Le Club du 16 août, le nouveau cercle fermé des légendes

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Aujourd’hui, 16 août, nous commémorons les disparitions de Robert Johnson, Elvis Presley et Aretha Franklin. Trois artistes majeurs du 20ème siècle. Après le légendaire Club des 27, voici l’histoire d’un cercle plus restreint encore…

Robert Johnson, père du blues moderne

Un homme relie le Club des 27 et celui du 16 août par sa présence aux origines du phénomène. En effet, le célèbre Robert Johnson fut la première légende à quitter ce monde à l’âge de 27 ans. Une existence et une carrière éclair, toutes deux indissociables de la légende du Crossroads

club du 16 août robert johnson

La légende du Crossroads naît à Clarksdale (Mississippi) au croisement de la Route 49 et 61. A l’aube des années 30, Robert Leroy Johnson souhaite devenir un grand guitariste de blues. Malgré le soutien de son ami Willie Brown et les conseils du pionnier Charley Patton, le jeune guitariste ne semble pas posséder les aptitudes nécessaires à la pratique de cet instrument. Ridiculisé par le chevronné Son House, il disparaît durant deux longues années. Quand il revient, c’est en virtuose, avec une sacrée histoire à la clé…

Robert Johnson – Crossroad blues

Robert Johnson raconte qu’un soir, après s’être endormi sur un carrefour, il aurait été réveillé par une apparition vêtue d’une cape et d’un grand chapeau noir. Cette dernière aurait saisi sa guitare pour l’accorder, et après en avoir tiré quelques notes divines, l’aurait reposée pour disparaître et se fondre dans la nuit noire. Compte tenu des progrès phénoménaux effectués par le jeune guitariste, certains en attribuent les mérites au Diable, d’autres à l’apparition d’un ange.

De son côté, le musicien savoure le premier rayon de soleil de son existence.  Convaincu que Dieu l’a abandonné, Robert Johnson n’hésite pas à alimenter la théorie du démon.

Robert Johnson – Me and the Devil blues

Pour comprendre les raisons qui ont poussé Robert Johnson à choisir cette option, il faut opérer un léger retour en arrière…

Robert passe une enfance difficile, entre une mère absente et un beau-père avec lequel il entretient des rapports conflictuels. Comme dans la grande majorité des communautés noires du sud des Etats-Unis, c’est l’église et les croyances vaudous qui rythment la vie de ses habitants. Robert quitte l’école à 12 ans suite à des problèmes de vue. Une cataracte non diagnostiquée, lui donnant un étrange reflet dans le regard, et qui alimentera plus tard sa légende d’homme damné.

Robert Johnson

Trimballé de foyer en communauté, il trouve le bonheur à l’adolescence, auprès de Virginia. Il travaille dur, pour combler son épouse, et l’enfant qu’elle porte. Il fait le rêve (un peu fou à cette époque) d’acheter sa propre maison, dans laquelle il aurait enfin droit à la vie de famille qui lui a tant manqué. Chaque jour, Robert loue le tout puissant en espérant qu’il exhauce ses prières. Malheureusement, Virginia décède avec son enfant au cours de l’accouchement. Robert Johnson se retrouve à nouveau seul, il n’a que 19 ans.

Surtout n’allez pas croire que cette tragédie a poussé notre blues man de légende à trouver refuge dans les voies du malin. Brillant esprit, il savait user de son magnétisme, notamment sur la gent féminine et maniait habilement la provocation. En réalité, Robert Johnson avait fait une découverte : la fascination générée par l’interdit. D’ailleurs, bien qu’elle lui soit attribuée, il n’est pas le seul à avoir raconté cette histoire de Crossroads. Certains en attribuent la paternité au bluesman Tommy Johnson. Et en y regardant bien, la culture vaudou regorge d’histoires similaires.

Robert Johnson – Preaching blues (Up jumped the devil)

Dans une version plus réaliste, Robert Johnson aurait glané ses nouveaux talents auprès de Ike Zimmerman, un virtuose rencontré à Beauregard (Mississippi). Une anecdote narrée par son épouse a nourri la légende. Zimmerman avait pour habitude de donner des leçons de guitare dans le cimetière local pour ne pas géner ses voisins. Il aurait notamment enseigné à Robert Johnson, les techniques du picking et du bottleneck…

Quoi qu’il en soit, Robert Johnson grave par la suite 29 titres sur microsillons. Ces disques vont devenir la base du Delta-Blues et l’une des plus grandes sources d’inspiration du rock’n’roll. Les Rolling Stones, Jimi Hendrix, Led Zeppelin, Eric Clapton, les Red Hot Chili Peppers, les White Stripes, tous emprunteront à son répertoire.

The Rolling Stones – Love In Vain

Le prodigieux guitariste traînait une réputation de tombeur. Il meurt le 16 août 1938 d’un empoisonnement, victime d’un mari jaloux. Il avait 27 ans… Un cyclone ayant ravagé sa sépulture, il existe trois tombes de Robert Johnson, et seulement trois photos de lui. Ce qui contribue à entretenir le mystère autour de sa légende. Même si l’appelation Club des 27 n’est apparue que bien plus tard, c’est bien la mort de Robert Johnson qui en est à l’origine. Mais ça, c’est une autre histoire…

Elvis Presley, roi du rock’n’roll

Le second membre du Club du 16 août occupera toujours une place particulière dans l’histoire de la musique. Il est le plus incontestable des rockers, car il fut l’étincelle. Pourtant, il reste aussi celui qui gâcha le plus son talent, par peur de tout perdre…

club du 16 août elvis presley

Sa fin de carrière a semblé faire de lui un simple reflet du passé, pourtant, il faut bien reconnaître que chaque génération génère son lot de fans…

