Malcolm McLaren, Escroc du Rock’N’Roll ou simple mytho?

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Malcolm McLaren, grand escroc du Rock N’Roll ou simple « mis-manager »?

boutique sex McLaren

Malcolm McLaren voit le jour en Angleterre le 22 janvier 1946. Son père, écossais, et sa mère, juive, se séparent alors qu’il est encore très jeune. Elle se remarie à un juif négociant en textile et crée peu à peu ses propres vêtements, ce qui va progressivement influencer Malcolm.
Après une enfance passée dans les jupons maternels, il s’inscrit aux beaux arts et découvre le situationnisme qui devient une véritable source d’inspiration. Il approche également les manifestants de Mai 68 et prétendra ensuite avoir joué un rôle dans les émeutes de Paris, ce que les témoins de l’époque et son entourage démentent.
Durant cette période, il fait aussi la connaissance de Jamie Reid, autre étudiant inspiré par le situationnisme qui va tenir une place importante dans l’esthétique punk en utilisant le style des lettres anonymes et le détournement pour les flyers, posters et pochettes de disques des Sex Pistols.

jamie reid
Quelques exemples des travaux de Jamie Reid

King’s Road et Let It Rock:

En 1970, McLaren loue l’arrière boutique d’un commerce automobile avec un ami. Il y restaure de vieilles radios et des teppaz qu’il vend aux rockers locaux. Sa petite entreprise située au 430 Kings Road, dans le quartier Londonien de Chelsea, va bientôt connaître un nouvel essor. Il achète le commerce pour y vendre ses radios fifties mais aussi, et c’est nouveau, des vêtements pour Teddy Boys, avec l’aide de sa compagne, Vivienne Westwood. La boutique s’appelle « Let It Rock » et attire bientôt « Teds » et curieux dont deux gamins de Shepherd’s Bush, Steve Jones et Paul Cook qui viennent de monter leur groupe.

Malcom MacLaren et vivienne Westwood
Malcolm MacLaren et vivienne Westwood

C’est au début de ces années 70 qu’il commence à créer ses propres vêtements avec Vivienne Westwood, aidés en cela par des amis dont Jamie Reid et Bernard Rhodes, futur manager de Clash. Parmi les créations, on trouve un t-shirt sur lequel figure le mot « ROCK » avec des os de poulet attachés par des chaînes, et un autre sur lequel sont listés des noms symbolisant ce qui est bien et ce qui est mal, une création de Rhodes et Westwood.

Parmi les choses « mal » figure Mick Jagger et parmi ce qui est bien Eddie Cochran ainsi qu’un groupe inconnu, « Kutie Jones and the Sex Pistols ». Le nom a été inventé par Rhodes lui-même, selon ses propres dires, alors que McLaren prétend que l’idée vient de lui. Bataille d’ego qui ne fait que commencer…

tee shirt let it rock westwood mclaren sex pistols
Tee Shirt de la boutique Let it Rock

New York :

Après quelques temps, le magasin change de nom, il devient «Too Fast To Live – Too Young To Die». Un peu plus subversif, il s’oriente vers des vêtements provocateurs faits maison tout en conservant une petite gamme pour les Teds. McLaren fait quelques allers-retours à New York tandis que Westwood tient la boutique avec Rhodes.

Aux USA, il fait la connaissance des New York Dolls, de la faune du Max’s Kansas City et fait la promo des créations de sa boutique.
Retour à Londres où peu de monde achète les t-shirts, et les quelques vêtements pour Teddy Boys y sont parfois volés. Les deux gamins de Shepherd’s Bush deviennent des visiteurs réguliers, mais sans un sou en poche, ils ne viennent que pour discuter, parler de leur groupe et parfois partir avec quelques bricoles… sans les payer.

Nous sommes en 1973, Glen Matlock, vendeur occasionnel au magasin, intègre le groupe de Cook & Jones. Peu à peu, les Sex Pistols (qui se nomment alors The Strand) prennent forme, mais leur futur manager ne s’y intéresse pas du tout, malgré les demandes incessantes de Jones pour s’occuper d’eux.

New York … Dolls !

