LARRY WILLIAMS : requiem pour un bad boy pourvoyeur de tubes

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Un talent resté dans l’ombre

Larry Williams ! Si ce nom ne vous dit rien, sachez qu’il était dans toutes les têtes des plus grands rockeurs de la première moitié des sixties. Un pionnier du rock’n’roll méconnu, ami de Little Richard, et dont les œuvres ont fait danser quelques millions de personnes…

Larry Williams – Short Fat Fannie

Trois régions à l’activité musicale foisonnante ont fortement contribué à façonner son talent. Lawrence Eugene Williams voit le jour le 10 mai 1935 à la Nouvelle-Orléans (Louisiane). Il passe une partie de son enfance à Chicago (Illinois), avant de suivre ses parents à Oakland (Californie). C’est au cœur de cette dernière située dans la baie de San Francisco, qu’il forme son premier groupe de rhythm & blues, The Lemon Drops.

Larry Williams

En 1954, il retourne en Louisiane afin de travailler comme valet de chambre avec son cousin, le chanteur Lloyd Price, auteur du titre Lawdy Miss Clawdy.

Larry Williams finit par se joindre au groupe de Price alors contaminé par l’éclosion du rock’n’roll. Il démontre de sérieuses aptitudes au chant et au piano, et commence à côtoyer un certain Little Richard au sein du label Speciality Records.

Larry Williams – She Said Yeah

Bien que la carrière de Lloyd Price ait décollé, Larry doit se contenter d’un maigre salaire, qu’il complète en dealant un peu de dope. Heureusement, le destin finit par lui sourire. Son cousin parti pour l’armée, et Little Richard dans les voies du seigneur, Speciality Records se cherche une nouvelle pépite. Une aubaine pour Larry Williams !

Larry Williams – Dizzy Miss Lizzy

Son tout premier single, inspiré par le registre de Lloyd Price, meurt en radio. Néanmoins, cela permet à Larry de signer un contrat chez Speciality Records. Tous les artistes transitant par le label sont bluffés par son talent. Au piano, on le dit meilleur que Fats Domino et Professor Longhair. Quant à son chant subtil et brut, il semble pouvoir compenser l’absence de Little Richard, et venir concurrencer le genius Ray Charles.

Larry Williams

Conforté dans l’idée qu’il est fait pour ce métier, Larry Williams entre dans une période de créativité que jamais il ne retrouvera. Bad Boy, Short Fat Fannie, Bony Maronie, Dizzy Miss Lizzy, She Said Yeah, ou encore Slow Down, sont tous enregistrés entre 1957 et 1959. Une série de singles amenés à devenir des standards du rock, et qui auraient sans doute dû le rendre millionnaire…

Larry Williams – Slow Down

A ce stade de l’histoire, tout est réuni pour faire de Larry Williams une star. Une étoile voyant son nom trôner en haut de l’affiche aux côtés de Ricky Nelson, Eddie Cochran, Buddy Holy, Chuck Berry et le Roi Presley.

Larry Williams

Seulement, à cette époque, la promotion musicale et l’industrie du disque sont un drôle de business. Robert Blackwell, patron de Speciality Records, ne génère pas assez de bénéfices pour payer les programmateurs de radio. Du coup, la majorité des titres de Larry Williams ne bénéficient pas d’une diffusion suffisante, et connaissent un succès relatif. Pour couronner le tout, Larry se fait pincer pour possession de stupéfiants.

Larry Williams – You Bug Me Baby

Viré de Speciality Records, il fait un essai chez Chess Records, mais sans succès. Larry Williams s’en va alors purger une peine de trois ans d’emprisonnement. Une absence, et une expérience douloureuse dont il aura bien du mal à se remettre.

Lors de sa sortie de prison, en 1962, le paysage du rock a changé. Le rockabilly s’est éteint, et le rhythm and blues de Ray Charles s’est adouci. Les Beatles et la vague britonne ne déferlent pas encore sur l’Amérique, mais ce n’est qu’une question de temps.

Par bonheur, John Lennon est fan de Larry Williams. Les Fab Four adaptent trois de ses compositions : Slow Down, Dizzy Miss Lizzy et Bad Boy. Les Rolling Stones enregistrent une cover de She Said Yeah, quant aux Who, ils interprètent fréquemment Bony Moronie sur scène.

Bony Moronie

Cette reconnaissance du métier procure à Larry une certaine satisfaction, et quelques revenus. Seulement, la frustration de ne pas avoir eu son heure de gloire, de ne pas avoir été adulé par le public, est bien plus difficile à apaiser. D’autant qu’à cette époque, les choses vont extrêmement vite. Les succès d’un jour sont rarement ceux du lendemain. Et l’argent vient à manquer.

