Jean-Pierre Kalfon présente son album Méfistofélange
Quelle étonnante rencontre. Imaginez un acteur né en 1938 et dont tout le monde connaît le nom. Un acteur de théâtre, de cinéma et de télévision. Il a tourné avec les plus grands : Lelouch, Godard, Henri Verneuil, Claude Chabrol, Samuel Benchetrit … au bas mot, une centaine de films pour le cinéma. L’homme traverse aujourd’hui sa 84ème année, et à l’heure où la moyenne de ses congénères de la même génération se retirent le plus souvent pour vivre moins intensément, celui-ci après avoir publié son autobiographie en 2018, nous gratifie fin 2022, d’un album de Rock!
Une passion moins connue dans sa carrière, la musique, pour un homme qui a pourtant toujours vécu étroitement lié à cet univers. Armé de cette voix rocailleuse à souhait et de ce look atypique qui lui ont attiré des rôles souvent sombres au cinéma, Jean-Pierre Kalfon déploie le panel d’un artiste aux ressources multiples. Il nous présente son nouvel album intitulé, Méfistofélange lors d’une discussion en tous points passionnante ! C’est un plaisir de partager ce moment avec vous !
On vous connaît en tant qu’acteur, mais beaucoup moins comme chanteur, pourtant, la musique vous accompagne depuis très longtemps, n’est-ce pas ?
JPK : Mon premier 45 tours 4 titres chez CBS c’était en 1965. Puis il y a eu aussi le film Les Idoles dont on avait fait la bande son et j’ai fait pas mal de 45 tours de chansons de films. Et j’ai fait un album en 1993 qui s’appelait Black Minestrone (New Rose records).
Votre nouvel album Méfistofélange passe du Rock, au Blues et à la Soul, c’est un disque varié qui semble être à l’image de votre vie d’artiste ?
JPK : C’est exactement ça, c’est mon vécu à travers différentes époques et influences, Blues, Rythm’n’Blues, Soul. J’ai écris tous les textes, je me suis vraiment exprimé. Lorsque je suis acteur, je m’exprime à travers des rôles, ce n’est pas moi vraiment, tandis que là, c’est carrément moi, de A à Z. J’ai également composé deux des musiques. J’avais envie de parler aux gens. Quand on a la vie que j’ai vécu, je pense qu’on a des choses à raconter aux gens. Je n’ai rien à leur apprendre, mais j’aime à voir comment ça réagit lorsqu’on parle avec son propre cœur.
Comment est né ce projet ?
Jean-Pierre Kalfon : ça faisait longtemps que je voulais faire cet album, je cherchais et je ne trouvais pas. Et puis un jour, j’ai un ami musicien, le batteur Amaury Blanchard, qui à parlé de moi à l’une de ses connaissances, et de fil en aiguilles les choses se sont faites. Au moment où je ne cherchais pas… J’ai donc envoyé des maquettes à Philippe Margueron de Déviation Records, et on s’est lancé dans l’entreprise.
Et comment s’est déroulée la partie création avec vos musiciens ?
JPK : J’ai composé paroles et musiques sur deux chansons. Et pour les autres, les musiciens me donnent parfois des musiques, ou je leur apporte des textes qu’ils mettent en musique. Ça fonctionne dans les deux sens.
Quel est votre rapport à l’écriture ?
JPK : J’accroche sur un mot, sur une image. Voyez, aujourd’hui je suis parti sur l’idée de “Tiens me voilà encore amoureux, est-ce que tu ne trouves pas, que tu es un peu vieux pour ce genre de jeu ?” Je suis parti de ça, et après je vais tirer le fil. Vous partez sur une idée et vous développez. Et j’essaie en même temps de partir dans d’autres directions pour pas que ça reste dans le même esprit. J’essaie de prendre des déviations …
L’album s’appelle Méfistofélange, c’est aussi le titre d’une chanson ?
JPK : C’est une chanson que j’ai écrite pour Amy Winehouse que j’adore, qui est géniale et qui s’est fait bouffer par la vie.
Cette chanson exprime la dualité de la vie d’Amy ou la dualité de nous tous ?
Jean-Pierre Kalfon : C’est la dualité de tout le monde, mais c’est aussi quand il fait l’ange que Méfisto est le plus dangereux, parce qu’on ne le voit pas venir. Il se déguise en ange, et nous, on se fait avoir…
Vous même, vous n’avez pas souvent été un ange au cinéma ?
JPK : Non pas vraiment (rires) … mais je n’ai pas fait que cela. Je n’ai pas joué que des rôles de voyous. J’ai joué des prêtres, par exemple dans Vivement dimanche de Truffaut, ou dans Les uns et les Autres de Lelouch. Evidemment, ce n’est pas le principal trait de caractère qu’on retient de moi en tant que personnage de cinéma, mais j’ai quand même eu des choses très variées. C’est très intéressant, vous passez d’un univers à un autre suivant les metteurs en scène, les scénarios et les partenaires.
On nous a présenté cet album, comme un disque de Rock. Rock, oui, mais pas seulement ?
JPK : Il est Blues, Soul, traversé de ballades, c’est au fond quelques touches de l’expression d’une vie. On passe d’un univers à un autre, car moi même je suis passé d’un univers à un autre. En 84 ans, on a l’occasion de se balader dans la vie.
Vous avez écrit Sex Toy, un texte assez provocateur ?
