Santana, le rock psychédélique et tribal des débuts

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1969 : l’envol du rock latino

Carlos Santana, pionnier du rock latino et musicien emblématique de la ville de San Francisco, reste une référence figurant parmi les plus grands guitar-heros. Premier héritier de Ritchie Valens, sa curiosité l’a incité à épouser tous les styles.

 

Santana

Cultures co vous propose de revenir sur ses débuts. Du Mexique à son arrivée en Californie. De la scène de Woodstock au succès de Black Magic Woman

Santana – Se a Cabo

Carlos Santana Barran voit le jour le 20 juillet 1947 dans la ville de Autlan de Navarro, dans l’État de Jalisco, au Mexique. Son goût pour la musique lui vient principalement de son père, un musicien mariachi qui lui enseigne le violon durant son enfance. Mais très vite, Carlos avoue son penchant pour la guitare et s’initie à la folk. Son jeune frère Jorge en fait autant. Il formera par la suite le groupe Malo.

Santana
Carlos Santana

Mais la véritable révélation de Carlos Santana a lieu en 1955. Âgé de 8 ans, il s’installe avec sa famille à Tijuana, tout près de la frontière américaine. Dans cette ville à l’atmosphère souffreteuse, il tombe nez à nez avec celle qui va déterminer son avenir et devenir son éternelle compagne. C’est là que Carlos aperçoit pour la première fois une guitare électrique.

Santana – Hope You’re Feeling Better

Il a seulement 12 ans lorsqu’il délaisse les musiques traditionnelles mexicaines pour s’intéresser aux deux musiques du diable que sont le blues et le rock’n’roll. Inspiré par l’une de ses idoles, le regretté Ritchie Valens, célèbre des deux côtés de la frontière, mais aussi par Muddy Waters et BB King, Carlos fonde son propre groupe et se produit dans les parcs de la ville.

Santana – Everything’s Coming Our Way

La même année, toujours à Tijuana, Carlos se rend à un concert des TJ’s. Célébrités locales et groupe pionnier du rock de la fin des années 50. Le jeune garçon est en lévitation, son regard lorgne en particulier sur les gestes du guitariste. Il se débrouille alors pour devenir roadie des TJ’s. Il passe une partie de son adolescence à porter leur matériel. L’autre partie à intégrer le groupe en tant que bassiste.

Sa nouvelle destination, San Francisco, où son père obtient un travail stable, va lui permettre de s’épanouir et de prendre son envol. Au milieu des sixties, la terre des chimères, en pleine révolution culturelle, va lui offrir un écrin idéal et un contexte favorable à son rock fusion guidé par la guitare électrique et l’orgue hammond. Mais aussi nourri de sonorités tribales, de percussions africaines et brésiliennes…

Santana – Jingo

Durant cette deuxième moitié des sixties, si on veut se faire un nom à San Francisco et se produire dans les plus grandes salles, il faut avoir les faveurs de Bill Graham. Ce promoteur d’événements et patron du célèbre Fillmore Auditorium a vu défiler les Doors, Jefferson Airplane, Grateful Dead, ou encore le Butterfield Blues Band. Ironie du sort, c’est grâce à son idole Paul Butterfield que Carlos va se faire remarquer.

Un dimanche de l’année 1966, l’harmoniciste de Chicago débarque complètement ivre et ne peut assurer sa partie. Bill Graham décide de remplacer son groupe par une formation composée de différents musiciens de Frisco. Carlos en fait partie, et se met en évidence grâce à son jeu de guitare à rebrousse-poil.

« Une fois que tu entres dans la note, tu poses ton empreinte dessus »

Carlos Santana

Bill Graham est émerveillé par ce jeune homme de 19 ans, capable d’électriser son auditoire dans une transe-psychée, ou bien de lui faire franchir la mer des Caraïbes, pour le conduire dans des lagons paradisiaques aux eaux turquoises…

Santana – Samba Pa Ti

C’est donc à San Francisco, fief hippie, que Carlos fait la connaissance du bassiste Dave Brown, du percussionniste Marcus Malone, et du chanteur et organiste Gregg Rolie (futur membre du groupe Journey). Avec eux, il fonde le Santana Blues Band. Un nom inspiré par le Butterfield Blues Band qu’il admire.

Santan Blues Band

Bien qu’ayant été reçu dans de nombreuses universités, Carlos Santana renonce à ses études et mise tout sur la musique. Il expliquera plus tard :

« Quand nous étions à l’hôtel avec le groupe, je me rendais dans une chambre, et l’un écoutait Sly Stone et Jimi Hendrix, pendant que dans la pièce à côté, un autre écoutait les Stones et les Beatles. On pouvait entendre également Tito Puente et Mongo Santamaría dans une autre chambre. Ou Miles Davis et John Coltrane… Pour moi, c’était comme être à l’université. »

Santana – Oye Como Va

La légende raconte que Carlos Santana et son groupe sont allés taper à toutes les portes des maisons de disque de Californie, essuyant refus sur refus, et que c’est un tirage au sort au festival de Woodstock qui leur a permis de se faire connaître du grand public…

C’est une belle histoire, mais la vérité est sensiblement différente. En réalité le Santana Blues Band, devenu simplement Santana pour des raisons commerciales, décroche son premier contrat chez le géant Columbia Records au début de l’année 1969.

