ROCK EN FRANCE de 1976 à nos jours – Grégory Vieau

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Un Do It Yourself “A La Française”

Présenter près de cinquante ans de Rock français depuis 1976, voilà la belle ambition du nouveau livre du journaliste Grégory Vieau, déjà auteur de Une histoire de la presse rock en France chez le même éditeur Le Mot et le reste.
L’ouvrage est construit en deux parties : tout d’abord un survol historique, depuis les prémices du Punk et de la New Wave en France jusqu’à notre actualité, encore marquée par le confinement. Puis, Vieau dévoile en 100 albums son anthologie du Rock français.
Pourquoi 1976 ? L’auteur répond à cette question en introduisant sa sélection de disques. 76, c’est l’émergence du mouvement Punk en Grande-Bretagne puis en Europe, et donc en France. On le sait, la naissance de la nouvelle vague est antérieure et se situe d’abord aux États-Unis. La tabula rasa du Punk a été suivie du fameux mot d’ordre Do It Yourself, un principe créatif bouleversant, libérateur et volontaire, dont on garde encore des traces aujourd’hui. C’est en tout cas ce que souhaite démontrer Vieau.
Le parcours historique du livre commence par une évocation du point zéro du Punk en France selon le journaliste : Paris les Halles, dans la première moitié des années 70. On y croise des personnages comme Yves Adrien de Rock&Folk, Marc Zermati, le couple Esteban-Mercier, des fans des Stooges, du Velvet Underground ou des premiers Garage bands américains que Lenny Kaye a  magnifiés dans la séminale compilation Nuggets en 1972. De ce creuset vont émerger les groupes Asphalt Jungle, Métal Urbain ou Stinky Toys et des initiatives fondatrices à l’instar du Festival Punk de Mont-de-Marsan en 76 justement…

Métal Urbain – Panik (1977)

Cette légende parigot-centrée a déjà été racontée et quelquefois enjolivée, d’ailleurs par les acteurs eux-mêmes. Sans nier leur rôle essentiel, on préférera parler d’un bouillonnement parallèle (Sic) de quelques scènes locales, autour de magasins de disques, de bars branchés, à l’écoute d’autres musiques, notamment sur les radios pirates françaises (Radio Campus Lille par ex.) ou étrangères. C’est ce que fait heureusement l’auteur en mentionnant également la Normandie où s’agitent au même moment Little Bob Story et les Dogs de Dominique Laboubée.

Dogs – A Different Me – Different (1979)

Puisqu’on en est aux étincelles, on rappellera en aparté une émission télé qui a aussi mis le feu à la poudre du Punk en France et qui est rarement mise en avant : la Spéciale Punk du regretté Freddy Hausser diffusée le 9 Novembre 1977 sur Antenne 2. Cette trentaine de minutes iconoclastes a plus profondément marqué les jeunots et jeunottes de la période que le premier disque des Stinky Toys.
Pour la suite, Vieau aborde avec justesse les aspects, tendances et courants qui émaillent notre musique fétiche : les Jeunes Gens Modernes, les projets alternatifs et décentralisés, la fracture numérique, les aléas des labels autonomes, les webzines… Une remarque néanmoins pour l’importance encore cruciale des radios libres. Initiées par la libéralisation des ondes de Mitterrand en 1981, elles n’ont pas toutes été englouties par l’appétit commercial de NRJ and co. La persistance et la résistance des radios campus et de structures comme la Ferarock le démontrent amplement, de même que l’apparition des webradios indépendantes.

Taxi Girl – Mannequin (1980)

Après cette introduction particulièrement dense, Grégory Vieau révèle sa sélection de cent disques, depuis le High Time de Little Bob Story en 1976 jusqu’au Ummon de Slift en 2020. Chacun s’y retrouvera sans doute selon ses goûts et ses couleurs : Dogs, Marquis de Sade, Trust, Carte de Séjour, Kid Pharaon, les Thugs, Pigalle, Kat Onoma, Ulan Bator, M83, Jeanne Added

Les Thugs – Waiting – Strike (1996)

Pour chaque album, l’auteur glisse quelques notes biographiques et des avis pertinents ainsi que des suites et des artistes apparentés. Il précise néanmoins qu’il a écarté « la grande famille du métal » car elle aurait mérité tout un livre. Certes mais dommage. De même, par principe, il évite certains Grands antérieurs à 76 comme Gainsbourg, Higelin mais aussi Bashung. Une entorse à ce dogme aurait été bienvenue pour Alain Bashung car celui-ci éclate en 1980 avec Gaby Oh Gaby et exerce dès lors, quasiment en direct, une influence considérable sur les chanteurs ou chanteuses relevant le défi du Français.

Kat Onoma – Le Désert – Billy The Kid (1992)

Enfin, bien sûr, toute sélection affiche une certaine subjectivité, et même si celle-ci s’avère des plus riches et pointues, on notera quelques absents. Entre autres, pour la période Punk, ne pas chroniquer Starshooter, fallait oser. Dans les décennies 80 / 90, à peine évoquer Dominic Sonic et passer sous silence Jad Wio, Tanger ou le cousin Ostendais Arno, c’est regrettable. De même, occulter dans les années 2000, les albums de Air ou de nanas telle Mademoiselle K., surtout pour en arriver à encenser La Femme. On mettra ça sur le compte du manque de place…

Mademoiselle K. – Ça Me Vexe – Idem (2006)

Malgré ces nuances, le livre Rock En France de 1976 à nos jours de Grégory Vieau réussit à souligner la détermination et l’originalité de ces artistes françaises et français, désirant souvent affirmer leur personnalité par delà les prégnances anglo-saxonnes, et soutenus moins par le business que par tous ces grains de sable, voire ces singletons – tourneurs, créateurs de labels indépendants, activistes des médias autonomes… – qui persistent et signent. Un Do It Yourself « A la Française » !

Grégory Vieau : ROCK EN FRANCE de 1976 à nos jours / Editions Le mot et le reste (Leur site) – 280 pages – 23,00 Euros – Parution le 26 Mai 2023

Bruno Polaroïd

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