplin.
A cet instant, Jimi songe sans doute à ces clubs désert de New York où il se produisait devant un public totalement indifférent à son talent. Il enchaîne avec une version anthologique de « Hey Joe ». Une véritable démonstration, avec solo derrière la nuque et coups de dents. Jimi finit de mettre son auditoire à genoux…
Jimi Hendrix – Hey Joe
https://www.youtube.com/watch?v=i5nkYQo6XcU
Mais si Jimi Hendrix se fait parfois vaudou, il n’est pas devin. Craignant sans doute que dans ce pays qui n’a pas su reconnaître son talent, cette démonstration ne soit pas suffisante, derrière le passage des Who, il se laisse aller à une mise en scène dantesque.
Le show du vaudou
« Quand j’ai brûlé ma guitare c’était comme un sacrifice. On sacrifie ce qu’on aime et j’aime ma guitare. Ce jour là je venais de finir de la peindre et j’en étais très fier. »
Arrivé sur le festival deux jours plus tôt, Jimi a oublié sa guitare. Celle qu’on lui fait parvenir lui convient, excepté la couleur. Il décide donc de la repeindre avec une laque spéciale, et très inflammable… Le soir du 18 juin, quelques giclées d’essence supplémentaires contribuent à donner un effet saisissant à son show. Sous les yeux éberlués de ses comparses Noel Redding et Mitch Mitchell, Jimi se livre à un rite sexuel et mystique au coeur d’un titre sauvage. Ce dernier va marquer les esprits, et les rendre avides d’un spectacle que le guitariste se refusera par la suite à reproduire.
Jimi Hendrix – Wild Thing (Monterey)
The Jimi Hendrix Experience fait partie des grandes sensations du festival de Monterey. Leur premier album caracolant déjà dans les charts anglais depuis le mois de mai, sort finalement aux Etats-Unis le 23 août. Quinze jours plus tard, il occupe la 5ème place du Billboard américain.
Serge Debono
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