J’avais à peine deux ans quand le roi tira sa révérence. Enfant, il n’y avait qu’un seul disque du King à la maison. Un 33 tours que j’appréciais beaucoup et auquel il manquait un bout sur le bord. Ce qui m’empêchait de lire le premier titre de chaque face. Nous n’étions pas au temps d’internet et il me fallut m’employer pour me procurer ces chansons manquantes. C’est comme ça que j’ai aimé le King. Ses premières années, surtout. Blue moon of Kentucky, Mystery Train, ou Ready Teddy

Elvis Presley – Ready Teddy

Nous étions à la fin des années 80 et ces prémices d’une rébellion sauvage s’accordaient parfaitement aux aspirations de l’ado que j’étais alors. Constatant avec surprise que le temps n’avait pas d’emprise sur la musique, j’en ai donc profité pour explorer son univers et sa carrière. Ses débuts incendiaires, son déhanché, sa voix d’or…

Elvis Presley – Heartbreak Hotel

Pour ceux que les paillettes, rouflaquettes et autres prises de Karaté ont détourné de l’œuvre du King, je ne saurais trop vous conseiller l’écoute des Sun Sessions et du premier album. Le Comeback Special de 1968 vaut aussi son pesant d’or. Elvis revenait de 7 ans d’abstinence (je parle de concerts…), avec l’envie d’en découdre et de faire oublier la moue figée de ses trente derniers films…

Elvis Presley – Trying To Get To You ( Comeback Special 68)

Dans le livre “Nowhere to run” (Gerri Hirshey), James Brown évoque la solitude d’Elvis Presley. Le Parrain de la soul raconte comment le King, miné par sa célébrité, éprouvait le besoin de retrouver l’anonymat. Parfois, il passait prendre James dans sa limousine, et tous deux revisitaient le sud de leur enfance, à l’abri des vitres teintées…

En 1977, bouffi, très affaibli, et complètement sous l’emprise de son manager, le vorace et habile Colonel Parker, le King n’est plus que l’ombre de lui-même. 39 ans après Robert Johnson, il s’éteint le 16 août 1977 à l’âge de 42 ans. La malédiction, qui du coup n’en serait plus une, tant la mort a permis au blues man d’entrer dans la légende et au second de s’en libérer.

ARETHA FRANKLIN, la Queen of Soul

41 ans plus tard, le Club du 16 août accueille sa première femme. La reine de la Soul, Aretha Franklin.

club du 16 août aretha franklin

Native de Memphis (Tennessee), Aretha grandit à Buffalo (NY) puis dans la ville de Détroit. Fille d’un célèbre prédicateur et militant, C.L Franklin, et d’une chanteuse de gospel, comme ses deux sœurs et beaucoup d’artistes de sa génération, elle est imprégnée à la fois de chants d’église, et de l’effervescence du rock’n’roll.Après le gospel, Aretha fait une carrière éclair dans le jazz au début des sixties, avant de trouver sa voie en 1967. La soul music…

Aretha Franklin – I Say A Little Prayer

Elle enchaîne une série d’albums somptueux, où figurent des rythmes et des mélodies éternelles comme Respect (version remaniée de Otis Redding), ou les titres Think et Chain in Fools. Des standards consacrant le talent d’une chanteuse et d’une compositrice amenée à régner sur le genre pendant de nombreuses décennies…

Aretha Franklin – Chain of Fools

Durant les années 80, une apparition volcanique dans The Blues Brothers et quelques duos avec Eurythmics, Georges Michael et Keith Richards la font renaître lorsque la soul sombre sous les synthétiseurs. Si bien que Lady Soul ne sera jamais vraiment détrônée.

Aretha Franklin – Think ( The Blues Brothers)

La voix d’Aretha Franklin est bien plus qu’une voix, c’est une institution, un repère. Un cri mélodieux symbolisant à jamais une époque de lutte pour les droits civiques des noirs aux Etats-Unis et de par le monde. Elle restera l’écho d’une génération s’affranchissant des inégalités raciales et du sexisme. Evidemment, comme toute légende, ses plus belles œuvres resteront connues des initiés, mais une poignée de tubes impérissables continueront de faire danser la planète.

Aretha Franklin – It ain’t Fair (featuring Duane Allman)

Pourtant, son parcours ne fut pas de tout repos. Elle n’a pas dix ans lorsque sa mère décède d’un infarctus. Elle met au monde son premier enfant à l’âge de 13 ans, et son second deux ans plus tard. Son père succombe à un long coma en 1984, suite à une tentative d’assassinat survenue cinq ans plus tôt. Malgré ces épreuves et son statut de star internationale, Aretha Franklin a su faire preuve d’une force de caractère peu commune.

Disparition de Sister Soul, et naissance du Club du 16 août

Le 16 août 2018, la chanteuse succombe à un cancer du pancreas à l’âge de 76 ans, et rejoint Robert Johnson et Elvis Presley, pour ainsi former une nouvelle assemblée prestigieuse.

Trois références, trois ambassadeurs de la musique du 20ème siècle, tous morts le même jour. Un cercle très fermé semblant accueillir un nouveau membre tous les 40 ans… Il n’en fallait pas tant pour écrire une nouvelle page de la mythologie pop. Comme vous l’aurez sans doute compris, un club appelé à s’agrandir et déjà baptisé par certains la Sainte Trinité de la Musique. En attendant l’officialisation du Club du 16 août

Serge Debono

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