Berlin Lou Reed – Album culte ou disque maudit ?

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Lou REED : « Ich bin auch ein Berliner »

« Ich bin ein Berliner / Je suis un Berlinois », fait référence au discours public de JF. Kennedy à Berlin Ouest en 1963. Dix ans plus tard, Lou Reed reprend l’idée au vol, se réclamant «également» de la capitale allemande en intitulant son dernier né: Berlin (1973). Autant Kennedy charmait la foule, autant Reed la plombe. Histoire désespérée d’une femme droguée jusqu’aux ongles qui délaisse ses enfants au profit de son addiction : « Jolie petite histoire » (L. Bertignac – « Cendrillon – 1982). Lou sort d’un franc succès avec « Transformer » (1972), album produit par le duo Bowie/Ronson et plébiscité par la critique ; devenu un « Incontournable ». « Berlin » engage-t-il au même satisfécit ?

Lou Reed – The Kids

«Conglomérat de primates à petits pénis, vous qui, en guise de caviar, n’appréciez que les œufs de lump, trouvez en ce qui suit de quoi nourrir votre cérumen». Une sortie rancunière du genre aurait pu glisser d’entre les lèvres pincées du Sombre pour répondre aux critiques qui fissurent le disque à sa sortie. C’est donc habité d’une colère noire que Lou Reed sort « Metal machine music » (1975), quatre faces de larsen de guitare. Incroyable ! RCA accepte de sortir le disque. Foutage de gueule ou véritable « performance », œuvre d’art ou déjection (?), le fait est là, sous la forme de ce double 33.

Berlin en 2018

Découvrir « Berlin » en 2018 diffère totalement d’un abord en 73, le contexte n’est plus le même. De tous les qualificatifs dont on fait preuve à son égard, celui de « chef d’œuvre » semble récurrent, toute subjectivité avouée. Par évidence, émettre un avis dans un système de référence indexé sur le « goût » ouvre à tous les possibles. Hypothèse vérifiée : ce disque encensé est tout autant détesté par celles et ceux qui ne jurent que par « Transformer », comme s’il ne pouvait en exister qu’un, made in « Highlander » (film de Russell Mulcahy – 1986, avec Sean Connery et Christophe Lambert).

Lou Reed – Berlin

Berlin , un chef d’œuvre?

Pour l’affirmer, appuyons nous sur trois critères: la qualité des morceaux, la qualité de l’interprétation, la qualité de la production. Dans toutes les chansons, la délicatesse à l’œuvre relève d’un effort d’écriture remarquable. Sur les deux faces, des titres « sinistreux » mais brillants s’enchaînent harmonieusement, formant un indissociable tout que la moindre modification « saloperait ». Des professionnels aguerris pilotent la musique, dont la paire Wagner (RIP)/Hunter aux guitares, futur binôme gagnant d’Alice Cooper, rutilants dragsters des albums live de Mr Reed : «Rock’n’roll animal» 1974 et «Lou reed live» 1975, deux Lps sortis à un an d’intervalle retraçant un même concert.

A la production, l’orchestration, les arrangements et autres bricolages, siège un iconoclaste, l’incomparable Bob Ezrin. Pour « Berlin », il cisèle un écrin, illumine le spectacle qu’il met en sillon . Au final, on compte dix chansons, dix pépites au climat moite et moiré, des entités possessives. Au-delà de ce minutieux travail de production, quelle est la part de l’artiste à la magnificence du propos, son « moi » secret y transparait-il ?

Lou Reed – Sweet Jane

En 1975, l’ancêtre des « critic’rocks », celui qui décomplexa la « profession », l’inénarrable Lester Bang, chasse Lou Reed pour lui « proser » tout le bien qu’il pense de « Metal machine music » et tout le mal que lui inspire « Berlin ». Au décours d’une interview, il décrit son « gibier » comme maladif, ictérique, cynique et dédaigneux, accompagné d’une « créature » androgyne diaphane et silencieuse, projection de son corps astral, matérialisation de ses obsessions.

L’expert en pharmacopée drapé des effets d’un cocktail toxique : pupilles en myosis/opiacés, narines poudrées jusqu’aux sinus, muqueuses labiales imbibées d’alcool, athymie cultivée aux anxiolytiques … répond énigmatiquement aux questions insidieuses du journaliste, ne sortant de sa pseudo léthargie que pour ricaner. En cela, « Berlin » copie/colle l’indifférence affective de son interprète : creuset de no futur climatisé dépressif. Poussé à son paroxysme, la désintégration émotionnelle invite la magnificence à son chevet : l’art du désespoir !

Lou Reed – Oh Jim

Entre 1973, naissance de « Berlin », et 2008, l’Artiste a visité 15 fois la France, notamment au Casino de Paris. Dans les 70’s, ses musiciens rutilent alors qu’il prône l’inamovibilité, saturé de substances prohibées. Par la suite, voir Lou Reed en concert n’a jamais été une sinécure. Tournées homéopathiques, billets vendus dans la seconde pour se glorifier d’un: «J’y étais!».

En 1989 sort « New York », un excellent 14 titres sur une période où le chanteur est clean. Il faut donc être à l’Olympia le 23 juin de cette année-là pour apprécier le Lunatique à son sommet. Raté. Plus proche de nous, en 2007, à l’occasion de cette tournée où il joue «Berlin» dans son intégralité, le prix prohibitif des places devient le problème. Comment faire?! Le 28/10/2013, le casse-tête est résolu : « Lou y es-tu ? Lou y es-tu? M’entends-tu? M’entends-tu? … » Lou n’y est plus. Persistent les regrets…

Thierry Dauge

Lou Reed – Album : BERLIN

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