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Quelle heure est-il, depuis combien de temps est-il dans cette pièce ? Qui l’a amené ici ?

Autant de questions sans réponses qui se bousculaient dans sa tête… Sans réponses, pour sûr, il n’y avait pas âme qui vive en ce lieu. Où était-il ? Difficile à dire…

Il était assis là depuis un temps… indéfini; une éternité à ses yeux. Les murs en pierre ne montraient aucun indice de la chronologie du scénario. Son téléphone portable était introuvable, et il ne portait pas de montre. La notion du temps s’était estompée, comme si cette pièce l’avait isolé du monde extérieur.

Love is all le temps n'existe pas
Cet endroit portrait la vibration du mystique et du sublime…

Où était-il? L’absence de la lumière solaire lui suggérait une grotte souterraine… Suggestion pourtant troublée par quelques détails significatifs : température idéale et aucune trace d’humidité dans cette chambre fermée, à tel point qu’on aurait pu se croire en fermant les yeux, quelque part en pleine nature.

Des questions en rafales s’entremêlaient dans son esprit, mais il n’avait aucune réponse.

Pourquoi était-il ici ? Qui étaient ces mystérieux ravisseurs ? Combien de temps allait-il y rester ? Il sentait bien qu’il n’était plus qu’un pion dans un échiquier et son anxiété grandissait à mesure que le temps s’écoulait.

Ethan se releva et s’approcha d’un fauteuil ancien planté là au beau milieu de la pièce. C’était un fauteuil de style Louis XVI, enfin, ça en avait tout à fait l’air. A peine rassuré par cet élément connu du décor, il s’assit avec circonspection. Puis, posant précautionneusement ses bras sur l’accoudoir, il accrocha involontairement avec sa manche un minuscule interrupteur.

Un bruit dissonant, grinçant et métallique le fit violemment tressaillir.

A dire vrai, il eut franchement les chocottes. Son corps tout entier se crispa. Le mur, comme dans une scène de film de science-fiction des années soixante-dix, s’ouvrit lentement, laissant quelques gravats s’effriter sur le sol. Son cœur battait la chamade et ses mains, crispées sur les accoudoirs du fauteuil étaient devenues de véritables étaux. Son sang semblait se glacer, observant impuissant l’apparition d’un écran géant illuminant la pénombre. Il ressentit alors une inquiétante présence, comme si l’écran sur le point de s’illuminer allait dévoiler un secret effroyable, une vérité interdite à ses yeux. Une vague d’angoisse l’emprisonna telle une marée montante submergeant tout son être. L’entité mystérieuse qui irradiait devant lui le plongeait dans un suspens à la limite du supportable.

“Putain, mais c’est quoi ce BINZ !!”

Après quelques instants, l’écran s’alluma, laissant d’abord place à une musique subtile … presque apaisante. Une mélodie familière, qu’il connaissait parfaitement, une partition dont chaque note avait gravé sa mélodie dans son âme et qui lui permit de relâcher cette pression insoutenable qu’il ressentait au travers de son corps.

Les premières images qui lui apparurent étaient déconcertantes. Elles semblaient évoquer des souvenirs capturés en noir et blanc remontant à une époque assez anciennes comme en attestaient les aspérités sur la pellicule. Un homme et une femme s’embrassaient, dégageant l’image rêvée du bonheur. Puis l’instant d’après, la pellicule dévoilait le déroulé d’une naissance : un femme accouchait de son enfant.

Pourtant, le visage de cette femme ne lui était pas étranger. Son visage lui était familier, et il pouvait reconnaître chacune de ses courbes ou deviner le parfum épicé de sa peau. Ethan qui était d’une nature pragmatique, pouvait soudain ressentir aussi bien les émotions de cette femme que celles de l’enfant à qui elle était en train de donner la vie. Il ressentait l’amour et son duel opposé : la peur. Il palpait cette joie absolue et ressentait l’effroyable souffrance des deux êtres à jamais séparés. Instant de joie et de supplice de l’unité qui se sépare pour expérimenter la conscience terrestre.

Jamais il n’avait été à ce point clairvoyant.

Et pour cause… Cette femme, il pouvait la reconnaitre entre toutes, quelle que soit l’époque, le temps ou l’endroit … Cette femme, c’était sa mère, accouchant de lui-même.

Le plan suivant, l’enfant était dorloté par sa famille, passant de bras en bras. Ethan reconnu son père, décédé depuis quinze ans ainsi que ses frères et sœurs. Le film se déroulait sans interruption : un accident de voiture, puis son premier amour, son diplôme de médecin, et l’hépatite qu’il avait contractée à l’âge de trente ans. La naissance de ses enfants, des moments de bonheur et des instants de frayeur… la tristesse et la joie, les contrastes duels de son existence défilaient uns à uns sur la pellicule.

Love is all Les montres molles
Les montres molles – Dali

Il pouvait observer ainsi chaque moment de sa vie d’un point de vue qui n’était plus vraiment celui d’Ethan. Visionnant tour à tour les événements clés de son destin, il pouvait intégrer comme un tout, les émotions de chaque “un”. Il lui était permis de ressentir en même  temps ses propres émotions et celles des acteurs de chaque scène, de telle sorte qu’il comprenait la justesse et les conséquences de ses décisions passées.

Comment avait-il aimé, comment avait-il fait souffrir?

Chaque scénette de son existence épousait les points de vues de tous les protagonistes. Une sensation étrange qui embrassait à la fois la séparation des corps et l’idée d’une conscience unifiée. Love is All – Ethan recevait des shoots d’émotions, jugeait objectivement les conséquences, estimait ses erreurs et rayonnait de ses succès. Mais les réussites dont il jouissait n’étaient jamais d’ordre matériel, comme il en avait eu l’habitude tout au long de sa vie. L’unique triomphe était désormais celui du cœur. Assis sur son fauteuil, Ethan ne comprenait plus que l’amour.

Désormais, le film semblait appartenir à une époque beaucoup plus récente.

Les images étaient d’une netteté saisissante, détaillées à l’extrême, et les couleurs éclataient dans une richesse inouïe. Ethan, à l’écran, arborait des cheveux grisonnants, et chaque pas qu’il faisait était marqué par le soutien d’une canne. Le film dévoilait la métamorphose d’un homme au fil des ans, le passage du temps inscrit sur son visage et dans son allure, mais aussi l’empreinte indélébile laissée par les expériences vécues. Rappel poignant de la fragilité de la vie et des multiples facettes de l’existence à travers une vie d’humain.

Love is All – Un sourire aux lèvres, puis l’instant d’après la larme à l’œil, le scénario qui se déroulait sous ses yeux était une histoire qu’il connaissait mieux que quiconque.

C’était … le film de sa propre vie. …

Et puis, contemplant avec émotion les dernières images, et lisant sur l’écran le dernier commentaire indiquant : The End … Ethan comprit qu’il était mort !


Auguste MARSHAL

 

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