BUFFALO SPRINGFIELD, une formation trois étoiles

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Trois auteurs de talent pour un joyau éphémère

Buffalo Springfield

Avant le célèbre Crosby, Stills & Nash (& Young), il y avait Buffalo Springfield. Un groupe éphémère, pionnier du folk-rock psyché, et fleuron du sunset strip de Los Angeles, qui entre 1966 et 1968, pouvait lui aussi se targuer d’avoir en son sein, trois des meilleurs compositeurs américains… Rien que ça !

Au début des sixties, suivant les préceptes de la beat generation, Stephen Stills ayant passé une partie de son enfance entre l’Amérique Latine et le sud des Etats-Unis, décide de quitter le Texas pour explorer le pays par lui-même. De passage à New York, il intègre un groupe de treize musiciens se produisant dans le célèbre Cafe Au GoGo, fief des artistes de Greenwich Village.

Il y fait la rencontre du guitariste-chanteur Richie Furay. Attirés par les sirènes libertaires de l’ouest, les deux hommes décident de tenter l’aventure californienne…

Une muse à trois têtes

Dans le même temps, Neil Young quitte Winnipeg et son Canada natal pour rejoindre Los Angeles… au volant d’un corbillard ! En effet, Stephen Stills et Richie Furay se trouvaient pris dans les embouteillages de la Cité des Anges, lorsqu’ils ont aperçu un corbillard conduit par un chevelu, et immatriculé dans l’Ontario…

“J’ai regardé par la fenêtre du conducteur du corbillard. C’était Stills ! Nous sommes sortis et nous nous sommes embrassés sur Sunset Boulevard au milieu de la circulation. Les gens klaxonnaient. Pour nous, c’était comme si tout le monde était en fête ! Quelque chose se passait, mais nous ne savions pas ce que c’était. C’était ce putain de Buffalo Springfield, c’était ça !

Neil Young

Même si la passion du Loner pour les berlines est maintenant connue, il semblerait que Neil Young s’en soit également servi pour passer la frontière illégalement. Sa cool-attitude et ses qualités de musiciens séduisent Stephen Stills. Neil Young est enrôlé, ainsi que deux de ses compatriotes, le bassiste Bruce Palmer et le batteur Dewey Martin. Le groupe Buffalo Springfield est né.

Buffalo Springfield

Leur premier single est un titre composé par Neil Young en 1965. Le hasard a voulu qu’il l’interprète à cette époque dans l’appartement new-yorkais de Richie Furay. Ce dernier, touché par ce texte inspiré par les échecs du Loner en terres canadiennes, insiste pour l’interpréter. Un titre où se mêlent les influences folk et country-rock du groupe, assaisonné d’une production blue-soul signée Atlantic Records

Buffalo Springfield – Nowadays Clancy can’t even sing

Avec trois canadiens, un texan et un new-yorkais, Buffalo Springfield n’est pas vraiment couleur locale. Qu’importe ! Ils possèdent la fibre californienne et deux fils conducteurs : le folk, et le rock’n’roll. Mais surtout, avec Stephen Stills, Neil Young et Richie Furay, le groupe est doté de trois auteurs-compositeurs-interprètes de talent.

Buffalo Springfield
Young, Furay et Stills

En décembre 1966, ils sortent leur premier album sobrement intitulé Buffalo Springfield. Une oeuvre boostée par un hymne pacifiste écrit et interprété par Stephen Stills, et devenu l’un des grands standards de l’époque. Et pour cause. Il est inspiré par des événements ayant eu lieu en 1966, sur le sunset strip de Los Angeles, alors que le groupe était en résidence au Whisky a Go Go. Un couvre-feu venait d’être instauré à 23H00, afin de freiner le mouvement galopant de la contre-culture. Des milliers de jeunes étaient alors venus manifester contre cette restriction. Une manifestation durement réprimée par la police de Los Angeles. Même l’acteur Peter Fonda, venu manifester avec Jack Nicholson, est embarqué au poste. Un titre solidaire envers une jeunesse éprise de liberté.

Buffalo Springfield – For What it’s Worth

L’année 1967 voit la génération bénie des sixties offrir ses plus belles créations. Les Beatles publient Sgt Pepper’s, Hendrix et les Doors leurs deux premiers opus. Buffalo Springfield n’est pas en reste. Le deuxième album du groupe est à lui seul, un concentré du meilleur du folk-rock-psyché américain.

Buffalo Springfield – Rock & Roll Woman

Pourtant, l’enregistrement de Buffalo Springfield Again, ne se fait pas sans mal. Il faut dix mois au groupe pour le finaliser. D’abord en raison de leurs démêlés avec la justice. Ils se font embarquer à plusieurs reprises pour usage de marijuana. Le bassiste Bruce Palmer est même expulsé des Etats-Unis, et revient poursuivre, illégalement, l’enregistrement de l’album. Heureusement, de son côté, Stephen Stills semble s’épanouir à travers des compositions irrésistibles, où sa voix fait merveille…

Buffalo Springfield – Everydays

Neil Young bataille pour imposer son style à la maison de disques. Sa voix singulière et son inclinaison pour le garage-rock ne doivent leur place sur ce disque qu’au soutien de ses partenaires. Il en est pourtant un élément essentiel. Il apporte le venin, et casse l’aspect parfois trop lisse du quintet.

