Baby Please Don’t Go, du blues au classique rock

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Chronique d’un titre blues devenu standard rock

Baby Please Don't Go

Baby Please Don’t Go et sa sirène de guitare ! Que l’on soit adepte de vieux blues, ou pas, ce titre touche tout rockeur qui se respecte. Difficile de résister au solo de guitare introductif, d’autant que le riff qui suit, soutenu par un harmonica rageur, entraîne rapidement l’auditeur dans un déhanchement inévitable, et des hochements de tête cadencés. Mais là, j’évoque déjà la version du groupe Them, et c’est un peu prématuré…

Baby Please Don't Go
Big Joe Williams

L’histoire de Baby Please Don’t Go démarre il y a bien longtemps, sur les terres américaines. Elle est celle d’un prisonnier craignant que sa dulcinée ne perde patience et ne mette les voiles durant son incarcération. Il semblerait que ce titre de Delta Blues soit inspiré de “Long John”, un air chanté par les esclaves au 19ème siècle.

La version définitive est l’œuvre du bluesman Big Joe Williams. Il en enregistre une première version en 1935. Puis, une autre dotée d’arrangements plus modernes, sur laquelle il est soutenu par l’harmoniciste Sonny Boy Williamson

Big Joe Williams – Baby Please Don’t Go (1941)

Les années 40 et la décennie suivante voient le titre être repris par de nombreux membres de la profession. Les versions de John Lee Hooker, Lightnin’ Hopkins, ou Big Bill Broonzy sont toutes excellentes. Comme ce duo, dans la droite lignée du Delta Blues…

Brownie McGhee & Sonny Terry – Baby Please Don’t Go

Mais c’est l’électrification, au début des années 50, qui lui permettent de se renouveler et d’intégrer le répertoire du Chicago Blues. Dans le genre, l’écurie Chess Records est un véritable coffret à bijoux. Muddy Waters, épaulé par ses deux acolytes Little Walter (harmonica) et Jimmy Rogers (guitare), s’écartent du blues traditionnel, et rebaptisent le morceau Turn Your Lamp Down Low

Muddy Waters (1953) – Baby Please Don’t Go

Pas vraiment reconnu en Europe, Billy Lee Riley est pourtant une figure importante du premier courant rockabilly. A la fin des années 50, chez Sun Records, sous la houlette de Sam Phillips, il enregistre deux standards du genre, Red Hot et Flyin’ Saucers Rock’n’roll. Mais ce fils d’un cueilleur de coton fut sensibilisé très jeune à la musique noire. Sa reprise brille par sa sensualité sauvage, et n’est pas sans rappeler le style du tigre Cochran

Billy Lee Riley (1959) – Baby Please Don’t Go

Adepte de delta-blues, le Zim a lui aussi failli publier sa propre version à l’occasion de la sortie de son premier opus. Une séance restée dans les cartons, et finalement exhumée durant les 90’s, à l’heure des rééditions, et des “alternative takes”…

Bob Dylan (1962) – Baby Please Don’t Go

Dick Rowe, producteur chez Decca Records, est célèbre pour avoir recalé les Beatles. Son manque de flair est aussi à l’origine de la séparation précoce entre le groupe irlandais Them et son leader Van Morrison. Il n’accordait aucun crédit à ses talents de compositeur…

Them

En conséquence, en 1964, le futur standard rock Gloria, est relégué sur une face B et ne doit son succès qu’à la bonne inspiration d’un DJ radio. En Face A, figure le single Baby Please Don’t Go

Car il faut bien lui reconnaître ça, à Dick Rowe. Sans son obstination, la célèbre version rock de Baby Please Don’t Go n’aurait jamais été publiée en single. Premier tube du groupe, elle brille encore aujourd’hui par son ineffable perfection.

Jimmy Page

A cette époque, les groupes sont très jeunes, et souvent composés de musiciens novices. Les grandes enseignes de l’industrie du disque emploient fréquemment des musiciens de session. Des professionnels leur permettant de gagner un temps précieux et coûteux en studio. Voilà pourquoi la légende raconte que Jimmy Page, alors employé chez Decca, est l’auteur du riff.

