Young Americans, le groove fiévreux de David Bowie

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Quand David Bowie s’adonne à la soul-music et rencontre John Lennon…

Young Americans

Le 7 mars 1975, David Bowie publie l’album Young Americans. Vingt ans plus tard, il déclare à un journaliste :

« Comment ai-je pu faire un album aussi naïf, être aussi exubérant au sujet de la Soul américaine ? Cet album reste un mystère. »

Dans l’oeuvre de David Bowie, l’exubérance a souvent généré le meilleur. Mais le compositeur se montrait souvent sévère avec ses anciennes productions. Young Americans en a pâti plus que ses autres albums. Pourtant, chez lui, l’amour de la soul remonte bien plus loin que cette année 1975…

Admirateur de James Brown depuis son enfance, dans la première moitié des sixties, il n’a que 15 ans lorsqu’il forme son groupe, The Konrads, où il officie comme saxophoniste. Mais à son grand désespoir, les autres refusent de jouer du rythm and blues, se cantonnant à des reprises du top 20. Un soir, le chanteur du groupe est amoché dans une bagarre et ne peut tenir sa place. David Bowie le remplace au pied levé. Bien qu’il ne connaisse que des titres de Little Richard, il devient néanmoins le nouveau chanteur du groupe. Les disputes avec les autres membres sont fréquentes, elles concernent presque toujours le choix des titres. Suite à un différend concernant Can I Get a Witness de Marvin Gaye (reprise ensuite par les Rolling Stones), David plaque The Konrads, pour s’en aller former The King Bees

Davie Jones & The King Bees – Liza Jane

Douze ans plus tard, après des années difficiles, après la gloire, et la tornade Ziggy Stardust, David Bowie publie donc son premier et unique album de soul music.

Young Americans

Bowie opère un changement radical. La crête rouge de Ziggy et son rock électrifié laissent place à la blondeur naturelle et un groove ensorcelant. Un album brulant, presque érotique, mais d’une grande élégance. Young Americans contient huit titres oscillant entre une soul fringante, classieuse, et un disco moite et sensuel, que Mister Jones est allé pêcher dans les bas fonds de Los Angeles.

David Bowie – Win

Sans doute un des albums les plus bluffants du Thin White Duke. D’ailleurs les soul men aguerris qu’il a choisis, témoignent eux aussi de leur stupefaction devant la faculté à groover de ce blanc bec filiforme.

David Bowie – Young Americans

Le titre Young Americans, est une belle illustration de son aisance. Fascination, morceau aux sonorités disco, rappelle que Bowie est un chanteur sans esbroufe, et sensuel en diable…

David – Fascination

Bowie glisse deux hommages aux Beatles, première de ses influences avec Bob Dylan. Le célèbre Fame et une reprise de Across the Universe, auxquels John Lennon en personne, apporte sa contribution

Bowie et Lennon

C’est un soir de 1974, à Los Angeles, que l’actrice Elizabeth Taylor présente Bowie, nouvelle icône du glam-rock au demi-dieu John Lennon. Le courant passe très vite entre les deux artistes. Pourtant David Bowie avouera plus tard qu’il n’en menait pas large au moment de s’adresser à l’ex-Beatles :

“Je me suis dit “Merde c’est John Lennon ! Je ne sais pas quoi dire ! Ne parle surtout pas des Beatles, il en a marre, et tu vas passer pour un con.” Lennon arrive et me dit : “Salut Dave !” et moi sans réfléchir, je réponds : “ J’ai tous vos disques… sauf ceux des Beatles !!”

Malgré cela, Lennon entraîne Bowie dans une soirée mémorable où les deux fêtards finissent par se faire mettre à la porte d’un club de Manhattan.

David Bowie, Yoko Ono, et John LennonBowie apprécie énormément l’humour de Lennon, ainsi que sa rhétorique. Il profite de ses conseils quant à la démarche à adopter sur le plan de la création musicale.

En janvier 1975, Bowie termine l’enregistrement de son nouvel album, Young Americans. Dans le studio, Lennon est présent, tandis que le guitariste Carlos Alomar fait tourner en boucle un riff funky.

Lennon s’empare du micro, et se met à hurler : “ Fame ! Faaaaaame !” Clin d’oeil à une discussion sur la célébrité ayant eu lieu, un peu plus tôt dans la journée. Entre deux cris, Lennon écrit les paroles de ce qui deviendra, un des plus gros tubes de cette période.

David Bowie – Fame

A la fin des années 70 les deux hommes se retrouvent pour des vacances à Hong Kong. Leur amitié se consolide au cours de soirées épiques, comme celle qui voit les deux artistes écumer les restaurants de l’île dans un état second afin de se faire servir de la cervelle de singe, ou boire du sang de serpent ! Par ailleurs, Bowie étant alors miné par une notoriété dévorante, Lennon et son humour singulier lui montrent comment gérer la chose…

Un jour, alors que les deux compères marchent dans les rues, un enfant vient demander à l’ex-Beatles : “Vous êtes John Lennon ?” et lui de répondre : “Non, mais j’aimerais bien avoir son pognon !”. L’enfant réalise sa méprise et s’en va.

Par la suite, David Bowie trouve le truc si efficace qu’il s’en sert à la moindre occasion. Quelques mois plus tard, le Thin White Duke arpente les rues de Soho, quand il entend quelqu’un dans son dos lui dire : “Vous êtes bien David Bowie ?” Bowie répond du tac au tac : “Non, mais j’aimerais bien avoir son pognon !”. Alors il entend la même voix ajouter : “ Enfoiré de menteur ! C’est mon pognon que tu aimerais avoir !”. C’était John Lennon…

David Bowie – Across the Universe

Une rencontre déterminante à un moment inattendu. Certains regretteront que Lennon n’ait pas croisé sa route plus tôt, dans une période plus rock (The Man Who Sold The World, Ziggy Stardust, Aladdin Sane). Il ne faut pas oublier que les grands artistes excellent souvent dans un domaine qui les distingue des autres… l’art du contrepied.

Young Americans est un album apaisant, et d’une grande sensualité. Un disque à écouter le samedi soir, à la lumière des bougies. Si possible, en bonne compagnie, les mains incandescentes, et le regard fiévreux…

David Bowie – Right

Serge Debono

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