James Brown phénomène musical et héros de tout un peuple

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La cape du héros, James Brown l’a endossée au début de chaque spectacle. Chaque entrée en scène, chaque sortie était aussi soignée et millimétrée que le show du maître. Derrière tout ça, une somme considérable de travail et aussi pas mal de talent. Mister Dynamite, un survivant, un vrai ! Car comprenons nous bien, au delà de son ego parfois baudruche et de son goût douteux pour les costards, l’homme n’avait rien de semblable avec le commun des mortels.

James Brown Godfather of Soul
James Brown par José Correa

Une histoire de gènes

Une histoire circule au sein de sa famille concernant un de ses ancêtres ayant vécu au 19ème siècle. Le dénommé Oscar Gaines. Ce dernier ayant semble-t-il fait les frais d’une justice discriminatoire, se trouvait dans un pénitencier le long du fleuve Savannah (Georgie). Epuisé et travaillant en plein cagnard avec ses compagnons d’infortune, Oscar souffrant de la forte chaleur demanda aux gardiens l’autorisation d’aller se reposer dans sa cellule. Autorisation refusée. Oscar insista pour avoir au moins un peu d’eau. Ce à quoi, les charmants gardiens répondirent en le saisissant par les pieds et la tête, faisant mine de le balancer dans le fleuve.

Il supplia ses bourreaux, hurlant qu’il ne savait pas nager. Mais ils jetèrent le pauvre Oscar, qui coula à pic dans les eaux du Savannah… avant de remonter soudainement et d’exécuter à la surprise générale un dos crawlé ! Paradant, le sourire aux lèvres, il finit par rejoindre l’autre côté de la rive dans une brasse coulée parfaite. C’est ainsi qu’Oscar Gaines réussit à s’évader et s’installer à Barnwell, où la famille Brown vit le jour quelques années plus tard. De la graine de survivant…

James Brown – I Feel Good

James Brown était bigger than life comme disent les anglais. Un être hors norme, à qui la vie n’a jamais fait de cadeau et qui du même coup exigeait beaucoup de son entourage. Autant qu’il exigeait de lui même. En coulisse, James avait la rigueur d’un maître de ballet. Avide de travail et de perfection, il demandait souvent l’impossible à ses musiciens et choristes.

 

Sur scène, Mister Brown était une étoile, une des rares capables d’enfanter une musique. Le funk. Il avait cette voix incroyable. Capable de fusionner blues et gospel. De vous réchauffer le cœur, ou de vous arracher des larmes, ou bien encore de survolter votre corps, parfois jusqu’à l’épuisement. Sa facilité à exprimer les émotions humaines les plus puissantes, tout en conservant tenue et dignité, ajoutait à l’effet saisissant produit lors de ses concerts.

En mai 1967, voilà un moment que James Brown tourne autour d’un beat calé sur le premier temps de la mesure, et qu’il souhaite mettre au centre de ses créations. Avec son orchestre, et l’aide de Pee Wee Ellis, il intensifie son groove et délivre en une prise, un titre à la rythmique hypnotique, qui va devenir la pierre de rosette du Funk. Quand le Godfather of Soul invente un nouveau genre…

James Brown – Cold Sweat

Le jeune Mick Jagger put mesurer en 1964 la distance qui le séparait du phénomène, le manager des Rolling Stones ayant eu la mauvaise idée de programmer James Brown en première partie de son groupe.

Brown - Jagger
James Brown et Mick Jagger ( 1964)

Mister Dynamite se fit un plaisir de mettre son auditoire sur les genoux, laissant un public lessivé et encore sous le choc à ses jeunes collègues anglais…

James Brown – Out of Sight

Ce show man n’avait qu’une seule devise. « Mets le feu, et tire-toi ! ».

Selon lui, pour préserver l’illusion de la star, cette dernière se devait d’être exceptionnelle à chaque sortie, mais aussi de savoir s’éclipser au bon moment, afin de laisser son public pantois, en demande, une fois le concert terminé.

C’est pourquoi même à ses débuts avec les Famous Flame, James signait toujours ses autographes, avant le concert. Quitte à aller chercher les spectateurs dans la file d’attente !

Il n’avait que peu d’instruction mais possédait l’intelligence du vécu. On peut critiquer son ego mais pas son orgueil. Car personne mieux que James Brown n’a clamé aussi fièrement son appartenance à une communauté. Say it loud, I’m black and I’m proud ! ( Dîtes-le haut et fort, je suis noir et je suis fier !) devint même un chant de ralliement à la fin des années 60.

James Brown – Say it Loud, I’m Black and I’m Proud

Son enfance en Caroline du sud fut misérable. Et que dire de ces trois années passées en prison à l’adolescence, pour un simple vol de voiture… Mais James en avait tiré des valeurs et des principes auxquels il ne dérogeait pas. Il fut l’objet de nombreuses accusations durant sa vie, certaines justifiées, d’autres moins. Il a bien connu une addiction au PCP (drogue de synthèse extrêmement violente) à la mort tragique de son fils, mais ce fut de courte durée. James refusait d’être esclave de qui que ce soit, ou de quoi que ce soit. Il plia quelquefois mais jamais ne céda car il n’était pas seulement le Godfather of Soul, il était aussi un chef de clan, se faisant un devoir de veiller sur son père, ses enfants, ses épouses et tout un tas de gens qui dépendaient de lui.

