La bonne adresse
Le label français Talitres réédite luxueusement en vinyle l’album 41, le chef-d’œuvre du trio américain Swell, paru il y a exactement 30 ans, au printemps 1994.
Swell, c’est avant tout l’un des sons les plus originaux de cette dernière décennie du XXe s. D’abord, il y a l’omniprésence de la guitare acoustique de David Freel, doublée par des stridences de 6 cordes électriques, en accords pointillés ou en slide.
Puis, la batterie singulière de Sean Kirkpatrick, une partie originale pour chaque titre, le gars écrit ses lignes rythmiques avant même la base mélodique et dialogue avec l’acoustique. Ensuite, la basse de Monte Vallier, souvent très présente, se déroule de manière hypnotique et harmonique.
Le groupe joue également avec les silences, alternant pauses et pointes d’intensité. La note non jouée exprime autant que les autres…
Enfin, le chant de Freel, détaché mais aussi sensible, passe du murmure à l’exclamation, du parler au chanter comme un Lou Reed de la côte Ouest. Quant à ses textes, ils balancent entre accroches immédiates et formules énigmatiques.
Swell – Is That Important ? – 41 (1994)
Lorsqu’arrive leur troisième LP, 41, en 1994, il paraît évident qu’on tient là le meilleur album du trio. A nouveau enregistré dans leur repère, au 41 Turk Street à San Francisco, d’où son titre, cette collection dévoile dix morceaux magistraux, envoûtants et mélancoliques avec un style et une écriture au sommet.
Toujours sans concessions, Freel ajoute en intro et en outro, trois séquences ambiantes. D’abord, l’arrivée dans le local des gars en montant l’escalier, celui de la pochette, puis en final, le départ, et bizarrement un récitatif avec les paroles du disque. Les trouvailles continuent lorsque Monte Vallier joue avec un bottleneck sur sa basse pour certains morceaux.
Song Seven
Le titre Forget About Jesus, s’affiche emblématique du LP, avec son ouverture en guitare acoustique et tambourin, suivie d’un rythme syncopé et géométrique de la batterie, accompagné de nappes de synthé, de la guitare slide et enfin de la voix distanciée du chanteur sur une mélodie imparable.
Forget About Jesus
La batterie de Kirkpatrick marquera les musiciens de l’époque. Il y a bien sûr le jeu et la frappe du gaillard sous influences de ses musiciens fétiches : Pete de Feitas (Echo And The Bunnymen), Sly Dunbar, Stuart Copeland, et Carlton Barrett. Mais aussi ce son incroyable, capté sans doute par des micros d’ambiance, pour profiter de la résonance de leur local.
Here It Is
Notons que cette fois c’est Tom Hays qui assure la seconde guitare. Il sera ensuite remplacé pour la tournée par Niko Venner.
En pleine Britpop et alors que le Grunge perd son idole, l’album sort chez American Recordings et Beggars Banquet. En France il est ardemment défendu par les Radios Indés comme Radio Campus Lille, les journaux Libération, les Inrockuptibles, ou Lenoir sur France Inter qui d’ailleurs proposera à Swell une Black Session mythique. Le quatuor est alors à son zénith, les concerts fascinent de par leur perfection…
Deux ans après la disparition brutale de David Freel le 22 Avril 2022 (Lire notre hommage qui a inspiré cet article : David Freel, Hommage au chanteur secret de Swell), le label Talitres réédite donc somptueusement 41 en vinyle – la version originale est pratiquement introuvable – : pochette gatefold, vinyle noir, orange, ou cristal, livret de 12 pages avec des notes de Sean Kirkpatrick, remastérisation –. Un beau trentenaire !
Bruno Polaroïd
Swell : 41 – 30th Anniversary Remastered Edition – Talitres (Leur site) – Disponible depuis le 24 Mai 2024
Ps : A écouter également, The World Is Haunted, le projet parallèle de Sean Kirkpatrick (Notre chronique : The World Is Haunted – Fly Now).
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