Michael Jackson et Thriller, l’état de grâce du Moonwalker

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L’histoire d’un disque UNIQUE

Thriller c’est l’histoire d’un disque unique, l’aboutissement de la carrière d’un jeune chanteur balancé trop tôt dans la jungle impitoyable du show bizz. Une histoire de freaks, de loup-garou, de zombies, ou l’apogée d’un artiste dont l’imaginaire était peuplé de monstres, de héros, et de créatures féeriques. Thriller, c’est l’état de grâce du Moonwalker…

Le projet de toute une vie

L’élaboration de cet album de légende prend sa source au cœur des années 60. Michael Jackson n’a pas encore 9 ans quand les Beatles donne à l’album concept ses lettres de noblesse avec la sorti de Sergent Pepper’s lony Hearts Club Band. L’année suivante, il démarre une carrière précoce aux côtés de ses frères, au sein de la maison Motown.

The Jackson Five – I Want You Back

Il est encore bien jeune pour rejoindre la vie active, pourtant ses parents ne peuvent nier son talent et l’enthousiasme qui l’accompagne. Quittant l’école traditionnelle à l’âge de 10 ans, c’est sur scène et dans les studios d’enregistrement que le jeune Michael fait son apprentissage. Le joug de son père, Joseph Jackson, musicien et faisant office de manager pour la fratrie, laisse place à celui du patron de la Motown, Berry Gordy. Mais durant la décennie 70’s, Michael observe et apprend aux côtés de Diana Ross et Smokey Robinson.

Squattant les coulisses des festivals où figurent les Jackson Five, son esprit se nourrit des shows de James Brown et Marvin Gaye. Très vite, le groupe est considéré comme une référence du courant funk et disco, dont Michael devient la principale attraction…

The Jacksons – Heartbreak Hotel

Doué et infatigable travailleur, il glane au fil des années des bribes de ses idoles James Brown, Elvis Presley, Marvin Gaye, Beatles et Rolling Stones, qu’il met à profit dés son premier album solo ( Off The Wall-1979).

Michael Kackson – Workin’ Day and Night

Son premier opus est une franche réussite. Pourtant, à seulement 24 ans, il ambitionne déjà d’écrire l’album Pop ultime. « Off the wall » avait été bouclé en 3 semaines, il faudra 7 mois à Bambi pour fignoler « Thriller ».

Une équipe de rêve

Pour cela, Michael Jackson s’entoure de la crème des crèmes. Il rappelle Quincy Jones et ses fines couches de laque, ainsi que le talentueux ingénieur Bruce Swedien, tous deux déjà présents sur « Off The Wall ».

Jackson, Swedien et Jones
Michael Jackson, Bruce Swedien et Quincy Jones

Michael souhaite concentrer dans ce nouveau disque, toutes les influences musicales qui inondent alors la bande-FM. Il estime que son premier opus a été dénigré par les grands quotidiens, sous prétexte qu’un noir ne peut fédérer comme un blanc…

« On m’a dit à maintes reprises que mettre des noirs en couverture de magazines n’est pas vendeur… J’attends. Un jour, ces mêmes magazines mendieront auprès de moi pour que je leur accorde une interview. Peut-être le ferai-je. Et peut-être que non. »

Paradoxalement, bien que son aspect physique s’européanise de jour en jour, et malgré un désir évident de séduire un large public, le premier titre de l’album signé de sa main rend hommage à la terre de ses ancêtres. Si la ligne disco et le tempo funky assure la transition avec le premier album, les rythmes swahili de « Wanna be Startin Somethin' » et son final dérobé à Manu Dibango (Soul Makossa) ne laissent aucune équivoque…

Michael Jackson – Wanna Be Startin’ Somethin’

Michael Jackson convoque Rod Temperton, compositeur anglais, et pourvoyeur de tubes. Ce dernier, ayant déjà oeuvré sur le premier album, lui offre  » The Lady in my Life », le titre éponyme « Thriller », et ce petit délice funky…

Michael Jackson – Baby Be Mine

Après une première collaboration réussie (« Say Say Say »), Paul McCartney vient soutenir son ami d’alors sur le titre « The Girl is Mine ». Déjà présent aux manettes sur « Baby Be Mine », le clavier Steve Porcaro (Toto) et son frère Jeff (batterie) apportent leur science musicale et technologique.