De nombreuses personnes sont redevables à James Brown du côté de Barnwell ou d’Augusta (Georgie). Comme le Révérend Sharpton, militant pour les droits civiques, qu’il a couvé de sa bienveillance et de ses dons. Mais pas seulement…

James Brown – Dead on It

Si James Brown eut une existence hors du commun, il en fut de même pour ses funérailles. Récemment Charles Reid, l’ordonnateur des pompes funèbres d’Augusta confiait à l’auteur et critique musicale James Mcbride le récit des journées ayant suivis le décès du Parrain de la Soul. James Brown s’est éteint le 25 décembre 2006. Hors, son entourage avait décidé de célébrer la chose en trois endroits différents. Ce qui imposait à Charles Reid un véritable parcours du combattant…

Trois enterrements et invité surprise

Le cercueil devait arriver le 27. Reid se trouvait en Georgie et devait préparer le corps qu’il emmènerait le 28 en voiture à la cérémonie prévue à l’Apollo de Harlem à New York, le ramener dans la journée et le préparer à nouveau pour la cérémonie familiale du 29 en Caroline du Sud… pour finalement le ramener à Augusta (Georgie) pour la dernière célébration officielle le 30 décembre…

Malgré l’aide du Révérend, ce périple promettait trois nuits épiques et blanches à Charles Reid. Cerise sur le gâteau, le matin du 28, alors qu’il se préparait à partir pour New York, il reçu un coup de fil… d’un certain Michael Jackson. Ce dernier souhaitait rendre hommage à James Brown à l’abri des regards indiscrets. Charles Reid, bonne pâte, lui proposa de venir en fin de journée.

Le Roi de la Pop face au Parrain de la Soul

Janet Jackson, James Brown et Michael Jackson

Après avoir parcouru plus de deux milles kilomètres, il reçut donc le King of Pop dans la plus stricte intimité. D’emblée, il fut frappé par une chose. En plus d’être venu sans le moindre service d’ordre, Michael était sobrement vêtu, pantalon et chemise blanche, les cheveux attachés et tirés en arrière. Il avait délaissé aussi ce masque blanc de chirurgien qu’il avait pris l’habitude d’arborer à l’époque lors de ses apparitions publiques.

Tout en tenant la main refroidie de son idole, Michael passa une heure à expliquer à Charles tout ce que James Brown représentait pour lui. Puis une autre à lui demander quel type de produits il appliquait et quel genre de cercueil était prévu. « Chêne, plaquée d’or massif » répondit Charles.

— Plaquée Or. Est-ce le choix de Mister Brown ? demanda Bambi.
— C’est celui de tous les artistes.

Cette remarque fit sourire Michael. Ignorant sans doute le périple auquel Charles venait de se livrer, il resta ensuite cinq longues heures à se recueillir sur le corps du défunt. Le Roi de la Pop face au Parrain de la Soul. Les deux légendes, l’une contemplant la fin de l’autre, et anticipant sans doute la sienne. Ils avaient déchaîné la même ferveur, mais aussi les mêmes foudres. Souvent pour les mêmes raisons. Ils avaient vécu la même solitude du monstre, celle que Elvis Presley avait connue avant eux. Cette aliénation de la star qui consume tout être humain doté d’un peu de lucidité.

James Brown – It’s a Man’s World ( featuring Michael Jackson)

Michael recoiffa délicatement les cheveux parsemés du Parrain, et déposa un baiser sur son front. Il remercia Charles Reid pour son accueil, avant de s’en aller aussi discrètement qu’il était venu. Trois ans plus tard, il s’éteignait à son tour pour demeurer lui aussi… dans un cercueil Plaquée d’Or massif.

En plus de l’admiration notoire que Michael Jackson portait au Parrain de la Soul, il faut savoir qu’au moment de ses démêlés avec la justice et ces fameuses accusations d’attouchement sur mineur, James Brown fut une des rares personnes à ne pas lui avoir tourner le dos. C’était une vieille habitude du parrain de venir en aide à ses rivaux en détresse.

Le Parrain de toute une communauté

A la fin des années 80, apprenant que le grand Isaac Hayes était ruiné, Brown se présenta en personne à sa porte avec une liasse de trois mille dollars. « C’est cadeau ! Mais je te veux au top ! ». L’artiste pouvait se montrer impitoyable, mais l’homme avait ses propres valeurs de coeur. Pour Michael Jackson, coincé à l’autre bout du pays, Brown envoya le Révérend Sharpton à la rescousse, le jour de l’ouverture du procès. Pourquoi ? D’abord par solidarité, pour soutenir un frère.

Car James Brown savait mieux que personne qu’au pays de l’Oncle Sam, ce n’est pas un noir Roi de la Pop, ou même Président qui changerait la donne. Ensuite, pour que tout le monde se souvienne que le jour de l’acquittement, Sharpton et son entourage (donc Mister Brown) l’avait soutenu dès le départ. De toute évidence, Michael ne l’avait pas oublié.

Serge Debono

  • Les anecdotes concernant Oscar Gaines* et Michael Jackson* sont tirées du livre de James McBride Mets le feu et tire-toi paru aux éditions Gallmeister.
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