THE HOUSE OF LOVE : leur premier album

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Le 33t The House Of Love
L’album The House Of Love

C’est en parcourant les chroniques Disques des Inrockuptibles – à l’époque la meilleure revue de Rock Indé en France -, qu’on a découvert comme beaucoup le groupe The House Of Love courant 1988.
Fin des années 80, avant la Britpop et le Grunge, des p’tits Anglais explorent à nouveau les joies de la guitare, de la fuzz et autres effets, grâce à The Jesus And Mary Chain. Dans le peloton se détache The House Of Love, un beau patronyme en hommage à la fois au titre The Spy des Doors, et son origine, le livre A Spy In The House Of Love par l’écrivaine Anaïs Nin.

Creation

Le projet à été fondé en 1986 par un grand gaillard d’une trentaine d’années, chanteur et guitariste, Guy Chadwick. Dans une autre vie, il a fait partie du groupe The Kingdoms, une participation qu’il vomira ensuite dans la plupart de ses interviews. Pour la première mouture de son nouveau gang, Guy s’adjoint les services d’un vieux pote à la batterie, Pete Evans, de la guitariste / chanteuse allemande Andrea Heukamp accompagnée de son bassiste et amoureux du moment le néo-zélandais Chris Groothuizen. Enfin, à la guitare solo, il trouve un p’tit génie du manche et des boîtes à sons pour six cordes, le brillant jeunot – de 10 ans son cadet -, Terry Bickers.

POUP : House Of Love
Butterfly Guy – The House Of Love par Le POUP

Remarqué par Alan McGee, le boss défricheur du mythique label Creation, The House Of Love sort un premier single en Mai 1987, Shine On, un titre qu’ils remodèleront plus tard… Après plusieurs dates et un autre 45t, Real Animal, Andrea Heukamp quitte l’équipe, ce qui désolera toujours Chadwick, regrettant sa voix pour les chœurs ainsi que son jeu de grattes. Cela dit, Elle participera plusieurs fois ensuite à des enregistrements ultérieurs… A noter pour les collectionneurs / euses, la branche allemande de Creation rassemble en 1987 les titres des singles et quelques inédits dans une compilation locale, dénommée… The House Of Love – quelle imagination -, vite rebaptisée par les fans, The German Album.

The House Of Love – Shine On / 1re version (1987)

Finalement, le premier vrai recueil de The House Of Love paraît le 16 Mai 1988, encore une fois sans intitulé. Le groupe cherche le minimalisme. Suzie Gibbons a photographié le quatuor deux par deux : au recto, Chadwick et Bickers, au verso, Groothuizen et Evans. Le LP comporte dix titres inventés par le chanteur / guitariste. Le tout a été produit par la bande aidée de Pat Collier. Si l’enregistrement a été rapide – une semaine -, le mixage a été plus laborieux, le Guy affirmant déjà ses idées avec ténacité voire pugnacité, alors que pas mal de drogues circulent… Résultat, le son s’affiche âpre, à l’os. Pour la luxuriance maniaque et plus coûteuse, il faudra attendre les productions futures du quartet.

The House Of Love
The House Of Love en 1988 : Chris Groothuize, Pete Evans, Terry Bickers, Guy Chadwick (Photo originale de Suzie Gibbons pour la pochette de l’album)

Chadwick avait écrit pour The House Of Love une chanson essentielle, comme on bâtit des fondations. Depuis il la gardait au secret, sous le coude, pour le meilleur. Christine ouvre donc le bal. Le leader et son alter ego, Bickers, ont accumulé des pistes de guitares éthérées pour le thème principal flottant sur la rythmique à l’Anglaise de Pete Evans et Chris Groothuizen. Les voix du Guy et d’Andrea – ici présente – susurrent plus qu’elles ne chantent, un choix valorisé par la réverbération. Le morceau suit un crescendo ponctué du retour du leitmotiv obsessionnel avec une belle coda. Le romantisme onirique et hypnotique de ce joyau conduira certains critiques à appréhender The House Of Love telle une influence du style Shoegaze… Sorti en single, Christine lancera définitivement le quartet.