Michael Jackson et sa dream team
Michael Jackson et sa dream team

L’élaboration de cet album devient une véritable obsession, et Michael exige de chaque contributeur qu’il soit à 150%. Depuis le début des séances, il s’est efforcé de montrer l’exemple. Installé dans le studio d’enregistrement, il s’endort fréquemment sur la console au milieu de la nuit, repassant inlassablement les bandes à l’affût du moindre détail, de la moindre imperfection. Michael Jackson ne compose pas un album, il construit son Xanadu.

Billie Jean

Titre phare de l’album, « Billie Jean » est sans doute l’une des compositions les plus inspirées du futur King of Pop. Le texte évoque une jeune groupie se prétendant enceinte de l’artiste, bien que ce dernier réfute son implication : « but the kid is not my son ». Selon Michael, l’histoire est inspirée par les groupies tournant autour de ses frères durant les années 70.

Ce standard incontournable peut se vanter d’avoir bouleversé les habitudes ségrégationnistes de MTV. En effet, la célèbre chaîne ne diffusait à l’époque que 3% de musique noire ! Le succès de « Billie Jean » permit le passage de « Beat it » un mois plus tard, ainsi que les clips de nombreux artistes noirs par la suite.

Mais « Billie Jean » est avant tout un subtil mélange de groove et de technologie. Sollicité par Michael Jackson, Louis Johnson (Brothers Johnson) pose une ligne de basse mythique pour tous les teenagers des années 80.

Louis Johnson
Louis Johnson

Au départ seule la boite à rythmes cadançait le morceau, mais Michael trouve que le tout manque de pêche. Il décide de s’offrir les services de l’éminent batteur Ndugu Chancler (Miles Davis, Herbie Hancock, Georges Duke). Sa frappe pure sur une batterie réhaussée (une idée de Bruce Swedien) donne au morceau une tonicité insoupçonnée.

Pourtant, au départ, l’intro de 28 secondes ne convenait pas au producteur Quincy Jones

« Je disais à Michael qu’il fallait couper cette intro, car elle n’était pas particulièrement travaillée. Il me répondit que c’était ça qui lui donnait envie de danser. J’ai regardé les techniciens et nous avons tous compris que Michael avait raison. C’est l’intro qui donne envie aux gens de danser sur Billie Jean. »

Pour finir, Quincy Jones glisse dans le mix ce qu’il appelle « la sucrette du tympan », enregistrement d’une partie d’ocarina joué par Tom Scott. Le cocktail est sublime et fait entrer Michael Jackson dans le grand livre d’or de la musique dés la sortie du single…

Michael Jackson – Billie Jean

Beat It

Quincy Jones souhaite absolument inclure un titre rock afin de séduire toutes les communautés. Il demande à Michael de composer un titre dans la veine de « My Sharonna » (The Knack). Fasciné par le film « The Outsiders » de F.F Coppola, Bambi décide d’orienter son sujet sur une histoire de guerre de gang dans laquelle la danse joue un rôle pacificateur. Le clip sera d’ailleurs un hommage non dissimulé au cinéaste, ainsi qu’au « West Side Story » de Robert Wise.

Il compose donc « Beat it », futur standard rock. On retrouve le batteur Jeff Porcaro, et aux guitares rythmiques le brillant Steve Lukather (Toto encore !) et le jazz man Paul Jackson Jr. Pour le solo, Michael a besoin d’une pointure. Un guitariste flamboyant. Le hard-rock venant de faire son incursion dans la pop, il porte logiquement son choix sur le truculent Eddie Van Halen.