Présent lors de la séance, le futur fondateur de Led Zeppelin se charge en fait de la basse ! C’est bien Billy Harrison, guitariste de Them qui s’exécute. Et avec un certain talent. Son attaque en solo, et son riff sauvage doublé par l’harmonica, entrent dans les têtes. Le chant impatient de Van Morrison termine l’envoûtement. Enfin, il faut le souligner, la production est de grande qualité. Le blues rejaillit alors dans cette version ultime, comme une musique moderne.

Them (1964) – Baby Please Don’t Go

On raconte que le courant passait bien entre les deux Morrison. Juste avant de s’envoler en solo, Van Morrison avait eu le temps d’inspirer Jim et les Doors, alors qu’ils partageaient l’affiche du Whisky A Go Go, sur Sunset Boulevard.

Jim et Van Morrison

Des témoins évoquent même un bœuf d’anthologie sur le titre Gloria. Un titre qui figure par la suite dans la setlist du Quatuor de Venice. Comme Baby Please Don’t Go, à leurs débuts. Si Robby Krieger tâtonne encore (moins d’un an qu’il s’est mis à l’électrique), Densmore, Manzarek et Morrison sont déjà au taquet…

The Doors (1966) – Baby Please Don’t Go

Si les portes ont commencé à éclater la mélodie et le beat du morceau, les membres du MC5, eux aussi en live, se chargent de finir le travail. Le message supplicatoire devient venimeux. Dommage que l’instrumental mette si longtemps avant de décoller…

MC5 (1966) – Baby Please Don’t Go

Voici une version rock dur à tendance psychée plutôt réussie. On y retrouve à la guitare, un certain Ted Nugent

The Amboy Dukes (1967) – Baby Please Don’t Go

Quand Tony Joe White mange du Mister Dynamite au petit déjeuner, cela donne un étonnant swamp rock, dans lequel la batterie emporte le morceau…

Tony Joe White (1971) – Baby Please Don’t Go

AC/DC est longtemps resté proche de la structure blues et de son mode d’expression. Leurs débuts, et les belles heures de Bon Scott, les ont vu reprendre quelques standards avec une grande maîtrise, et une énergie incomparable.

AC/DC (1974) – Baby Please Don’t Go

En 1979, lors d’un concert dans leur fief de San Francisco, les Flamin’ Groovies ramènent le titre à sa seconde origine. Le tempo infernal de Them refait surface, le chant rock et impatient, également…

Flamin’ Groovies (1979) – Baby Please Don’t Go

En 1985, Bill Wyman s’éloigne progressivement de la machine Stones. Il monte le collectif Willie & The Poor Boys, avec notamment Charlie Watts, Jimmy Page et Paul Rodgers. Le premier opus offre quelques reprises de belle facture. Ici, on croirait presque entendre les Stray Cats

Willie & The Poor Boys (1985) – Baby Please Don’t Go

Au début des années 90, le groupe punk UK Subs, sur son album Mad Cow Fever, offre quelques excellentes reprises. Leur version adresse un clin d’oeil au rock et au blues old school. Chant habité et boogie fougueux, c’est de la bonne !

Uk Subs (1991)

Au début du troisième millénaire, Steven Tyler et sa bande sont un peu en panne d’inspiration. Dans ces cas-là, lorsque l’on veut remonter sur scène, il existe deux solutions. Reprendre ses propres titres, ou ceux des autres. Dans le genre hard, on peut lui préfèrer la version sobre et frénétique de AC/DC. Mais Tyler et Perry font le travail…

Aerosmith (2004)

Aussi bon soit-il, à force de reprises similaires, un grand titre peut finir par lasser. Dans ces cas-là, on revient à ses origines premières. Sa genèse. Mais encore faut-il avoir la classe conjuguée de Elliott Murphy et Olivier Durand…

Elliott Murphy feat Olivier Durand (2005)

Enfin, pour boucler la boucle, je vous propose cette version de Baby Please Don’t Go interprétée par deux protagonistes de son évolution. Deux artistes habités par l’histoire du blues, et du rock’n’roll.

John Lee Hooker & Van Morrison (1992)

Serge Debono

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