JPK : Ecoutez, je pense que ça fait partie des choses de la vie maintenant. Il y a des boutiques partout de Sex Toys et je ne vois pas pourquoi on ne parlerait pas de ça. Ça me provoque aussi, puisque toutes ces choses n’existaient pas avant. Ça c’est mis à devenir des objets commerciaux, donc je pensais qu’il fallait le traiter, mais d’une façon qui ne soit pas vulgaire, que ça reste gracieux.
Vous avez bien connu les New York Dolls, pouvez-nous vous parler de cette période là ?
JPK : C’était une période de folie, j’étais à New-York en 1973 au moment de l’explosion des New York Dolls et je suis resté copain avec David Johansen qui est le seul qui reste, tous les autres sont morts. Sylvain Sylvain est décédé récemment, il m’avait envoyé une musique pour que j’écrive des paroles françaises sur les refrains. Avec mes musiciens, on a mis le truc au carré, et j’ai écris les paroles. Malheureusement, il est mort avant que j’ai eu le temps de lui envoyer. Alors je les ai envoyées à David Johansen et sa femme Vanda, mais je n’ai pas eu encore de retour. J’étais également copain avec le bassiste des New York Dolls, Arthur Kane, les autres je ne les connaissais moins bien, Johnny Thunders un peu seulement…
C’était une période de folie, c’était les démarrages du Punk, bien avant les Sex Pistols.
En même temps, il y a des gens de Toulouse, qui ont ressorti mon disque de 1965 et qui me considèrent comme le premier Punk, 10 ans avant les anglais.
Le 1er titre extrait du premier Ep de Jean-Pierre Kalfon (1965)
Vous avez également été guitariste ?
Jean-Pierre Kalfon : J’ai été guitariste avec Jacques Higelin pendant 6 mois, on a fait une tournée ensemble pour l’album BBH en 1975.
Et si je vous dis Mont de Marsan 1ere édition ?
JPK : C’est le premier festival Punk en France en août 1976, j’y ai participé, mais j’ai eu une mésaventure. On avait répété à deux guitares, plus un bassiste et un batteur, et le deuxième guitariste n’est pas venu. Je me suis donc retrouvé à tout faire, chanter, jouer, ce qui n’est pas bon pour moi, parce que je ne suis pas assez compétent. Du coup, ça c’est passé difficilement pour moi. Ce n’est donc pas un très bon souvenir techniquement, mais en même temps c’était une expérience.
Est-ce qu’on pourra vous voir sur scène pour la promotion de ce nouvel album Méfistofélange?
JPK : On est en train de monter l’affaire. J’ai fait deux concerts dernièrement, et on devrait faire une présentation de cet album avec tous les musiciens en mars ou avril prochain.
Une chanson qui vous accompagne depuis quelques années ?
JPK : Chain of Fools, d’Aretha Franklin, ou alors aussi Elvis Presley : All shook up.
Un concert inoubliable ?
JPK : Il y en a beaucoup. Le dernier, c’était celui de Jeff Beck avec la petite bassiste Tal Wilkenfeld. C’est un guitariste merveilleux, un artiste extraordinaire.
Un livre à emporter sur une île déserte ?
Jean-Pierre Kalfon : John Fante ; Demande à la poussière… Il y en a plein d’autres… Victor Hugo… j’ai chanté un texte de Victor Hugo sur la guerre :
“depuis six mille ans la guerre plaît au peuple querelleur et Dieu perd son temps à faire les étoiles et les fleurs”
Voyez, c’est pas d’aujourd’hui, c’était déjà quelque chose qui lui faisait mal, et qui nous fait mal.
Si dans votre carrière cinématographique, vous ne deviez retenir qu’un seul film ?
JPK : Je pense que ce serait Une étrange affaire de Pierre Granier-Deferre (1981) . C’est mon plus beau film. C’est un film magnifique avec Michel Piccoli, Nathalie Baye, Gérard Lanvin, Jean-François Balmer.
Votre vie est une vie Rock’n’Roll, atypique …
JPK : mouvementée (Rires…)
Quel est votre regard sur la période actuelle ?
JPK : Et bien, j’espère que ça va se renouveler, mais je ne suis pas très inquiet, je pense que les jeunes ont beaucoup de ressorts. Il y a le rap, la techno, ce n’est pas mon univers, mais n’empêche que les gens arrivent à créer par eux-mêmes, à s’en sortir par eux-mêmes. Et ça je trouve ça très bien. Je trouve très bien que les gens se prennent par la main et se créent leur propre univers. Ça, ça me plaît !
Auriez-vous un message pour la jeunesse d’aujourd’hui ?
JPK : Ce que je pourrais dire aux gens, c’est allez-y, faites, fabriquez ! Fabriquez votre univers, regardez ce qu’il y a dans votre esprit, dans votre cerveau et essayez de le sortir ou de le coucher sur le papier, sur l’image, au son… de n’importe quelle façon, mais essayez de créer. Créer quelque chose, c’est ce qu’il y a de mieux. C’est ce qu’il y a de mieux dans la vie, la création, la créativité … c’est mon idée des choses. Et Bravo de vous bouger vous aussi.
Merci Jean-Pierre Kalfon pour votre gentillesse et toute l’énergie qui se dégage de vous.
Album Méfistofélange, chez Déviation Records
Interview, Auguste Marshal.
Retrouvez-également notre chronique dédiée à l’album Méfistofélange de Jean-Pierre Kalfon :