Rock, Rital et engagé
Juillet 1976. L’ado apprenti Rocker écoute la radio et son énorme (Sic) choix de stations sur les grandes ondes : France Inter, Europe 1, RTL, RMC et 2, 3 autres, c’est tout ! Il faudra attendre l’élection de Mitterrand en 1981 pour que les ondes radiophoniques soient enfin libres et multiples. Dans la chaude journée, programmées au milieu du torrent (Comme André, les initiés comprendront…) habituel de chansons dites de Variétés, quelques pépites Rock : Europa de Santana, Silly Love Songs des Wings, Sir Duke de Stevie Wonder, Radioactivity de Kraftwerk… Et un drôle de truc, en italien, Svalutation d’Adriano Celentano !
Adriano Celentano – Svalutation (1976)
RIMES EN TIONN
Ça commence par un riff de guitare Rockabilly, largement sous influences de Gene Vincent – Lotta Lovin’ en 1957 -, suivi de la batterie et du gars qui entonne son texte, accompagné de chœurs Doo-Wop masculins et féminins. On ne comprend pas grand-chose mais le chanteur s’énerve sur ses rimes en TIONN que les filles répètent. En fait, Celentano mêle mots italiens et anglicismes, clin d’œil à l’Americana. Un pont plus conventionnel, style un peu balloche, puis le thème à la guitare reprend. Alternance du schéma et solo final de 6 cordes électrique, avec un son très fifties. 3 minutes et quelques, vraiment un bon titre.
Grâce aux commentaires de certains animateurs, on comprend que le Celentano dénonce en vrac la situation en Italie au milieu des années 70 : la dévaluation, l’inflation, le pouvoir d’achat, le système, et plus inquiétant, les assassinats, cette période tragique qu’on appellera les Années de Plomb. Pas mal pour un p’tit air de Rock !
PRIMO ROCKER
Le Rock justement, Adriano Celentano le porte depuis des années. Il est l’un des premiers Rockers italiens, marqué à vie par Bill Haley et Jerry Lee Lewis. Il éclate en 1961 avec la chanson 24 000 Baci, reprise chez nous par le Johnny que l’on sait.
Adriano Celentano – 24 000 Baci (1961)
Il aura d’autres succès tel le très beau Il Raggazzo Via Della Gluck en 1966 que Françoise Hardy adaptera sous l’intitulé nostalgique de La Maison Où J’ai Grandi.
Adriano Celentano – Il Ragazzo Della Via Gluck Live à Berlin (1994)
Extrêmement populaire en Italie, auteur et compositeur, également comédien, réalisateur, scénariste et présentateur de shows TV, toujours plein d’humour, engagé politiquement, Celentano incarnerait en France un mélange de Johnny Hallyday et de Coluche mâtiné de Dutronc. Et ça reste un type bien, parfois controversé, mais qui n’a pas oublié d’où il vient, même s’il a vendu 200 millions de disques.
Chez nous, il a déjà imprégné les Hit Parades en 1973 – Merci Guy Lux – avec un morceau improbable au titre imprononçable : Prisencolinensinainciusol. Ce thème inspiré par James Brown, avec son parlando de Novlangue sur une rythmique hypnotique ponctuée de cuivres peut être considéré comme un prototype du Rap. Difficile de résister au groove de ce disque et au débit vocal – excellent – de Celentano et de ses choristes.
Adriano Celentano – Prisencolinensinainciusol (1973)
Le 45 tours Svalutation marchera en Italie, en France et en Europe. Puis ça sera aussi le cas de l’album du même nom qui reprendra le tube accompagné de quelques balades (Superbe La Barca !) et d’autres nouveautés. Sa pochette avec le ragazzo jouant d’une douze cordes électrique sur un petit ampli, le tout au dessus du titre, garde toujours son effet. Quant aux notes, elles précisent seulement que l’orchestre est sous la direction de Detto Mariano, sans indiquer le guitariste à l’ouvrage. Dommage…
Adriano Celentano – Svalutation (Full Album) – (1976)
Mais surtout, ce canaillou de Celentano, reniflant les nouvelles tendances, cartonnera l’automne suivant avec un autre extrait cette fois à l’atmosphère DISCO, bien avant les Bee-Gees and co… Ça, c’est de l’anticipaTION !
Adriano Celentano – I Want To Know Part II (1976)
Pour mon frère Jack.
Bruno Polaroïd