Eddie & Michael
Eddie Van Halen & Michael Jackson (Victory Tour)

La légende raconte que le guitariste s’est pointé au studio au volant de sa Lamborghini, garant son engin en travers, devant la porte d’entrée. Elle dit aussi que Eddie après avoir consciencieusement écouté les bandes enregistrées par Michael et ses musiciens, a livré le solo en deux prises, quittant ainsi les studios trente minutes seulement après y être entré. J’aime bien la légende…

Une chose est certaine, Eddie Van Halen ne fut jamais rémunéré pour ce solo d’anthologie. Grand seigneur, sa contribution à l’histoire de la musique semblait lui suffire :

« Je l’ai fait comme une faveur. D’après le reste du groupe, mon manager, et à peu près tout le monde, j’ai été un idiot complet, mais on ne m’a pas manipulé. Je ne fais rien si je n’ai pas envie de le faire. »

Michael Jackson – Beat It

Human Nature

Le vaporeux « Human Nature » est issue d’un projet de Steve Porcaro pour le groupe Toto. Refusé par le chanteur Bobby Kimball, Quincy Jones et Michael Jackson héritent de la démo instrumentale. Tous deux apprécient beaucoup les harmonies et demandent au parolier John Bettis d’en écrire le texte.

Légitimement, c’est une mouture du groupe Toto qui assure l’accompagnement, épaulé par le percussionniste brésilien Paulinho Da Costa. Tandis que Michael applique au morceau un chant suave et fièvreux…

Michael Jackson – Human Nature

P.Y.T

Malgré l’éclectisme de l’album, le funk reste le genre inscrit dans l’ADN de Michael Jackson. En quête d’un titre fort, il fait appel à James Ingram, artiste et auteur prolifique du début des 80’s. Avec l’aide de Quincy Jones, il co-signe « P.Y.T » (Pretty Young Thing). Une véritable petite bombe funk digne des productions de Georges Duke, où dans les choeurs figurent les deux soeurs de Michael, La Toya et Janet

Michael Jackson – P.Y.T

https://www.youtube.com/watch?v=JrdOsD0DEcs

Thriller

J’en arrive au titre éponyme. Si ce titre précurseur de la musique techno est l’oeuvre de Rod Temperton, c’est bien Michael l’instigateur du projet. Pour l’apothéose de son album, il souhaite évoquer l’univers fantastique des films d’horreur qu’il visionne régulièrement. Le genre est à la mode, le Roi de la Pop décide d’engager John Landis, réalisateur de la comédie « The Blues Brothers », et du film « Le Loup Garou de Londres » (très apprécié pour les scènes de transformations). Sur la version studio, et dans le clip, la voix de Vincent Price, grande figure du cinéma d’épouvante vient créer une ambiance glauque et effrayante.

Michael Jackson (Thriller)

Le clip (ou « video-clip » à l’époque) dure plus de 14 minutes. Il est annoncé comme une « première mondiale ». Chacun le découvre sur son poste de télévision le 2 décembre 1983. Un évènement sans précédent dans l’histoire de la musique. D’ailleurs, Thriller est plus qu’un clip, c’est un authentique court-métrage. Michael y incarne tour à tour un teenager mystérieux se transformant en loup-garou dans un film d’horreur, avant de se retrouver dans la peau d’un spectateur se jouant de la peur de son amie dans la salle de cinéma. Le film suivant les pas de la jeune fille nous entraîne au bout de son cauchemar, quand cette dernière réalise que son compagnon est en fait un mort-vivant, prêt à rejoindre une bande de zombies doués pour la danse…

Michael Jackson – Thriller

Plus qu’une réussite, les singles et leurs clips novateurs déclenchent une véritable révolution au coeur de l’industrie musicale. A une époque où Luke Skywalker et Tron peuplent l’imaginaire de millions de jeunes gens à travers le monde, Michael réalise son rêve de toujours. Devenir un héros, une créature relevant de l’imaginaire.

Fait marquant, le nouveau phénomène crée la sensation le 25 mars 1983, lors de la cérémonie du 25ème anniversaire de la Motown. Sur un nuage, Michael interprète « Billie Jean », et subjugue une assistance composée essentiellement d’artistes renommés, en exécutant pour la première fois en direct, son célèbre Moonwalk

Billie Jean – 25ème anniversaire de la Motown

C’est le début de la déferlante Jackson. Après Thriller, Michael Jackson est célébré en tant que King of Pop, ouvrant ainsi la porte aux attentes les plus folles. Il passe alors du statut de star à celui d’îcone. Malheureusement, jamais plus il ne retrouvera l’état de grâce du Moonwalker.

Serge Debono

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