Sunshine of Your Love, le soleil hendrixien de Cream

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Quand un hommage donne naissance à un standard de rock psyché

Sunshine of Your Love de Cream. Depuis cinq décennies que ce standard du rock est sorti, combien de jeunes pousses ont confondu ce titre avec le répertoire de Jimi Hendrix ? En effet, même si une recherche approfondie dans la discographie du divin gaucher permet de dissiper toute confusion, à la première écoute, son riff distinctif possède indéniablement quelque chose d’hendrixien. Et pour cause…

Sunshine of Your Love
Jimi Hendrix et Eric Clapton

C’est après avoir assisté à un concert de The Jimi Hendrix Experience (encore inconnu) au Saville Theatre de Londres, le 29 janvier 1967, que Jack Bruce plaque cette fameuse ligne de basse sur son instrument fétiche. Il s’agit d’ailleurs plus d’une dédicace que d’un projet de composition. A cette époque, le groupe Cream vient tout juste de publier son premier opus. Le trio composé de Eric “God” Clapton (guitare), Ginger Baker (batterie), et Jack Bruce (chant et basse) est alors très populaire en Angleterre.

Cream
Cream : Ginger Baker, Jack Bruce et Eric Clapton

Le texte est écrit à trois mains. Jack Bruce aidé de Pete Brown (poète, chanteur et parolier) en écrivent la substance. Eric Clapton trouve le refrain. Mais en dépit de ses paroles inspirées, c’est bien l’instrumental de Sunshine of Your Love qui va marquer l’histoire du rock. Son riff inspiré du blues que régurgite à sa sauce Jimi Hendrix, va devenir le riff étalon d’une nouvelle ère. Celle d’un rock puissant et repoussant les limites du schéma douze mesures et trois accords. Quant au style rythmique de Ginger Baker influencé par le jazz et les musiques tribales, il va investir les tympans d’un certain John Bonham

Cream – Sunshine of Your Love (1967)

Si Purple Haze, du même Hendrix, annonce en mai 1967, l’arrivée du hard, la publication de Sunshine of Your Love en décembre de la même année, le pérennise en atteignant le sommet du billboard américain. Permettant par la suite, à des groupes comme Led Zeppelin, ou Black Sabbath, de se faire une place dans les charts, mais également à Jimi Hendrix d’explorer de nouveaux univers sonores, et de devenir le performer le mieux payé de la scène pop.

Fréquemment, le divin gaucher reprend Sunshine of your Love lors de ses prestations scéniques. Mais le 4 janvier 1969, c’est un hommage en bonne et due forme qu’il délivre à son tour à ses amis de Cream

Invités par la chanteuse Lulu dans son émission A Happening for Lulu, The Jimi Hendrix Experience n’est pas très à son aise. Il s’agit d’ordinaire d’un programme de variétés. Naturellement, il est prévu que le groupe joue Hey Joe, son plus grand tube. Le trio s’exécute, mais très vite, on sent Jimi ennuyé… Il vient d’apprendre la séparation d’un groupe qu’il affectionne… Cream ! Alors il s’interrompt en plein direct, et lance au micro :

« Nous aimerions arrêter de jouer ces trucs ( » Hey Joe « ) et dédier une chanson à Cream »

Jimi enchaîne avec le riff destructeur de Sunshine of Your Love, pendant que Lulu, en coulisse, passe par toutes les couleurs. Et que Bruce, Clapton et Baker jubilent devant leur écran de télévision…

The Jimi Hendrix Experience – Sunshine of Your Love (1969)

Quand on compose un hymne générationnel, il y a déjà de quoi pavoiser. Mais lorsque une interprète de la trempe d’Ella Fitzgerald en livre une version brûlante, où les cuivres se substituent à la guitare sans peine – façon Otis Redding sur Satisfaction, même si elle figure sur un album de reprises visant à remettre la diva au goût du jour, vous êtes bons pour le panthéon du rock…

Ella Fitzgerald – Sunshine of Your Love (1969)

Ce titre est l’occasion d’évoquer un quintet fort célèbre outre-atlantique, et pourtant méconnu en Europe. The 5th Dimension, groupe vocal de soul californienne, truste pourtant le haut des charts américains à la fin des 60’s, et au début des 70’s. Après avoir œuvré pour le grand Nat King Cole, ils sont même invités à se produire dans les shows très select de Las Vegas.