New York Dolls
New York Dolls

Nouveau séjour aux States. New York, le Max’s Kansas City et les Dolls. Les Dolls sur le déclin, fatigués, que McLaren veut aider.
Dans une interview accordée à un magazine français en 1977, Johnny Thunders affirme que le groupe en avait assez de s’habiller en femmes et cherchait des idées pour faire à nouveau sensation. Se vêtir de cuir rouge est alors devenu leur nouveau truc. Contrairement à la légende tenace qui raconte que l’origine est à chercher du côté de McLaren (comme d’habitude) cela vient en fait du groupe lui-même après qu’il ait écrit une nouvelle chanson, « Red Patent Leather ». David Johansen le confirme dans le livre de Nina Antonia, « Too Much Too Soon ».

« Parce que « Red Patent Leather » était une bonne chanson, on a pensé qu’on devait l’utiliser comme notre gimmick, notre truc, tu vois (…) on a pensé « Hey, habillons nous en cuir rouge ! ». C’était pas l’idée de Malcolm, c’était notre idée »

(David Johansen, « Too Much Too Soon », Nina Antonia)

McLaren est séduit par cette idée de cuir rouge. Il propose d’ajouter le symbole communiste et de faire fabriquer les vêtements par sa femme Vivienne Westwood, à Londres.

New York Dolls – Personality Crisis

Les New York Dolls : les poupées de McLaren ???

Le groupe accepte, rien n’est imposé, les Dolls ne deviennent pas les marionnettes de ce « manager » qui, en fait, ne l’a jamais été. De l’aveu même de Syl Sylvain, il n’y a jamais rien eu de signer entre le groupe et le rouquin londonien. D’ailleurs, ce dernier est convoqué par les vrais managers des Dolls, Leber et Krebs, lorsque ceux-ci apprennent qu’il organise des concerts au Little Hippodrome de New York fin février et début mars 1975 pour aider ses « amis ». L’anglais n’a que faire de ces deux loustics, il continue sur sa lancée, Westwood fournit les vêtements, un drapeau communiste est fixé au mur derrière Jerry Nolan, au fond de la salle, et les gigs se déroulent comme prévus.

Une tournée est ensuite organisée en Floride par le cousin de Syl Sylvain, Roger Mansoeur. Là aussi, il faut rétablir une vérité car encore une fois, la légende raconte que McLaren, obsédé par le sud des USA, veut envoyer le groupe jouer dans cet état pour se frotter aux conservateurs anti-communistes et déclencher le scandale. Seulement McLaren n’a aucun réseau à cette époque, aucun contact, il n’est manager que de lui-même et de sa boutique. C’est Syl Sylvain qui demande à son cousin Roger d’organiser une tournée car ce dernier, musicien, connaît du monde, bien plus que le petit commerçant londonien.

L’imagerie communiste s’avère être une très mauvaise idée. Les portes de certaines salles de concerts se ferment. On ne rigole pas avec le marteau et la faucille au pays de l’oncle Sam, et comme si cela ne suffisait pas, à peine arrivé en Floride, le groupe se sépare.

Lorsqu’ils sont venus à Londres (les New York Dolls) c’était amusant de bavarder avec eux car ils avaient toujours une petite histoire pour t’expliquer qui était vraiment Malcolm. Et bien sûr, ça ne jouait pas en sa faveur. S’il y avait un homme qui n’avait vraiment rien fait du tout, c’était Malcolm. Ils te disaient : «il propose juste quelques idées débiles mais rien qui puisse vraiment être utile»

(John Lydon « Anger Is An Energy »).

Johnny Thunders et Jerry Nolan rentrent à New York et Malcolm McLaren à Londres.

Sex Pistols, le début de la fin :

Londres où il va enfin s’occuper du petit groupe de jeunes qui viennent le voir au magasin, The Strand, devenus les Swankers avant leur nom définitif, Sex Pistols. Il a une idée pour faire décoller le groupe, y intégrer le journaliste du NME, Nick Kent, et un chanteur New Yorkais qui a déjà roulé sa bosse. En quittant New York, il a proposé à Syl Sylvain de le rejoindre en Angleterre, mais celui-ci préfère suivre David Johansen au Japon. Il pense alors à Richard Hell, Iggy Pop, ou, pourquoi pas, Johnny Thunders.

