Edward Hopper – Peintre de la mélancolie
Edward Hopper, peintre de la solitude new-yorkais, hérite du goût de l’art grâce à sa mère. Dès l’enfance il révèle un don pour le dessin, et effectue alors une formation d’illustrateur avant de s’adonner à la peinture.
Pour parfaire ses connaissances artistiques, Hopper va voyager déjà en Europe (1906), Amsterdam, Berlin, Londres, Madrid et Paris, où l’on peut étudier les œuvres des grands maîtres et l’art contemporain.
Il apprend le français tout seul, son auteur préféré est Charles Baudelaire et considère comme ce dernier:
«Qu’un artiste doit-être inspiré par le ressenti émotionnel et intellectuel du sujet et non par son observation physique»
Hopper, peintre reconnu
Les débuts sont difficiles. Pour vivre, Edward Hopper est illustrateur, c’est un travail qu’il abhorre…Cependant il continue à peindre et élabore sa technique.
Il vend sa première toile en 1913 « Sailing »
En 1923 il rencontre Jo Nivison, qu’il épouse l’année suivante. Elle l’incite à se mettre à l’aquarelle.
Il expose au Brooklyn Museum ; la toile « The Mansard Roof » est particulièrement remarquée, il vend, là, son deuxième tableau.
Une exposition individuelle à New-York lui apporte le succès ; A quarante-deux ans Edward Hopper est un peintre coté.
Notons un autre tableau très apprécié « Two on the Aisle » qui nous projette à l’intérieur d’un théâtre avec des personnages esseulés.
En 1933, le Museum of Modern Art de New-York organise une exposition « rétrospective » avec des huiles, des aquarelles et des eaux-fortes du peintre.
Désormais, toutes les expositions rencontrent l’engouement du public.
Les thèmes qui ont influencés le peintre :
▬ Le Nu féminin, comme « Morning in the city » de 1944
La série de nu de Degas inspire et influence Hopper. Pour le peintre français « On ne reproduit que ce qui est nécessaire »
C’est Jo Nivison qui pose pour ce nu. Une pièce baignée de lumière, le personnage porte un regard pensif à l’extérieur.
▬ La solitude
Un thème récurrent dans l’œuvre de Hopper ; comme par exemple :
Automat de 1927
Une femme seule à sa table, dans une salle où rien ne semble bouger. Le sentiment de solitude autant que l’isolement est puissant dans cette toile.
C’est le tableau de Johannes Vermeer « La jeune fille assoupie », conservé au Metropolitan Museu of Art de New-York qui aurait inspiré Edward Hopper.
Nighthawks 1942
Ce tableau est l’une des œuvres les plus marquantes du XXe siècle et aussi la préférée du peintre. Hopper dit s’être inspiré du roman d’Hemingway, les Tueurs pour le réaliser, et déclare à son sujet que :
«C’est l’un des meilleurs tableaux que j’ai réalisé, où j’ai réussi à exprimer ce que je veux transmettre dans l’ensemble de mon œuvre.»
Le contraste entre la lumière violente de l’intérieur et l’obscurité de la nuit crée une atmosphère tendue, presque dramatique. C’est en effet, comme si le temps s’était arrêté dans un climat de fatalité, où nous percevons un sentiment de solitude.
People in the sun 1960
Un groupe de personnes qui s’exposent au soleil, ils semblent être indifférents les uns envers les autres. Ils sont ensemble…..et seuls.
▬ Maisons et Paysages
Le peintre et son épouse s’éloigne de New-York pour trouver d’autres lieux d’inspirations, à la recherche de l’insolite. Lors d’un séjour dans le Maine, le phare de Portland Head attire son attention. Il en fait une belle représentation avec une huile de 1929 :
The Lighthouse at two lights
Le phare élément principal, accroche le regard ; au premier plan, la lande le met en valeur.Notons le contraste entre la lumière vive et des sombres zones d’ombres.
« Son ego est impénétrable. Ces phares sont des autoportraits » écrit Jo Nivison à propos du peintre.
▬ Le nautisme
Hopper aime représenter les bateaux, la voile est sa passion.
The Lee Shore 1941
On remarque les voiles gonflées par le vent et les nuages en mouvement s’opposent à la rigidité de la bâtisse.
« Soir bleu » (1914) une œuvre particulière et symbolique.
