Daniel Darc – Poète écorché – Artiste bouleversant

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« Daniel Darc, Pieces of my life » de Marc Dufaud et Thierry Villeneuve

À travers des images inédites et intimes, le film « Daniel Darc, pieces of my life » de Marc Dufaud et Thierry Villeneuve relate la vie de Daniel, son caractère imprévisible, ses excès, sa solitude, ses démons… Taxi Girl et sa carrière solo.

Daniel Darc Pieces of my life
Pieces of my life

Daniel Darc : Un personnage mystérieux et ambigüe

L’ex-chanteur de Taxi Girl est un personnage mystérieux et ambiguë. Il a côtoyé le punk, le rock, la New Wave, la chanson française. Poète écorché, personnage profond et déjanté, Daniel était un être à la fois touchant, humain et effrayant. Toujours au bord du gouffre, naufragé de la société, il savait extraire souffrance et violence de ses interprétations scéniques. Le reportage qui suit, met en lumière l’apparente folie dont il parlait si bien, la douceur, la brutalité, bref la dichotomie d’un artiste profondément imbibé de poésie sombre, déchirant parfois l’auditoire d’une vérité toute personnelle mise à nue crûment, sur scène comme sur disque.

Décédé le 28 février 2013 d’une embolie pulmonaire… son corps aurait peut-être ingéré un peu trop d’alcool et de médicaments. La fin n’est parfois pas pire que la vie… Avec Taxi Girl ou en solo, Daniel laisse derrière lui une quinzaine d’albums, de nombreuses collaborations artistiques (Cali, Jane Birkin, Johnny Rotten, Patrick Eudeline, Frédéric Lo, Etienne Daho, Alain Bashung), un peu plus d’une quinzaine de recueils de poésie et de nombreux admirateurs errant encore dans la densité de sa production artistique. Pour ces derniers, il n’est plus la peine de « chercher le garçon », ni même de « trouver son nom »: il s’appelait Daniel Darc.

Documentaire

J’irai au Paradis : Hommage à Daniel Darc

(Par Denis Chofflet / chroniqueur Culturesco)

La première fois que j’ai entendu Patti Smith chanter Piss Factory, je me suis dit «Elle pense comme moi, donc je ne suis pas le seul, je ne suis pas fou !».
Daniel Darc était à l’image du groupe qui l’a fait connaître: Taxi Girl! A la fois flamboyant et dangereux. Flamboyant à l’intérieur et surtout dangereux pour lui-même…

Tout commence en 1978 à Paris avec la rencontre d’un jeune et bel Afghan taciturne, Ahmadzaï Mirwais, guitariste dans un groupe avec Laurent Sinclair aux claviers… Stéphane Erard viendra se joindre à eux avec sa basse, puis Pierre Wolfsohn à la batterie. A l’époque, même si tout ce petit monde a les Doors comme point commun, Darc est le seul à aimer Dylan, Trenet et sa « Folle complainte », Ferré autant que Lou Reed, Nijinski et Céline et à n’avoir aucune expérience musicale.

Qu’importe, il trouve les mélodies, les textes, et les autres la musique. Provocateur et incontrôlable, Darc, issu d’une famille juive, porte alors bottes allemandes et affiche croix gammée sur son Perfecto. Parfois même une étoile jaune barrée d’un « Punk » ou carrément du mot « Juif ». Il se déguisera ensuite en costard sur scène, une idée de leur manager, Alexis Quinlin, (par ailleurs fondateur du célèbre club parisien, le Rose Bonbon), idée pas très originale avouons-le mais bien dans l’air du temps du début des 80’s…

Le succès arrive pour « Taxi Girl » en 1980

…Avec le  hit Cherchez le garçon! Une phrase piochée dans un polar que lisait Darc, avec une certaine connotation homosexuelle, inspirée d’images de films où s’étalent les corps de Joe Dallessandro et Paul Morrissey

Mais le fric et son cortège d’excès vont mettre à mal le goupe. (Le batteur Pierre Wolfsohn meurt d’overdose en juillet 81). Malgré un premier et unique album en 1982, «Seppuku», produit par le Stranglers Jean-Jacques Burnel, suivi de singles magnifiques comme «Quelqu’un comme toi» ou «Aussi belle qu’une balle», Taxi Girl agonise en 1986…

Daniel Darc : Cherchez le Garçon

En face B de ce dernier titre, Daniel Darc écrit comme une lettre d’adieu au groupe et à cette période: « Je suis déjà parti »…

C’est en solo qu’il voit son devenir, lui qui ne supportait plus son image préfabriquée de «Garçon moderne»! Lui le punk dandy qui avait envie de gueuler, comme il le confiera aux Inrocks :

« Je vous emmerde, vous payez 40 balles mon disque mais celui que je respecte est celui qui le vole »…. !!!!