Christine – The House Of Love (1988)

Ce qui fait la particularité de ce disque, comme pour tous les grands premiers albums, c’est l’excellence constante des compositions et leur variété. La deuxième plage par exemple, Hope, propose un autre chemin narratif, avec à la fois une évocation du Velvet Underground période troisième album pour la douceur relative, et des flashs explosifs de guitares menés par Bickers. A plusieurs moments, on retrouvera dans les chansons cette alternances de faux plats et de pics électriques.

Hope – The House Of Love (1988)

Des six cordes parlons-en. Le jeunot joue sur une Fender Jazzmaster ou comme son aîné, sur des demi-caisses, Epiphone Sheraton voire Gibson ES 335, pour le sustain et les feedbacks à volonté. Riffs en accords ou en notes répétitives, arpèges, brefs chorus, les deux s’amusent à se répondre, à s’unir ou se séparer, un duo idéal sur les titres Road ou Sulphur.

Road -The House Of Love (1988)

Pour la fin de la première face, Guy Chadwick glisse une ballade douce amère sur le temps qui passe : Man To Child. Parfois, il y a dans sa voix quelque chose de brisé, rappelant les intonations d’un Syd Barrett en solitaire. Encore une fois, les parties de cordes sont merveilleuses d’émotions.

Man To Child – The House Of Love (1988)

S’il y a bien un titre où l’on sent l’influence – assumée par Chadwick – de The Jesus And Mary Chain, c’est avec l’entame de la seconde partie, Salome. Construit autour d’un arpège serpentin, tourbillonnant, ce prétexte à la débauche voltaïque et la surchauffe des amplis ou du batteur s’évanouit malheureusement trop rapidement…

Salome – The House Of Love (1988)

Love In A Car s’avère l’autre sommet émotionnel de la collection à l’instar de Christine. Là aussi, en bidouillant ses pédales d’effets, Bickers lance dans l’espace des ondulations sur une rythmique classiquement velvétienne. Chadwick raconte ses amours passées, les souvenirs remontent et éclatent lors du pont, avec la reprise par le jeune soliste de sa suite de notes mélancoliques.

Love In A Car – The House Of Love (1988)

Dans l’ironique Happy, le quatuor démontre à la fois son acidité dans les textes et le son. Quant à Fisherman’s Tale, le chanteur y exprime une parabole mêlant romantisme et scènes maritimes, le tout hérissé des pointes d’humeur de Bickers. On saluera ici à nouveau l’assise parfaite apportée par Evans et Groothuizen, l’un imparables aux baguettes – en concert à l’époque, c’est marquant – et l’autre, inexorable sur sa basse tel un Simon Gallup de The Cure.

Fisherman’s Tale – The House Of Love (1988)

Enfin, le gang a gardé pour la fin, Touch Me, la toute première chanson écrite par Chadwick. Il y a un véritable paradoxe chez ce gars, assez engoncé dans son grand corps, mais capable d’une rare sensualité dans ses paroles, même si au départ, il souhaitait les enfouir sous les accords et larsens de guitares. Justement, Bickers intervient brutalement avec l’un de ses solos les plus irradiants du disque, donnant une touche psychédélique à ce beau final.

Touch Me – The House Of Love (1988)

Cet opus de The House Of Love recevra un accueil enthousiaste des critiques et du public. On remarquera les mélodies, les textes matures et la voix particulière de Guy Chadwick de même que le jeu rayonnant de Terry Bickers. Avec perspicacité, Creation sortira l’emblématique Christine en single juste avant la parution du 33t, lequel single atteindra la première place des Charts Indés, ce qui lancera les ventes de l’un et l’autre. Son aura renforcée par des concerts impressionnants – le fameux DJ John Peel en restera estomaqué -, le groupe croulera sous les propositions des labels pour un nouveau disque. Chadwick et sa bande laisseront un dernier cadeau à Creation, le cinglant Destroy The Heart.

The House Of Love – Destroy The Heart (1988)

A suivre…

Bruno Polaroïd / Illustration par Le POUP

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