Edward Hopper était un féru de peinture française autant que de littérature. Le vers du poème « Sensation » d’Arthur Rimbaud : « Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers…» l’ont inspiré pour le titre de la toile.
D’autre part le peintre américain est très influencé par les œuvres des grands maîtres ; des tableaux qu’il a pu admirer lors de ses séjours à Paris.
Soir Bleu, nous renvoie à la toile de Gustave Courbet « L’Atelier du peintre » pour nous transmettre d’une façon symbolique la place de l’artiste dans la société.
Le clown blanc, au centre du tableau, peut nous faire penser à l’œuvre de Watteau « Gilles » avec son Pierrot au centre de la toile.
Soir bleu, traduit une force symbolique qui en fait une œuvre à part dans le travail de Hopper ; ambiance théâtrale imprégnée de mystères…
▬ Le Legs
Edward Hopper a inspiré nombre d’artistes tel que les peintres abstraits, figuratifs ou paysagers.
On peut noter « Christina’s world » de Andrew Wyeth, et Mark Rothko avec son tableau « Composition » qui peut rappeler « Chop Suey » ou « Automat ».
Le peintre a aussi influencé les réalisateurs comme Darlo Argento dans son film « Les frissons de l’angoisse », Ridley Scott qui fait référence à la toile « Oiseaux de nuit » ; et Alfred Hitchcock :
House by the Railroad de 1925
C’est la maison de « Bates » dans le film Psychose. Au premier plan la voie ferrée coupe l’image pour mieux mettre la maison en valeur.
Edward Hopper et Hubert-Felix Thiéfaine
Le chanteur a choisi le tableau « Compartiment C, Voiture 293 » pour le titre d’une de ses chansons. Il nous explique son choix :
« Dans les toiles de Hopper, je retrouve l’univers de certains romanciers comme William Faulkner ou John Updike.
Chez Hopper, on retrouve beaucoup de mélancolie que je partage. Ses paysages sont plein de soleil, mais d’un soleil triste, mélancolique comme je l’aime. Et puis il y a cette solitude…Même les maisons synthétisent la solitude, elles sont toutes isolées, sans détail ni nature autour, et c’est ce qui en fait la beauté. C’est une solitude que j’aime partager avec lui.»
▬ Edward Hopper témoin des changements sociaux
Tables for Ladies 1930
Ce tableau peint en 1930 parle des changements sociaux de cette époque. Il représente en effet, des femmes travaillant à l’extérieur de leur maison.
Le titre de ce tableau fait aussi allusion à une autre innovation sociale. Les dames sont accueillies avec respect dans les restaurants ; ils ouvrent des « tables aux dames ».
Dans le passé, on supposait que les femmes qui se présentaient dans un bar ou un restaurant étaient des prostituées.
Edward Hopper – Peintre du silence et de la solitude
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En 1966, dix-sept exposition lui sont consacrées ; le peintre est gratifié la même année de la prestigieuse médaille Edward McDowel pour l’ensemble de son œuvre.
Two Comedians 1966
C’est la dernière œuvre de l’artiste, où lui et Jo sont représentés sur scène.
Edward Hopper quitte la scène le 15 mai 1967, son épouse Jo Nivison le suivra le 6 mars 1968.
C’est le Whitney Museum of American Art qui est l’heureux légataire des 3000 huiles, aquarelles, eaux-fortes
L’œuvre de Hopper exprime la mélancolie dans ses tableaux, avec des personnages esseulés ; il nous offre des images de solitude et de silence. Peintre réaliste et représentatif avec une vision profondément photographique, il est proche du roman noir et influencera énormément le cinéma d’Hitchcock.
Dans son œuvre Edward Hopper reste un témoin attentif des mutations sociales des Etats-Unis.
Le Bonus :L’Aquafortiste
Avant d’être un peintre adulé par le public, Hopper est un graveur reconnu. Il pratique cet art jusqu’en 1923, certaines de ses eaux-fortes sont considérés comme des chefs-d’œuvre.
Night on the El Train de 1918
Cette gravure représente un couple, peut-être en conversation, dans un wagon vide. Un thème que nous retrouverons dans l’œuvre de Hopper.
Night in the Park de 1921
Une autre belle représentation. C’est une eau-forte réalisée pour le magazine « Everybody’s », on y voit un homme seul dans un parc désert.
Nic Blanchard-Thibault
L’œuvre de Edward Hopper est un mariage entre l’impressionnisme et l’expressionnisme.
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