En mai, ils enregistrent leur premier album. Un rock psyché aux influences latines et africaines, teinté de groove et fortement influencé par la nouvelle vague de jazz fusion. Seulement, le groupe n’est pas satisfait de la production. Il va falloir l’intervention de Bill Graham, devenu un adepte de la formation, pour que Santana voit son nom figurer au programme du plus grand évènement pop de l’histoire. Le Festival de Woodstock

Santana – Soul Sacrifice (Live at Woodstock/1969)

Pour l’anecdote, je me dois de préciser que le guitariste a avoué plus tard avoir dangereusement joué avec sa chance. En effet, son passage au Festival de Woodstock ayant été avancé en raison de la pluie, Carlos Santana pensait avoir du temps devant lui et s’était laissé aller à gober un acide.

Le samedi 15 août 1969, à 14h00, Carlos entre sur scène avec son groupe, encore sous l’emprise du LSD. Il a conscience d’avoir une perception déformée de la réalité. Et craint de gâcher une belle occasion de se faire connaître.

Santana

Il raconte que le manche de sa guitare semblait se ramollir sous ses doigts et qu’il priait intérieurement pour jouer juste. Mais le trip accentuant sans doute son immersion, le guitariste fait sensation, marquant les esprits de nombreux spectateurs faisant sa découverte.

A l’automne, le single Evil Ways (également joué sur la scène du Festival) monte à la 9ème place du Billboard, et lance définitivement la carrière de Santana.

Santana – Evil Ways (Live at Woodstock/1969)

Toujours à l’écoute des nouvelles tendances, l’esprit de Carlos Santana fourmille de nouvelles idées. Il souhaite donner corps à des visions devenues plus spirituelles et mystiques. Il entame l’élaboration d’un album phare de l’année 1970 et de la grande période du rock psyché. Abraxas et sa somptueuse pochette signée par l’artiste allemand Mati Klarwein.

Un son de guitare et de percussion inoubliable. Abraxas est un album de légende. Dès son entame, on plonge dans une forêt luxuriante, plus dense encore que sur le précédent. Fusionner sa musique avec la symphonie de la nature est une démarche que Santana poussera plus loin encore sur les albums Caravanserai et Borboletta. Les prémices d’un cheminement vers une musique extrêmement visuelle.

Singing Winds, Crying Beasts

Si la créativité de Carlos Santana ne connaît pas de limite, paradoxalement c’est une reprise qui va faire de lui une légende du rock.

Une double reprise en réalité. Black Magic Woman, première partie du titre, est empruntée à un autre guitar-hero des sixties. Le britannique Peter Green, membre fondateur du groupe Fleetwood Mac.

La seconde nommée Gypsy Queen est une reprise d’un virtuose de la six-cordes espagnole. Le guitariste hongrois Gabor Szabo, un artiste très apprécié par le courant hippie.

Ce somptueux medley doté d’une production puissante. Chaloupé par les percussions, et rehaussé par la voix de Gregg Rolie, il va propulser Carlos Santana dans une autre dimension. Celle des guitar-heros…

Black Magic Woman/Gypsy Queen

A partir de là, si l’appât du gain avait été plus fort que son gout pour l’expérimentation musicale et le plaisir de jammer avec de grands musiciens animés par la fièvre de l’art, Carlos Santana serait sans doute devenu un de ces guitar-héros prétentieux. Dégoupillant des solis ininterrompus. Multipliant les effets et les prouesses techniques, pour au final ne laisser que bien peu d’émotion. Mais comme Peter Green, Jimi Hendrix, ou Rory Gallagher, il fait partie de ces guitaristes animés par un chaudron intérieur, et dont la virtuosité n’a d’autre but que de servir les compositions. Et non de les éclipser.

Santana
Carlos Santana, Jose Areas, Mike Carabello, David Brown, Gregg Rolie and Michael Shrieve.

Bien que possédant un joli grain de voix, il a toujours préféré laisser le micro a des chanteurs plus aguerris. Quant au solo de guitare, il n’a rien de systématique chez ce soliste capable de laisser ses musiciens prendre la lumière, tandis qu’il troque sa guitare pour une baguette de chef d’orchestre. Une baguette avec des plumes et des petites cymbales pour un chef de tribu discret et bienveillant. Une baguette et une guitare dont Carlos Santana va tirer des merveilles tout au long des années 70.

Song of the Wind

Serge Debono

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