En fait, derrière l’enfant terrible aux jeans déchirés et aux bras tatoués jusqu’aux poignets, dont il taillada les veines sur la scène du Palace, en première partie des Talking Heads, « juste pour le fun » avouera-t-il, se dissimule un garçon timide et doux. Un garçon qui préfère le murmure à la parole! Erudit et curieux de tout, sa carrière à venir ira de naufrages en réapparitions lumineuses. Mais également d’épreuves (ses addictions n’arrangeant rien à sa fragilité) en collaborations flamboyantes.

Daniel Darc : collaboration avec Jacno

En 1987, épaulé par Jacno, il sort son premier album solo : «Sous influence divine». Va alors commencer une belle alchimie avec tous les musiciens et arrangeurs à venir. La liste est longue : Etienne Daho, Frédéric Lo ou Laurent Marimbert. Des albums beaux à chialer, comme «Nijinski» en 1994! Le somptueux autant que dépouillé «Crève cœur» en 2004, album révélation aux Victoires de la Musique 2005. Et jusqu’aux «Amours suprêmes» de 2008, en référence à «A love supreme» de Coltrane que Daniel Darc aimait tant, et sur lequel Bashung et Robert Wyatt (ex Soft Machine) font une apparition…

Daniel Darc : L.U.V – Lp Amours Suprêmes

L’absolu de l’inspiration

Musique, littérature, cinéma, tout est source d’inspiration pour celui qui aime aussi écrire et qu’un journaliste compara un jour à Antonin Artaud, ce qui flattât beaucoup Darc, « surtout pour son côté totalement barge »… !!!

Durant toute ces années, même dans les pires moments, Darc s’accroche à cette vie qu’il aime tant mais avec qui il joue dangereusement… Celui qui a vu vingt fois sur scène Johnny Thunders, ne rate aucune occasion d’écouter Chet Baker, Trénet et Gainsbourg. Il nourrit son esprit en dévorant Kerouac, Burroughs et Ginsberg, dont il est capable de réciter des passages entiers en anglais. Lui aussi écrit beaucoup, des chroniques, des articles sur ses nombreuses icônes, de James Dean à Nijinski et publie même des nouvelles.

Il aime aussi Céline, en dissociant toujours l’œuvre de l’homme. Évidemment pour son «Voyage au bout de la nuit», et «Mort à crédit». Au sein de celui-ci, il repique la phrase «Je suis né en mai, c’est moi le printemps» !!! L’un des titres du dernier album sorti de son vivant en 2011, le délicieusement addictif La taille de mon âme. La pochette le montre à genoux avec sa valise dans une église. Le disque quant à lui se termine  par la chanson-prière «Soit sanctifié»…

Dernier acte :

La petite lumière de vie va briller pour Darc jusqu’au 28 février 2013. Il est alors est en train de terminer à 54 ans un nouvel album et coécrit sa biographie avec le journaliste Bertrand Dicale. Quelques mois après sa mort sortira un double album posthume achevé par son complice Laurent Marimbert.

Artiste attachant autant que déroutant, il me plait de l’imaginer fredonnant là-haut, au Paradis, « Waterloo Sunset » des Kinks. (Qu’il considérait comme une des plus belles chansons de tous les temps). Répétant à qui veut l’entendre cette phrase qu’il aimait tant tirée de «Quai des Brumes» et qui lui correspond bien :

«Je peins malgré moi les choses qui sont derrière les choses. Un nageur, pour moi, c’est déjà un noyé.»

Texte de Denis Chofflet

«Quand je mourrai, j’irai au paradis. C’est en enfer que j’ai passé ma vie».

Comment veux-tu dire le mot « rocker » depuis que Julien Clerc a fait Cœur de rocker? Comment veux-tu faire ça ? J’ose plus. J’ai plus envie de dire gendarme à Saint-Tropez, quoi.

La vérité est une dame que l’on replonge volontiers dans son puits après l’en avoir tirée.

L’amour c’est la seule chose qui compte un peu. Comme la vérité.

Pour moi, Bashung est le meilleur chanteur français. C’est un mythe.
(Les Inrockuptibles, 2008).

Dans les années 1970, je faisais partie d’une bande de blousons noirs. Je n’écoutais que du rock des années 1950. Le punk a changé tout ça. J’y retrouvais la même excitation, mais la musique était connectée à la réalité .
(Le Monde, 2013).

Être encore en vie? Bien sûr, ça me surprend. Dans mes cauchemars, je me vois vivre aussi longtemps que William Burroughs : 83 ans.
(Libération, 2008).

C’est classe, de choisir de mourir à vingt-sept ans. Ou à quatre-vingts ans. Entre les deux, ça ne ressemble à rien.

« Je ne m’en souviens plus vraiment mais je pense que c’est mon amour pour le théâtre et la théâtralité au sens grec, j’aimais beaucoup ça chez Jim Morrison. J’aimais bien cette exagération, ce qu’on appelait «l’accélération punk». L’exagération : c’est ça qui est important dans le rock and roll ! On sait tous qu’on n’est pas des vrais durs, et on sait tous qu’on n’est pas vraiment suicidaires, sauf Sid Vicious, mais lui c’était un abruti. Et comme on dit, la mort est romantique pour ceux qui survivent. »

Pieces of my life, sortie le 24 juillet 2019.

 

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