Buffalo Springfield – Mr Soul

Je me souviens de cette première semaine au Whisky, et des concerts que nous avons fait avec les Byrds. Le groupe pouvait vraiment être incendiaire ! Les Byrds n’ont jamais été aussi rebelles et durs que nous l’étions. En live on sonnait comme les Rolling Stones. 

Stephen Stills

Mais le manque de reconnaissance auquel Neil Young se heurte finit par le rendre irascible. Déçu de trouver en Californie les mêmes réticences qu’au Canada, il s’impatiente. Malgré leur amitié et la connexion presque siamoise qui les unit sur le plan artistique, les joutes verbales et les guerres d’égo avec Stephen Stills sont de plus en plus fréquentes. Le Loner quitte le groupe à plusieurs reprises. Il est absent du Festival de Monterey, remplacé par David Crosby, et commence déjà à songer à une carrière solo.

Néanmoins, l’attention dont fait l’objet ce deuxième opus, l’incite à persévérer. En effet, les membres de Buffalo Springfield n’ont pas apprécié le travail post-production effectué sur leur premier, jugeant qu’il ne restituait pas l’intensité de leurs concerts. Le succès du single For What it’s Worth, incite ATCO Records à soigner ses poulains. L’orfèvre Jack Nitzsche apporte ses lumières, comme producteur et instrumentiste. Le président d’Atlantic, Ahmet Ertegun, assure lui-même la production aux côtés de Stills, Furay et Young, et fournit au groupe un orchestre complet. On peut également noter la présence de la bassiste Carol Kaye, des deux batteurs Hal Blaine et Jim Gordon (Derek & The Dominos), ainsi que celle des choristes Merry Clayton (Gimme Shelter) et Gloria Jones (Tainted Love).

Tout ce beau monde permet aux compositions de Neil Young, et des autres, de jouir enfin d’un rendu positif et exaltant. Pour l’anecdote, sur ce titre plaidoyer pour la cause amérindienne composé et interprété par le Loner, les acclamations du public en fond sonore d’une version live du titre Mr Soul, proviennent d’un concert des Beatles. Un clin d’œil à l’une de leurs influences communes.

Buffalo Springfield – Broken Arrow

Pendant ce temps, Richie Furay, au sommet de son art, profite pleinement des moyens mis à disposition pour faire valoir ses talents d’auteur et de vocaliste. Pour commencer, il délivre un pur standard de country…

Buffalo Springfield – A Child’s Claim to Fame

Ainsi qu’une ballade cristalline dans la digne tradition du folk (Sad memory), et un étonnant titre soul, performé de manière remarquable par le batteur Dewey Martin.

Buffalo Springfield – Good Time Boy

Former un groupe avec plusieurs auteurs compositeurs, c’est un peu comme former une équipe de football avec les meilleurs joueurs. Cela fonctionne rarement, ou alors pas longtemps.

En fin d’année 1967, le groupe succombe aux velléités de chacun de ses membres. Neil Young s’en va former The Rockets (futur Crazy Horse), Stephen Stills enrôle David Crosby (ex Byrds) et Graham Nash (ex Hollies) pour former CSN, Richie Furay et Jim Messina (ingénieur-bassiste) donnent naissance au groupe de country-rock Poco. Oui mais voilà, Buffalo Springfield doit encore un album à ATCO Records.

La publication de leur dernier opus Last Time Around, en juillet 1968, regroupe essentiellement des titres composés et enregistrés l’année précédente. La piste introductive On The Way Home, composée par Neil Young, est la seule à réunir les cinq membres originels. Pourtant, Last Time Around n’a rien d’un album au rabais…

Buffalo Springfield – On The Way Home

Bruce Palmer ne participe quasiment pas, Jim Messina et Stephen Stills se partagent les parties de basse. Le génie bouillonnant du compositeur texan ne faiblit pas. Il est l’auteur de cinq morceaux et joue de huit instruments sur cet album (hors voix). Une voix qui fait encore merveille…

Pretty Girl Why

Peu présent, un seul titre laisse entendre le timbre identifiable entre mille de Neil Young. Mais quel titre ! Une ballade envoutante et hors du temps, en provenance directe de sa planète.

I’m a Child

Jim Messina en profite pour placer une œuvre de son cru. Un genre de music-hall revisité à la manière de Peter Gabriel. Et si la voix du bassiste est loin d’égaler les somptueuses harmonies vocales de ses acolytes, elle possède le charme des pianos bar.

Carefree Country Day

Enfin, Richie Furay, troisième tête pensante du groupe, qui n’aura jamais été autant inspiré que lors de sa période Buffalo Springfield, délivre quatre compositions, en plus d’assurer la post-production avec Jim Messina. Kind Woman deviendra son plus grand tube. Quant à celle ouvrant la face B, cosignée avec un artiste inconnu recruté lors d’un concours, c’est un petit chef d’œuvre d’originalité et de virtuosité.

The Hour of Not Quite Rain

Si au bout du compte, l’existence de Buffalo Springfield fut éphémère (2 ans d’existence !), peu de groupes ont laissé autant de titres impérissables en un laps de temps aussi court. Leurs harmonies vocales, leur science du folk, et leur appétence pour le country-rock assaisonné de sonorités psychées, avaient de quoi séduire un large public sur le sol américain. Voilà pourquoi, il reste l’un des plus appréciés par les nostalgiques des sixties du côté de Los Angeles. Un amour, qui en 2010, a poussé le trio magique Furay, Young et Stills à reformer le groupe pour deux concerts donnés à Mountain View (Californie). Deux concerts qui en ont entraîné d’autres…

Serge Debono

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