Nick Kent se fait virer après seulement quelques répétitions, les Swankers ne le supportent pas, trop égocentrique, trop défoncé, trop Keith Richards, trop pénible, trop tout. Il gardera une haine féroce envers le groupe et son manager, et le chanteur américain ne viendra jamais car les musiciens veulent un jeune qui débute, un mec de Londres. Ce sera John Lydon, qui devient Johnny Rotten, rebaptisé par Steve Jones à cause de son attitude qu’il juge pénible et de sa dentition pourrie.

SEX : la boutique

La boutique, qui s’appelle maintenant SEX, ne vend toujours pas grand chose. En plus de la gamme de t-shirts faits maison, on y trouve des accessoires SM, du vinyle, du cuir et des reproductions nazies, broches et brassards, symboles d’une certaine décadence des 70’s mais aussi accessoires fétichistes utilisés par les dominatrices sado-maso.

vetements boutique

Parmi les T-shirts, des modèles font sensation, l’un avec la poitrine d’une femme (copié sur celui que porte par Charlie Watts sur la pochette de « Get Yer Yaya’s Out »), ou encore le « Cambridge Rapist » (violeur de Cambridge), cagoule en cuir et paroles Hard Days Night des Beatles, un autre avec un basketteur noir totalement nu tenant un ballon dans les mains (photo prise dans un magazine gay US) et le plus connu à ce moment-là, celui des deux cow-boys face à face, pantalon aux chevilles et « poutres apparentes » (un dessin de l’artiste homo américain Jim French).

Ce modèle est involontairement popularisé par un client de la boutique, Alan Jones, qui se fait arrêter par la police sur King’s Road, le jugeant totalement obscène. L’affaire fait un peu de bruit dans les journaux et McLaren se réjouit de cette publicité inattendue.

Les premières armes des Pistols

Nous sommes fin 1975, les Sex Pistols font leurs premières armes dans des universités, McLaren les laisse se débrouiller pour le moment afin de se concentrer sur le magasin. La suite, on la connaît, le groupe fait parler de lui dans la presse grâce à la première partie d’Eddie & The Hot Rods au Marquee et à une bagarre lors d’un concert au Nashville Rooms. Il passe à la vitesse supérieure en déclenchant l’hystérie lors d’une interview TV chez Bill Grundy fin 1976 qui aboutira à la perte du deal avec EMI et pour d’autres raisons, celui d’A&M un mois plus tard. McLaren s’arrache les cheveux tandis que les autres groupes signent des contrats à tours de bras.

«2 Décembre 76 : arrive au bureau pour trouver James Johnson (Evening Standard) et un million d’autres journalistes au bout du fil. L’histoire de la TV fait la une des journaux. Agacée que tant de gens imaginent que tout ça a été planifié. Malcolm est abasourdi. Je l’emmène dans un café pour préparer un communiqué de presse.»

The Inside Story» de Fred et Judy Vermorel. Extrait du journal de Sophie Richmond, secrétaire de McLaren pour la société de management des Pistols, Glitterbest).

L’album sort malgré tout après de longs mois de galères, d’interdiction de jouer, de problèmes financiers, et les Sex Pistols finissent par exploser à la fin d’une tournée US qui devait commencer par le nord, dans des villes qui auraient nettement mieux accueilli le groupe que celles du sud. Mais pour des raisons de visas délivrés en retard, les premières dates sont annulées, et le reste est une catastrophe. McLaren prétend avoir organisé tout cela, il prétend avoir ciblé le sud des USA comme pour les N.Y.Dolls en 1975, mais dans ce cas, comment expliquer le concert au Winterland de San Francisco?

Parce que c’est Warner qui l’a aidé à mettre la tournée sur pied, c’est Warner qui a géré la logistique, c’est Warner qui a tout fait pour débloquer l’envoi des passeports afin qu’une partie de la tournée puisse se faire et tant pis pour le Nord. McLaren, une fois de plus, enfume son auditoire mais n’a rien « orchestré ».

La boutique de Malcolm McLaren

Seditionaries sex pistols

Entre temps, la boutique a encore changé de nom, Sex est devenue Seditionaries, le succès des fringues commence à venir mais les boutiques voisines telles que Boy et Acme Attractions ne se privent pas pour imiter les fabrications de McLaren et Westwood qui vont toujours plus loin dans la provocation. Ils vendent désormais des vêtements sur lesquels on trouve la photo de la reine avec épingle à nourrice dans la bouche, swastika fluo, crucifix inversé quand il ne s’agit pas de celles de Karl Marx ou Staline accolée à un aigle nazi la tête en bas, accompagnée de slogans anarchistes.

