STEVE MILLER BAND : l’album Fly Like An Eagle

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L’aigle royal

Steve Miller Flight par POUP
Steve Miller Flight par POUP

Ah les cassettes ! Dans les années 70 et 80, on les enregistrait, se les prêtait, les donnait, tels des passages de témoins de nos goûts et de nos découvertes d’ados. Bon, ça se gâtait quand il n’y avait pas la moindre info sur la jaquette. Surtout en ne voyant plus le passeur… Telle cette cassette d’un lointain cousin qu’il avait offerte en 1977. Que des pépites. Mais pas de titres ni de noms ! Le grand frère avait révélé quelques morceaux : les Stones, les Animals, T.Rex ou les Beatles

Mais le reste, mystère absolu. Ainsi pour deux titres, accrocheurs autant qu’énigmatiques. Il a fallu attendre un après-midi de Juillet 1982, au Festival de Torhout en Belgique, pour comprendre que ce gars-là, plutôt débonnaire sur scène, qui changeait de belles guitares à chaque chanson, c’était lui l’auteur de ces deux merveilles : Take The Money And Run et Rock’n Me, du LP Fly Like An EagleSteve Miller !

The Space Cowboy

En 1976, le groupe de San Francisco Steve Miller Band fête déjà ses dix ans. Dix ans que le Steve promène ses guitares et son Blues Rock psychédélique teinté de Pop, accompagné de différents partenaires. Steve Miller a trois atouts, un jeu de six cordes marqué par la musique du Diable mais ouvert à l’expérimentation sonore, une belle voix proche de certaines intonations soyeuses de McCartney, et enfin un talent d’écriture qui fait la différence par rapport aux autres virtuoses. Après une flopée d’albums, il obtient son premier Hit grand public en 1973 avec le titre générique de son huitième recueil, The Joker.

Steve Miller Band – The Joker – Idem (1973)

Trois ans plus tard, Steve Miller recompose donc son équipe en trio. Lonnie Turner revient à la basse ainsi que Gary Mallaber à la batterie tandis que le leader bien sûr assume les cordes mais aussi les claviers. Depuis 1973, le chanteur / guitariste a accumulé et travaillé, voire peaufiné de nombreux thèmes dans son home studio, s’imprégnant de l’actualité et des rencontres musicales. Lors de l’enregistrement de ce neuvième LP, les trois enregistrent tant de morceaux que finalement, plutôt qu’un double album, leur maison de disques prévoit deux disques successifs : Fly Like An Eagle et le futur Book Of Dreams

Steve Miller Band : Fly Like An Eagle
Steve Miller Band : Fly Like An Eagle

Synthétiseur et guitare

L’album Fly Like An Eagle paraît le 15 Mai 1976. En ouverture, Steve a la bonne idée de glisser une vignette instrumentale, la bien nommée Space Intro, toute en synthé – un ARP Odyssey ou un Roland SH-2000, les sources divergent -. Cet instrument va irriguer une partie des titres, cinq sur les douze, que ce soit en générateur de bruits blancs ou de notes. A l’époque, en ce milieu des années soixante-dix, les synthétiseurs représentent la modernité et anticipent la musique du futur. Du moins le croit-on. On peut y voir bien sûr l’influence des groupes allemands, surtout Tangerine Dream et Kraftwerk, mais aussi du Prog Rock, et dans le cas de Steve Miller, peut-être de Pink Floyd, qu’il a côtoyé lors de concerts communs.

Steve Miller Band – Space Intro – Fly Like An Eagle (1976)

Le groupe enchaîne directement avec le générique Fly Like An Eagle. Le Steve Miller Band le joue depuis plusieurs années, dans des versions différentes, improvisant sur sa mélodie parfois pendant trente minutes en concert, le prétexte à des envolées guitaristiques plutôt planantes.

Steve Miller Band – Fly Like An Eagle Live At The Midnight Special (1974)

Cette fois, la rythmique funky de Miller, Turner et Mallaber, appuyée par l’orgue Hammond de l’invité Joachim Young invite au balancement sur la piste imaginaire. Le chanteur entonne des onomatopées préfigurant le jingle de Canal +, puis développe son propos : le traumatisme de la guerre – perdue et honteuse – du Vietnam, la pauvreté et l’appel au futur et à la révolution de l’esprit, en volant comme un aigle au milieu des nuages de sonorités synthétiques. Grâce aux interviews plus récentes, on sait maintenant que l’ajout – essentiel – du synthétiseur passé par la fameuse chambre d’écho Echoplex est une idée de dernière minute. C’est l’une des plus belles introduction d’album des années 70 !

Steve Miller Band – Fly Like An Eagle – Idem

Pour le troisième titre Wild Mountain Honey, on ouvre non seulement les oreilles mais aussi les chakras. Là encore le synthétiseur domine en apportant la mélodie orientaliste tout en dialoguant avec la guitare-sitar – ça existe – de Miller, sur une boîte à rythmes lancinante et quelques clochettes. Décollage méditatif garanti !

