Un Power Trio de rêve sorti de nulle part
Prenez un guitariste blond aux vocalises hurlantes, mélodiques et harmonieuses et un bassiste gigantopithèque un brin nonchalant… Rajoutez un hydre monstrueux, une immense cheville ouvrière derrière les fûts et vous obtiendrez le groupe phare des années 90. Le power trio de rêve sorti de nulle part, s’imposant en trois albums seulement, à grands coups de riffs dévastateurs fleurant bon le distordu. Mieux que le hard rock vieillissant, le « Sreaming Grunge » de Nirvana déboule sur la scène rock internationale, tétanisant les kids.
Quand tout commence :
1990 : Kurt Cobain, jeune guitariste freluquet et son compère bassiste, Krist Novoselic (prononcez » Itch »), géant Croate un peu paumé, sont sans un sou en poche, mais bien décidés après Bleach (1989) leur premier album, à former le groupe de leur vie. Le duo est toujours sans batteur, malgré quelques recherches infructueuses.
Butch Vig, producteur, également batteur du groupe Garbage, est à la manœuvre pour leur 2ème album. Les deux acolytes étant toujours en quête du bon « Drummer », Vig leur présente Chad Channing.
Les séances débutent aux studios de Madison, Wisconsin. Huits morceaux sont mis en boîte mais les sessions s’achèvent prématurément, Kurt Cobain étant complètement aphone. Par ailleurs, les textes des chansons restent inachevées, le guitariste souhaitant en améliorer l’écriture. Cobain est également très mécontent du jeu de Channing et n’hésite pas à l’exprimer à sa façon…
Channing, claque la porte laissant les deux acolytes dans l’embarras. Le groupe retourne quelques temps à son état de duo. La rencontre avec Dave Grohl, ex membre du groupe Scream au mois d’octobre va changer la donne. Grâce à son jeu riche, technique, extrêmement énergique, dopé par une forte personnalité, l’affaire est conclue… Nirvana se stabilise enfin.
NEVERMIND.
Nouveau batteur, nouveau label… Sous l’impulsion de la belle Kim Gordon (Sonic Youth), le groupe signe avec DGC Records. L’habile Butch Vig est maintenu comme producteur et l’album est finalement bouclé aux studios Sound City de Los Angeles. Les séances s’avèrent prolifiques et les musiciens studieux, à l’image de Novoselic et Grohl. Cependant Cobain dévoile des signes de fébrilité, se révèlant tantôt très impliqué tantôt complètement ingérable.
L’enregistrement terminé, l’album est mixé par Andy Wallace (Slayer) aux studios Devonshire.
Le 24 septembre 1991 Nevermind est propulsé dans les bacs, précédé deux semaines plus tôt par le single Smells Like Teen Spirit. Le résultat dépasse les espérances et les objectifs de DGC Records. La galette se classe au Billboard 200 à la 144ième place en quelques semaines. Disque d’or puis disque de platine, ce succès fulgurant surprend les trois larrons, nonobstant assez indifférents à cette gloire soudaine.
Nirvana : Smells Like teen spirit
Cobain ira jusqu’à fustiger MTV qui diffuse Nirvana en boucle, faisant passer selon lui son groupe pour « un produit de consommation renvoyant une image catastrophique »…
La tournée qui s’ensuit en Amérique du Nord puis en Europe est un véritable raz de marée. Le groupe joue dans des salles surchauffées et bondées. Comme jadis les Who, les musiciens fracassent leurs instruments à chaque fin de set.
En janvier 1992, Nevermind expulse Dangerous (Michael Jackson) de la première place du Billboard. Le très sérieux New York Times s’intéresse au phénomène, à la réussite de ces trois garçons jusqu’ici inconnus.
Sorti le 24 février 1992, Come as you are connaît un succès plus modéré que le single précédent… Mais qu’importe, à l’été 1992, Nevermind s’est déjà vendu à plus de 5 millions d’exemplaires et les trois lascars devenus papes du Grunge et du Rock alternatif, sont les membres du groupe le plus adulé du moment sur la planète.
FIN DE RÈGNE.
Malgré cette superbe réussite, Kurt Cobain inquiète ses acolytes. Tout d’abord par sa consommation exponentielle de stupéfiants… Celle-ci se conjuguant à une paranoïa chronique, comme lorsqu’il décide de s’adjuger 75 % des droits d’auteurs du groupe. Sans compter les frasques avec son épouse Courtney Love, tous deux faisant régulièrement la une des Tabloïds à sensations. L’entourage du groupe commence sérieusement à soupçonner l’emprise et l’influence néfaste de la chanteuse sur son mari, ce dernier multipliant provocations et excès en tout genre. Les rumeurs de séparation du groupe vont bon train.
Le guitariste, décidément leader tout puissant, trouvant le son de Nevermind trop lisse et trop commercial décide de revenir vers une musique plus primale. Les deux autres acceptent sans broncher. Quelques démos sont enregistrées puis Kurt loue les services de Steve Albini afin de superviser le futur album de Nirvana. Albini débute, aux studios Pachyderm dans le Minnesota, les séances d’enregistrement à huit clos. Peine perdue car Courtney Love débarque quelques jours plus tard à l’improviste semant la panique et déclenchant la colère homérique de Dave Grohl. Après moult re-mixages et tergiversations l’album In Utero paraît enfin en septembre 1993.
Nirvana – Rape me
180000 copies sont vendues en une semaine tandis qu’une tournée de 45 dates à travers les États-Unis démarre.
Au début de l’année 1994, Cobain semblant reprendre le dessus, souhaite enregistrer de nouveaux morceaux. Une nouvelle tournée Européenne est engagée mais le guitariste, atteint d’une bronchite combinée à une laryngite se retrouve au repos forcé à Rome en compagnie de son épouse. Il fait une première tentative de suicide. Sauvé de justesse, il est rapatrié aux États Unis. Après avoir été admis en cure de désintoxication puis s’être échappé de l’établissement, il se donne la mort le 5 avril 1994.
HÉRITAGE
La disparition tragique de Kurt Cobain entraîne avec lui celle de ce groupe hors norme. Jamais dans l’histoire du Rock il n’y eu si rapide ascension. Là où les « dinosaures » avaient patiemment bossé leurs instruments, connus les galères avant de récolter la gloire, eux, opportunistes, bousculent les codes et s’imposent, tutoyant les étoiles. Kurt n’était pas un guitariste virtuose. Il acheta sa première Fender Mustang dans un pawn shop pour quelques dizaines de dollars. C’était un instinctif : il ressentait plutôt qu’il ne jouait. Pour lui rendre hommage, le custom shop Fender construisit la « Jagstand « , une guitare hybride de la Mustang et de la Fender Jaguar également utilisée par le guitariste.
Krist Novoselic en imposait du haut de ses 2,01 mètres. Le son de sa basse énorme et rond, jouée au médiator, est devenu la signature sonore incontournable du Grunge et de tous les basseux souhaitant en découdre.
Dave Grohl quant à lui, artilleur infatigable, fondera Foo Fighters sur les ruines de Nirvana, sans Novoselic, disparu pour un temps dans la nature.
Nirvana a marqué à jamais de son empreinte l’histoire du rock et influencé pour la décennie suivante le son de groupes comme Pearl Jam, Soundgarden ou Alice in chains.
Legends will never die.
Louis Giardina