Subversif, provocant, le magasin peine pourtant à décoller et les finances ne sont pas terribles, même si McLaren exploite le filon punk jusqu’à l’overdose avec une poignée de singles qui n’ont de Sex Pistols que le nom pour la B.O. du film réalisé par Julien Temple, « La Grande Escroquerie Du Rock N’Roll » dans lequel il fait passer le groupe pour un boys band et lui pour un génie de l’arnaque, « l’argent par le chaos ».

«Je n’ai pas eu à me fringuer en caoutchouc une fois le groupe connu du public. Malcolm et Vivienne ne nous ont jamais dit de porter quoi que ce soit en particulier. On prenait ce qu’on voulait et ils nous faisaient payer ou pas.»

(Steve Jones “Lonely Boy – Ma vie de Sex Pistol”)

«On avait travaillé les idées et nous étions arrivés à ce concept d’escroquerie. Dix leçons que Malcolm allait donner (…) rendre crédibles des choses incroyables en mentant, en exagérant certains faits, en les déformant, pour transformer Malcolm en un individu calculateur qui réfléchit et planifie tout, le cerveau qui organise tout dans les moindres détails.»

(Julien Temple «L’histoire intérieure» à propos du film «La Grande Escroquerie du Rock N’Roll»)

« L’idée de « La Grande Escroquerie Du Rock N’Roll » était que les choses fausses devaient paraître vraies et vice versa »

(interview de Julien Temple, Record Hunter, Mars 1994)

Les détracteurs des Pistols, ainsi que les fans les plus naïfs et les incultes, prennent ça pour argent comptant, convaincus qu’ils tiennent là un boys band du punk et que McLaren est un génie.

Sex Pistols – God save the Queen

Fin des 70’s, fini le rêve :

En 1979 débute un procès intenté par John Lydon. McLaren le perd, et perd tous les droits qu’il avait sur le nom du groupe, le pseudonyme « Rotten » du chanteur et les disques sortis. Sans un rond, les 80’s débutent difficilement et vont être une succession d’échecs. Westwood et lui se séparent, il manage et produit brièvement Bow Wow Wow qui a droit à un hit dans les charts anglais (« C30 C60 C90 Go ! ») mais ne fait pas grand bruit dans le paysage musical international. Entre deux albums solo qui se vendent mal, il occupe son temps libre en conférences au cours desquelles il explique comment il a monté les Sex Pistols et escroqué les maisons de disques anglaises, convaincu que tout cela est vraiment arrivé.

«Mardi 30 Novembre (76): Malcolm commence à se demander si EMI ne néglige pas délibérément la distribution du disque (…) L’ennui, c’est que dans une entreprise comme EMI, il n’y a jamais de responsable. Un type vous donne son opinion. Et vous vous apercevez après que cela concerne le bureau d’un autre. Malcolm est piégé dans d’interminables conversations qui tournent en rond et il semble fatigué»

The Inside Story» de Fred et Judy Vermorel. Extrait du journal personnel de Sophie Richmond, Glitterbest).

Les Sex Pistols, le seul vrai succès qu’il a eu finalement, car avant eux et après eux, McLaren n’a jamais eu de chance, sa vie est une succession d’échecs, depuis l’ouverture de sa boutique jusqu’à son dernier album solo, « Paris », sur lequel il avait pourtant invité des parisiennes célèbres, Deneuve et Hardy, afin de le promouvoir et le vendre au mieux. Mais non, la chance n’était pas de son côté, définitivement.

Le vrai visage de Malcolm McLaren

C’est vers la fin de sa vie que McLaren se montre lucide, s’autoproclamant le « mis-manager » lorsqu’il est question de son travail avec les Sex Pistols, un travail d’amateur à qui la chance a souri, pour une fois. Un apprenti manager tombé sur le bon groupe au bon moment, en quelque sorte.

Son épitaphe résume parfaitement sa vie : « mieux vaut un échec spectaculaire qu’un succès mineur ».

tombe de Malcom McLaren manager des sex pistols

Son épitaphe résume parfaitement sa vie :

«Mieux vaut un échec spectaculaire qu’un succès mineur».

Fernand Naudin

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