Sous le label Soul City, concurrent de la Motown, ils offrent une version groovy de Sunshine of Your Love

The 5th Dimension – Sunshine of Your Love (1970)

J’ai déjà évoqué Mongo Santamaria dans une précédente chronique. Un maître percussionniste et chef d’orchestre cubain, pionnier du latin jazz. On considère souvent sa version de Watermelon Man (Herbie Hancock) comme les prémices du boogaloo, un mélange de R&B et de rythmes afro-cubains. Santamaria avait également une prédilection pour les standards de rock, desquels il savait extraire la pulsation afro-beat. On imagine bien cette reprise figurant dans un James Bond aux Caraïbes

Mongo Santamaria (1970)

Son répertoire n’est peut-être pas inoubliable, mais Spanky Wilson n’en reste pas moins une chanteuse de soul remarquable. En témoigne cette excellente reprise…

Spanky Wilson (1970)

Les Dread Zeppelin se sont fait un nom. Et pas en tant que groupe tribute de Led Zep, mais en tant que spécialistes de la cover reggae. Si le groupe se prenait au sérieux, j’aurais vite fait de passer mon tour, mais il possède un second degré attachant, doublée d’une maîtrise totale. Si certaines de leurs covers sont très oubliables, d’autres donnent des regrets sur le répertoire qu’ils pourraient se constituer. Comme cette adaptation où le chanteur Tortelvis et sa voix de ténor font des merveilles sur un instrumental aux accents ska et psychobilly…

Dread Zeppelin (1996)

Bobby McFerrin, lui non plus, n’est pas maladroit dans l’art de la reprise. Ce vocaliste et bruiteur hors pair se passe aisément des instruments pour restituer l’essence d’un standard. La voix de l’artiste n’a pas grand chose à envier à celle de Jack Bruce, et les chœurs ajoutent même un genre de transe mystique au morceau…

Bobby McFerrin (1998)

Sunshine of Your Love sonne tellement Hendrixien que le pianiste Francis Lockwood (frère du violoniste) l’intègre dans son album Jimi’s Colors. Cream profite donc d’un nouvel hommage du monde du jazz au divin gaucher…

Francis Lockwood (1998)

Pionnier du stoner rock (batteur de Kyuss), Brant Bjork possède cette fibre blues qui manque parfois à ses homologues. Son grain de voix envoûtant se fait ici très sobre, laissant le riff dominer l’ensemble. Cette reprise chirurgicale ne déclenchera pas une avalanche de superlatifs, mais elle a le mérite d’être humble et fidèle…

Brant Bjork & The Bros (2005)

Ce titre, vous en conviendrez, réclame une reprise de “hardos”. Le célèbre riff étant un signe annonciateur du genre, nombreux s’y sont essayé, et souvent dans la démesure. Même si je trouve l’instrumental un peu trop sophistiqué, la voix de Ozzy Osbourne démontre encore une fois, que style et conviction prévalent sur la virtuosité…

Ozzy Osbourne (2005)

Pour finir, j’ajouterais que ce titre et son “riff à suspense” ont fait le bonheur de nombreux films et séries. Perso, lorsque je l’entends, c’est la caméra de Martin Scorsese zoomant sur le visage de Robert De Niro dans Les Affranchis qui me revient en mémoire. Quand Jimmy Conway se demande s’il faut liquider ce moulin à paroles de Morrie…

Les Affranchis (1990)

Serge Debono

 

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