Un peu plus près des étoiles…
Plus de quarante ans et toujours culte ? The Church bien sûr !
Début 1980, de l’autre côté de la planète, à Sydney. Steve Kilbey imagine le groupe idéal, son groupe, mélangeant les Beatles, Pink Floyd, Marc Bolan et David Bowie. Le chanteur / bassiste / compositeur ébauche un collectif avec son ami le guitariste Peter Koppes, rejoint d’abord par le batteur Nick Ward puis par l’Angliche Marty Willson-Piper à la seconde guitare. Les gars adoptent le nom de The Church sur une proposition de Kilbey, The Church Of Man. Repéré par le producteur Chris Gilbey (ACDC…) le quatuor présente dès Avril 1981 un premier album coproduit par Bob Clearmountain : Of Skins And Heart.
The Church – The Unguarded Moment – Of Skins And Heart (1981)
Parmi la pléthore de projets australiens des années 80, The Church se distingue déjà par la voix au timbre unique de Steve Kilbey, à la fois accrocheuse et élégante, ainsi que par le travail complémentaire des deux guitaristes. Leur mentor Chris Gilbey aurait eu la bonne idée de jouer le Père Noël austral en offrant à Koppes une chambre d’écho – Echolette à bande – et à Willson-Piper, carrément une Rickenbacker douze cordes, d’où ces sonorités mêlant boucles plutôt Post-Punk et scintillements à la Byrds. Une dualité que l’on retrouve également dans le look des musicos. Malgré des premiers succès australiens, Ward le Bad Boy cède ses baguettes à Richard Ploog. Le gang se stabilise ainsi pour une dizaine d’années.
Tear It All Away – Too Fast For You EP (1981) & The Church Album (Europe And US – 1982)
Néo psychédélisme
Les LP suivants, The Blurred Crusade (1982) et Seance (1983), permettent aux quatre d’affirmer leur personnalité, lorgnant vers une forme de néo psychédélisme – Kilbey adore les premiers Floyd, notamment Obscured By Clouds – et montrant aussi leur côté sombre, dixit Axel Bauer. Au niveau instrumental, l’équipe utilise plus de claviers. On remarquera ici l’excellence de la section rythmique du gang, avec le tambourineur Ploog et Kilbey lui-même à la quatre cordes, de même que la qualité de leurs performances en concert. Pourtant, alors qu’ils sont suivis en Australie, dans les pays anglo-saxons voire en Hollande et en Belgique, bien peu chez nous s’intéressent à The Church. Il faut préciser que leurs aléas de labels ne favorisent guère la visibilité.
Electric – Seance (1983)
Cependant, avec le quatrième recueil, HeyDay en 1985, le quartet franchit une nouvelle étape sonore. Les textes et la voix plus mature de Kilbey, la richesse des compositions, incluant parfois des cordes et des cuivres, les entrelacs de la paire Koppes / Willson-Piper et jusqu’aux chemises chamarrées des gars, tout participe à une réussite de ce disque et une – relative – reconnaissance internationale. Pour beaucoup de fans – dont quelques initiés en France -, Heyday représente une pierre angulaire de The Church. Mais ça commence à grincer dans l’équipe, surtout entre le leader et Willson-Piper, autre compositeur et chanteur potentiel, la consommation de certaines substances accroissant les irritations des Egos… Finalement, chacun s’accorde sur une écriture plus collective des morceaux.
Myrrh – Heyday (1985)
Parmi les notes et les volutes
La signature chez un autre label – Arista – va bouleverser le parcours de The Church. Cette fois, les hippies australiens – un autoportrait de Kilbey – , partent enregistrer à Los Angeles pendant l’année 87. Très vite, le quatuor se met à détester la Cité des Anges. Les heurts avec les producteurs ricains plus Rock FM Greg Ladanyi (Don Henley, Toto…) et Waddy Wachtel (Warren Zevon, Stevie Nicks…) s’avèrent fréquents. Les quatre absorbent inévitablement ces mauvaises ondes qui vont imprégner les nouvelles chansons.
Reptile – Starfish (1988)
Mais, comme souvent, ces contraintes vont aussi pousser le principal créateur jusqu’au miracle. Kilbey ressort une rengaine trouvée auparavant chez sa mère. Tout en fumant une cigarette non reconnue par la Régie des Tabacs, il avait pianoté un thème aidé par sa copine de l’époque, la chanteuse / guitariste suédoise Karin Jansson. Parmi les notes et les volutes, le chanteur se serait souvenu d’une salle de concert en Hollande qu’il avait appréciée, le Melkweg à Amsterdam, la Voie Lactée…
Surtout, conformément à son style d’écriture, l’auteur l’a conçue telle « une toile vierge et abstraite dans laquelle les gens peuvent se perdre. » En studio, avec ses accords de 12 cordes acoustique, une mélodie hédoniste et le chant de Kilbey à son zénith, la chanson interpelle… Sauf ses complices et même les producteurs. La cerise on the space cake s’avère l’utilisation pour le solo d’un effet Ebow sur la Fender Jazzmaster de Koppes, mêlé à des notes de cornemuse imitée par un Synclavier. Pour les percus, le batteur Ploog ne réussissant pas à coller au morceau, l’un des nombreux Session Men de L.A, Russ Kunkel, s’en charge. Alors que même Kilbey commence à douter de ce titre, leur manager et la maison de disques, en le découvrant, ont le regard qui crie Dollars.
Under The Milky Way – Starfish (1988)
Sometimes when this place gets kind of empty,
Sound of their breath fades with the light.
I think about the loveless fascination,
Under the milky way tonight.
Lower the curtain down in Memphis,
Lower the curtain down all right.
I got no time for private consultation,
Under the milky way tonight.
Wish I knew what you were looking for.
Might’ve known what you would find.
Wish I knew what you were looking for.
Might’ve known what you would find.
And it’s something quite peculiar,
Something shimmering and white.
It leads you here despite your destination,
Under the Milky Way tonight…
Lorsque le single Under The Milky Way et Starfish, le 5e album de The Church, sont dévoilés simultanément à la mi Février 1988, très vite, la ballade de Kilbey s’envole un peu plus près des étoiles et même jusque chez nous !
Les ventes suivent d’autant plus que cet opus frôle la perfection et que la tournée entre autres avec Tom Verlaine de Television – une autre idole des gars – se rapproche du triomphe. Et ensuite ? Malheureusement, The Church ne renouvelle pas l’expérience, malgré des créations de plus en plus ambitieuses, dont l’incroyable et mystérieux Priest = Aura en 1992, autre sommet pour les Aficionados dont votre auteur.
Ripple – Priest = Aura (1992)
Cette première partie de l’histoire de The Church se conclura dans la dispersion pendant les années 90, entre les départs – Richard Ploog tout d’abord, puis Peter Koppes, puis Marty Willson-Piper – ou les retours… Alors que Steve Kilbey, parfois amer pour ce hit inattendu, refuse de l’interpréter sur scène, Under The Milky Way continuera sa route enchantée, soutenu par les compiles des Eighties, des reprises et des citations cinématographiques – le film Donnie Darko en 2001 -, avant d’être couronné en 2008 du titre de « La plus belle chanson de ces vingt dernières années » par la presse australienne. Quant à The Church, l’équipage maintes fois remanié autour de son chanteur persiste et signe, et a présenté son vingt-sixième album, The Hypnogogue, en Février 2023. Plus de quarante ans et toujours…
The Hypnogogue – Idem (2023)
Bruno Polaroïd et POUP