CERTAIN GENERAL : l’album November’s Heat

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Seulement un rêve…

Certain General au milieu des années 80
Certain General : Marcy Saddy, Joe Lupo, Parker Dulany et Phil Gammage

Le public français a toujours eu un faible pour les rebelles, les renégats, les artistes maudits dans leur pays et adorés ici. On se souvient ainsi de l’engouement pour Alan Vega en solitaire…
Un autre bon exemple avec les New-Yorkais de Certain General. Le quatuor se rassemble à partir de 1980 autour de Parker Dulany, chanteur / guitariste charismatique, également peintre et poète. Russell Berke est à la basse, la nana Marcy Saddy (Ex The B-Girls de Toronto) à la batterie, et enfin l’excellent Phil Gammage à la guitare. Le gang se fait vite remarquer par des concerts proches de la performance artistique.
En 1982, le quartet signe avec le label indépendant de New York Labor Records et enregistre un premier EP cinq titres, Holiday of Love. Il est produit par Peter Holsapple des Db’s et mixé par Michael Gira.

Certain General – Holiday Of Love – Idem (1982)

Malgré des avis positifs, Russel Berke quitte le groupe en 1983. Son remplaçant, le roadie Joe Lupo, pourtant moins expérimenté, va apporter le surplus d’énergie qui leur manquait. Des concerts et des premières parties incandescentes, notamment en ouverture de The Cure, alimentent leur réputation. C’est alors qu’en 1984, après un mini album Live / Studio – Far Away In America – partagé avec les potes de Band Of Outsiders, l’impensable se produit. De l’autre côté de l’Atlantique, le boss du déjà culte label français L’invitation Au Suicide, souhaite lancer leur premier véritable LP ! Effectivement, Yann Farcy aurait craqué à l’écoute du mini album. Ça tombe à pic, les gars ont déjà mis sur bandes quelques titres aux Chung King Studios à New York depuis Novembre 1983…

Perçant le brouillard

Cet album initial de Certain General paraît donc sur le label français, avec une distribution de New Rose, et en Novembre 1984, une date de circonstance puisqu’il s’intitule November’s Heat, allusion au début des enregistrements. Ses 11 titres sont coproduits par l’équipe et Jim Tothe avec l’ingénieur Steven Ettinger. Yves Guepin a pris la superbe photographie hivernale de la pochette tandis que Marie Lemeur, Gérard Rabel et Yann Farcy lui-même se sont occupés du design. La sous pochette présente les paroles.

November's Heat, pochette
November’s Heat : recto, verso et sous pochette

Maximum G ouvre le bal. La basse de Joe Lupo gronde, Marcy Saddy l’accompagne sur ses cymbales et le guitariste Phil Gammage brode des harmoniques telles des étincelles perçant le brouillard. Puis les trois dessinent un générique en cinémascope. La guitare cisaille le paysage glacial. La voix de Parker Dulany apparaît, entre feulements et emphase, sur des battements martiaux. Comment résister à une telle aubade ?

Certain General – Maximum G – November’s Heat (1984)

Chaque titre est ciselé, poli comme un diamant noir. Mais avec une économie de moyens : parfois un peu de claviers joués par Lupo, de l’harmonica par Gammage, peu d’overdubs. La production sonne efficace et plutôt froide, on est en 84 quand même ! Si Service, la seconde plage, s’affiche presque dansante, le sinistre Dachau Now – ce titre – vacille au bord d’un gouffre émotionnel. La voix de Dulany cherche la cousinade avec celle de Peter Murphy, le chanteur de Bauhaus, passant de l’aigu moqueur au grave incantatoire. Après les ruades de la 4 cordes de Lupo sur Pilgrim, une ritournelle de guitare acoustique présente My Gang In The Woods, vite rattrapée par une section rythmique à la Joy Division. Mais soudain tout s’accélère lorsqu’arrive le clavier dans une cavalcade de Western Spaghetti. Plusieurs fois dans l’album, on retrouve ces accélérations où s’éclate la batterie de Marcy Saddy.

My Gang In The Woods

Le guitariste Phil Gammage saisit le micro pour le très beau Only A Dream. Une intro de basse que ne renierait pas Peter Hook de New Order – les gars tourneront ensemble quelques années plus tard -, puis Phil entame sa déclaration. Le refrain à plusieurs voix demeure l’un des plus accrocheurs et des plus romantiques du disque. Pourtant, plus dure sera la chute après une nouvelle chevauchée fantastique.

Only A Dream

La seconde face en vinyle s’ouvre sur l’emblème du recueil : Voodoo Taxi. Le choix du titre interpelle même un Frenchy. Les gars l’ont construit sur un crescendo infernal menant à l’ultime dérapage. Parker Dulany, quasiment possédé, et ses trois acolytes, dont l’implacable section rythmique Lupo / Saddy, conduisent la bagnole jusqu’au dernier obstacle. On imagine l’intensité que cette Drug Song pouvait atteindre sur scène. Un bijou perdu des Eighties.

Voodoo Taxi

Sympathy et Rasputin calment le jeu en apparence. Tempos moyens, harmonica, chorus de basse, l’atmosphère semble à la détente… Sauf que le dérèglement des sens n’est pas loin, le chanteur y veille. Gammage en profite pour glisser quelques interventions tout en fuzz. Ce type est l’autre héros du disque. Son jeu inventif et nerveux, mélodique et tranchant (Sur Fender), suit le solfège géométrique de la paire Verlaine / Lloyd, les duellistes de Television.

Sympathy

Enfin, Jack In The Heart et The Shang épuisent les derniers sillons. L’un retrouve les expérimentations soniques d’époque à l’instar de Pilgrim – flanger, toms électroniques… -, l’autre incarne une montée de température finale. Le guitariste sort un riff d’Acid Rock, des piqûres près du chevalet, pendant que Lupo et Saddy poussent les murs et Dulany vide son sac.

The Shang

Cette fierté blessée

Alors que le Post-Punk briton commence à montrer des signes d’essoufflements au milieu des années 80, Certain General appartient à cette génération de groupes Ricains ramassant l’étendard d’un rock intense à guitares. Citons entre autres : Rain Parade, The Dream Syndicate, Hüskur Dü, bien sûr le Gun Club de l’iconique Jeffrey Lee Pierce ou REM. Mais peu atteindront le grand public à l’instar du quatuor de Michael Stipe

Avec ce son unique entre Television, Joy Division et cette fierté blessée qui est leur marque personnelle, November’s Heat s’avère l’un des plus grands albums de la décennie. Mais on est en France pratiquement les seuls à le penser. Le journal Libération écrit des articles dithyrambiques et l’on voit Certain General dans les rares émissions Rock à la télé, notamment Décibels. Quand on sait qu’il faudra attendre 1999 pour que ce disque sorte aux States… La suite deviendra plus confuse avec le départ de la batteuse Marcy Saddy puis surtout en 85 du guitarman Phil Gammage, tenté par une aventure en solo, et son remplacement par Sprague Hollander. D’autres très bons disques suivront – Cabin Fever (1988), Jacklighter (1991)… -, cependant sans atteindre la tension glaciale de leur premier opus. Mais le gang gardera le soutien sans failles de la critique et de son fan club par chez nous.
Certain General revient parfois, les gars s’étant réconciliés pour le meilleur, même si c’est seulement un rêve…

Ps : L’album November’s Heat a déjà été réédité avec des titres supplémentaires ou inédits.

Bruno Polaroïd

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