Steve Miller Band – Wild Mountain Honey – Fly Like An Eagle

Le trio retourne à l’essentiel, chant / guitare / basse / batterie sans fioritures, avec la très enlevée Serenade. Les paroles cosmiques associées à l’interprétation positive dégage réellement un souffle d’optimisme. L’un des morceaux préférés des fans du Steve Miller Band.

Steve Miller Band – Serenade – Fly Like An Eagle

Hormis la voix, le chanteur / guitariste partage aussi un autre aspect avec son ami Paul McCartney : le goût de l’éclectisme. Ainsi, après une série de thèmes plutôt aériens pour ne pas dire perchés, Steve Miller nous appelle à sortir les chapeaux de Cowboys / Cowgirls et les bottes pour danser Country. Le gars aime intercaler des transitions entre ces chansons. Dont acte avec ce Dance Dance Dance rétro et acoustique accompagné par John McFee au dobro.

Steve Miller et sa Fender Stratocaster dans les années 70
Steve Miller et sa Fender Stratocaster – de gaucher – dans les années 70

Heureusement cette première face se conclut par une citation de Blues, l’autre marotte de Miller, pour une reprise du Mercury Blues de l’historique K.C. Douglas en 1948. Une histoire de bagnole… Une belle version, épurée, à l’os, pourtant trop vite écourtée par l’ingé son. Dommage.

Steve Miller Band – Mercury Blues – Fly Like An Eagle

Hoo Hoo !

C’est la batterie souple et syncopée de Gary Mallaber qui introduit cet autre côté du disque et l’un des sommets du répertoire du Californien. Après des Hoo Hoo qui vont ponctuer la séquence, Steve Miller, très en voix – en multi-pistes – commence à raconter l’histoire des amoureux Billy Joe et Bobbie Sue, qui vont braquer un gars et malheureusement le descendre puis se faire courser par le détective Billy Mack. Ça vous rappelle quelque chose ? Bonnie And Clyde ! Le découpage rythmique batterie /claps de mains / basse et accords métalliques de guitare – sans doute Fender – interpelle immédiatement. Extraite en single, cette superbe chanson atteint les têtes de classements dans plusieurs pays…

Steve Miller Band – Take The Money And Run – Fly Like An Eagle

Pourquoi s’arrêter sur une aussi belle lancée ? Steve ressort son carnet de notes, ces citations de ville et ses souvenirs de riffs pour écrire un autre titre afin de secouer la baraque… Et les radios. Cette fois en duo avec les percus dynamiques de Mallaber, il balance une suite d’accords évoquant le All Right Now de Free, toujours avec un son particulièrement clair en écho. Avant de partir en boogie parsemé de breaks. C’est intelligent et faussement simple.

Steve Miller pendant l’enregistrement de l'album Fly Like An Eagle
Steve Miller pendant l’enregistrement de l’album Fly Like An Eagle

Comme précédemment, en trois minutes, les gars viennent de jouer leur second Hit, rejoignant quelques mois après l’histoire de Billy Joe et Bobbie Sue dans les cimes des ventes. Ici on saluera la production exemplaire du disque par John Palladino, Mike Fusaro et Miller lui-même : hormis les titres avec claviers et les voix, il y a peu d’overdubs ou de rajouts instrumentaux, pas vraiment de solos, mais un travail efficace sur les timbres et les effets.

Steve Miller Band – Rock’n Me – Fly Like An Eagle

Plus anecdotique, le clin d’œil à Sam Cooke avec une version en chœurs de You Send Me. Le film American Graffiti (1973) et la mode – déjà – Revival Fifties / Sixties sont sans doute passés par-là… Après Blue Odyssey, une courte vignette synthétique, Steve Miller retourne à la Musique du Diable avec Sweet Maree et un superbe dialogue guitares – acoustique, électrique – / harmonica de l’invité et bluesman James Cotton.

Steve Miller Band – Sweet Maree – Fly Like An Eagle

Enfin, The Window clôt l’album en compagnie de quelques amis – Curley Cooke, Les Dudek aux guitares, Charles Calamise à la basse, Kenny Johnson à la batterie et Joachim Young de nouveau à l’orgue -. Quelques dernières réflexions métaphysiques et des boucles synthétiques finales.

Steve Miller Band – The Window – Fly Like An Eagle

Stratocaster

Au milieu des autres grandes sorties de l’été 76, WingsAt The Speed Of Sound – , Stevie WonderSongs In The Key And Life -, The Rolling StonesBlack And Blue -, Blue Öyster CultAgents Of Fortune – …- l’album Fly Like An Eagle du Steve Miller Band ne jouera pas les oisillons avec ses trois tubes – le titre générique paraîtra également en single –, sa pochette dynamique, une photo de Steve Miller échevelé, jouant sur une Stratocaster prévue pour Hendrix, et son Space Rock-blues. Au même moment, de l’autre côté des États-Unis, les Modern Lovers de Jonathan Richman présentent leur premier 33t, annonçant avec quelques-uns, d’autres envols…

Bruno Polaroïd / Illustration par POUP

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