RAY LAMONTAGNE : l’album Ouroboros

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La face cachée de LaMontagne

Affiche d'Ouroboros
Affiche pour la sortie d’Ouroboros

Ray LaMontagne est un drôle de zigue, comme on les aime. Depuis 2004, avec son premier album Trouble, le songwriter américain propose des chansons plutôt folk rock, délicatement ouvragées, aux guitares acoustiques prédominantes. Curieusement, sa voix feutrée, dans un registre plutôt aigu, rappelle chez les connaisseurs, le timbre de Nick Drake mais aussi de Rick Wright, oui l’indispensable claviériste de Pink Floyd, qui fut un temps également chanteur de ses titres, avant la dominance Waters / Gilmour. Un indice ?

Ray LaMontagne – Barfly – Till The Sun Turns Black (2006)

En 2014, pour Supernova, son cinquième opus, Ray Lamontagne choisit justement de travailler avec Dan Auerbach, le producteur et musicien des Black Keys. Celui-ci ornemente ce recueil de sonorités plus psychédéliques et plus électriques. Cette nouvelle dimension sonore conforte chez le musicien l’idée d’un changement plus radical encore pour son prochain LP.

Ray LaMontagne – Supernova – Idem (2014)

Une pièce unique

Ouroboros paraît en Mars 2016. Le titre et la pochette indiquent sans ambiguïté et avec malice une orientation spirituelle et cosmique. L’Ouroboros, c’est le mythe du dragon ou du serpent, représenté en cercle, qui se mord la queue, avec les innombrables interprétations que l’on peut envisager. La pochette de ce sixième disque dévoile notre satellite, en variation rougeâtre de Super Lune, entourée d’un cercle de lumière reptilien. Pour le recto, une marine en photo, quelques rochers émergeant de la mer, à l’intérieur de la pochette ouvrante, un panorama de canyon, et la sous pochette une cascade. Des images de notre planète mais qui pourraient aussi représenter un autre temps, minéral, sans humanité. Meghan Foley a supervisé le design et Brian Stowell réalisé les photographies.
Cette fois, à la production, Ray LaMontagne s’est associé à un nouveau complice, Jim James, le chanteur / guitariste / leader du collectif plutôt psyché My Morning Jacket. Autre signe. De même, comme il le confie en interview, il a délaissé la collection de chansons pour une pièce unique de 40 minutes, découpée en deux parties – les faces d’un vinyle -, comprenant chacune quatre titres liés.

Un éternel retour

Le très beau Homecoming entame la première phase. Des battements annoncent un motif de piano réverbéré avant l’arrivée de la guitare acoustique et de la voix éthérée du chanteur. Un court chorus de clavier puis la section rythmique apparaît, en toute discrétion. Une rare sensation de douceur émane de ces notes égrainées. Le parallélisme avec l’univers sonore de certains titres oniriques du Floyd – du côté de la Lune – saute à l’oreille. Notons les participants, tous excellents : Dan Dorff et Kevin Ratterman  assurent les claviers, Seth Kaufman la basse, et Dave Givan la batterie.

Ray LaMontagne – Homecoming – Ouroboros – Part One (2016)

La suite s’avère beaucoup plus surprenante. Hey, No Pressure et The Changing Man débordent d’électricité avec des riffs obsédants – façon Stoner – et  lourdement allumés de Jim James à la guitare fuzz. De quoi déconcerter les fidèles du Ray, lequel prophétise tel un shaman halluciné sorti du début des seventies.

Hey, No Pressure

Puis les gars enchaînent sur While It Still Beats, une belle coda avec un final tout en chœurs évoquant la conclusion grandiose du thème A Saucerful Of SecretsCelestial Voices – de Pink Floyd en 68. Un éternel retour aux sources serpentin ? Fin de la première face.

While It Still Beats

La seconde partie d’Ouroboros revient aux ballades introspectives de Ray LaMontagne, mais avec toujours cet aspect sidéral : slide guitar, pulsation rythmique à la Mason / Waters, chant évanescent.

In My Own Way – Ouroboros – Part Two

Another Day cherche le dépouillement autour d’une ligne de piano et de quelques accords de guitare folk. Les voix susurrées plus que chantées et leur harmonie renvoient encore aux modèles de Meddle ou Obscured By Clouds de qui vous savez. La production de Jim James est exemplaire comme sur le reste de cet opus.

Another Day

Enfin, les deux derniers morceaux associés, A Murmuration Of Starlings et Wouldn’t It Make A Nice Photograph closent le voyage dans un climat de lent blues spatial et de folkerie lysergique alors que Ray Lamontagne déclame : « Never going to hear this song on the radio. » Sans doute !

Un talisman secret

A la sortie de Ouroboros en Mars 2016, la critique partagera pour une fois un enthousiasme unanime, vantant les qualités d’un disque courageux, audacieux, évidemment connoté mais aussi personnel, sans doute le meilleur de Ray LaMontagne. D’ailleurs, le chanteur lui-même ne cherchera pas à le dépasser, revenant ensuite à des créations plus modestes. L’impression générale positive sera renforcée par des concerts très voltaïques en compagnie de My Morning Jacket, le gang de Jim James. Quant aux ventes, si elles s’afficheront plutôt conséquentes en Amérique et au Canada, les résultats resteront plus modestes ailleurs. A l’instar des 33t que le songwriter admire, dont l’exemplaire Spirit Of Eden de Talk Talk, construits sur la même exigence d’écoute, Ouroboros est devenu une sorte de talisman secret que s’échangent quelques initiés. Puisse cet article aboutir à d’autres révélations de la face cachée de LaMontagne.

Ray LaMontagne – Hey, No Pressure Live (2016)

 

Bruno Polaroïd

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