Let me Tell You Baby

Larry fait ce qu’il peut pour s’en sortir. Certains racontent qu”il est proxénète, ou dealer. Ce fut la première impression de Bobby Womack, alors jeune musicien au sein du groupe The Valentinos, et produit par Sam Cooke

« Il avait l’air d’un souteneur, d’un gars de la rue. On disait cela de lui. Mais je ne crois pas, ce sont des activités à temps plein, inconciliables avec une carrière dans la musique. Sam Cooke m’a dit que Williams avait été un pionnier et qu’il avait inventé pas mal de choses. Et qu’en voyant d’autres lui prendre ses idées sans qu’il en profite, il était simplement devenu amer ».

Au milieu des années 60, Larry Williams monte une formation de soul funk articulée autour de Little Richard et le guitariste Johnny Guitar Watson. Ayant renoué avec son ami screamer, il produit deux albums solo de Little Richard, et compose pour lui quelques titres. Comme le tube Poor Dog

Little Richard – Poor Dog

Dans le même temps, il s’associe avec le groupe de folk psyché Kaléidoscope. Pour quelques belles compositions, toujours aussi peu lucratives…

Kaleidoscope – Nobody

Il se lance alors dans un projet soul avec le guitariste Johnny Guitar Watson. Le duo publie deux albums, dont l’excellent Two for the Price of One

Larry Williams & Johnny Guitar Watson – Two for the Price of One

On est en 1967, et les merveilles pleuvent chaque jour sur le billboard américain. Du côté rhythm and blues, l’hégémonie de Otis Redding et Aretha Franklin, à laquelle s’ajoutent l’éclosion de Al Green et Marvin Gaye, laissent peu de place aux autres.

Larry Williams
Larry Williams & Johnny Guitar Watson

Le chanteur-compositeur et son gangster of love ne parviennent pas à convaincre le public. Pourtant, leur deuxième album n’a pas grand chose à envier aux productions de Sam & Dave et consorts. D’ailleurs, quelques années plus tard, la vague Northern Soul balayant le nord de l’Angleterre saura reconnaître leurs talents conjugués, en exhumant ce titre pour en faire un standard du genre.

Larry Williams & Johnny Guitar Watson – Too Late

Le passage des seventies s’avère difficile pour Larry Williams. Ses déboires musicaux et affectifs le fragilisent et le poussent à se réfugier dans l’héroïne. Pour cela, il se tourne vers de vieilles connaissances. Si la légende lui a construit une jeunesse de délinquant, ce n’est en réalité qu’au cours des sulfureuses années 70 que le Bad Boy entre en scène.

Miné par les regrets et l’amertume liés à son infortune, il devient irritable et agressif. En 1977, devenu le dealer de son ami Little Richard, il menace sérieusement le screamer en raison d’un impayé.

Little Richard

Terrorisé, Little Richard s’en va effectuer sa deuxième retraite religieuse, loin des affres du rock’n’roll.

” Il joue cette musique rock’n’roll toute la nuit
Il met des punaises sur la chaise du professeur
Et du chewing gum dans les cheveux des filles.”

Larry Williams – Bad Boy

Les véritables bad boys ne font jamais long feu. Dans le rock comme ailleurs. Surtout lorsqu’il sont affublés d’une telle déveine. Car si l’évolution des lois a permis à de nombreux artistes noirs des années 50 à 70, de récupérer une partie de ce qu’il leur revenait, et ainsi finir leurs jours décemment, certains n’ont pu endurer le poids de l’injustice. Des crédits de chanson escamotés, des droits soutirés pour quelques billets, des contrats léonins en pagaille. Larry Williams a tout connu car il était l’un des rares chanteur-compositeur des années 50. Il n’a pas supporté d’être spolié si longtemps.

Larry Williams

Le 7 janvier 1980, il est retrouvé mort à son domicile. Un trou dans la tête et une arme à la main. Version officielle : suicide par arme à feu. Même si sa mère, à mentionner à la police, qu’elle avait trouvé la porte d’entrée, verrouillée de l’extérieur…

Le Bad Boy s’éclipse à l’âge de 44 ans. Sans faire de bruit. Laissant un bel héritage musical, toujours loué par ses pairs. Alors la prochaine fois que vous entendrez Slow Down, Dizzy Miss Lizzy, Bony Moronie ou Bad Boy, ayez une pensée pour Larry Williams.

Serge Debono

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