BILL WITHERS, la soul des seventies en toute simplicité

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Bien que son nom ait côtoyé ceux de Marvin Gaye, Al Green ou James Brown au cours des seventies, Bill Withers n’avait rien de commun avec les ténors du genre.

Ses prestations sans artifices avaient fait de lui un artiste à part. Mêlant le talent d’un conteur gospel à celui d’un chanteur de blues, cette force tranquille de la soul s’est éteinte le 30 mars 2020.

Bill N&B

Un homme de mots

Bill Withers voit le jour le 4 juillet de l’année 1938 dans une province minière des Appalaches, en Virginie Occidentale. Une région du sud marquée par la ségrégation raciale. Malgré des conditions de vie difficiles, et un système éducatif favorable à la population blanche, Bill se découvre une affinité avec les mots :

«J’ai compris très jeune que j’avais une facilité pour modeler la langue anglaise. Cette découverte de l’écriture m’a conduit à la chanson, un art difficile puisqu’on dispose de quatre minutes à peine pour exprimer des choses profondes, drôles, ou intéressantes.»

Marin et Musicien

La mort de son père alors qu’il n’a que 13 ans ne fait qu’amplifier les difficultés financières de cette famille de six enfants. Quand Bill décide de s’engager dans l’US.Navy, il n’a que 17 ans, et bien que possédant un certain don pour la guitare et le piano, il ne se fait aucune illusion concernant son avenir dans la musique.

Il passe neuf ans sur des navires de guerre à sillonner le Pacifique et confiera plus tard n’en avoir retenu que les beuveries, la découverte des relations éphémères, et celle d’un orthophoniste ! En effet, grâce à ses consultations, Bill se débarrasse d’un bégaiement chronique. Un handicap qui aurait pu lui être préjudiciable pour la suite de sa carrière.

Un problème d’éclectisme

Dés sa démobilisation, il s’installe à Los Angeles et multiplie les petits boulots. La journée, il est livreur de lait, ouvrier à la chaîne, et même installateur de toilettes d’avions. Ses nuits, il les passe à composer, ou à jouer dans les juke joints de la cité des anges.

Le public est séduit par sa voix de conteur blues. A la fin des sixties, Bill Withers vient d’avoir 30 ans. Déterminé à vivre de sa musique, il fait le tour des maisons de disques de la ville, mais cumule les refus. Trop noir pour le public blanc, et trop acoustique pour un public noir alors féru de soul cuivrée et teintée de rock. Entre soul, blues, et funk, Bill refuse de choisir une étiquette. Par bonheur, il croise la route de Clarence Avant qui vient de lancer Sussex Records, et cherche de nouveaux artistes pour son catalogue. Ce dernier lui donne carte blanche pour la publication de son premier album, « Just as I am » publié en novembre 1971.

Bill Withers – Ain’t no sunshine

Épaule par le clavier de Booker T and the MG’s et la guitare de Stephen Stills, rapidement ses qualités vocales explosent en radio. Le single « Ain’t no sunshine », fait de lui un des rares artistes, à classer simultanément un titre dans les deux Top Ten, soul et pop. Une mélodie céleste sur trois accords, maintes fois reprises depuis par des artistes aussi renommés que Michael Jackson, Paul McCartney, Van Morrison, Sting ou Ben Harper.

Ce premier opus contient d’autres perles, devenues d’incontournables standards comme ce titre aux sonorités blues dédié à sa grand-mère…

Bill Withers – Grandma’s Hands

Bill offre deux reprises, « Everybody’s talkin » de Harry Nilsson, et cette version « gospelisée » et rafraîchissante du célèbre titre des Beatles, « Let it be »…

Bill Withers – Let it Be

L’album se termine sur un titre envoûtant et désespéré, l’histoire d’un homme ayant perdu son amour et projetant de rejoindre l’autre monde. Un épilogue rythmé par des congas et une ligne funky. Tandis que Bill promène sa voix jusqu’à l’issue fatale… le coup de feu !

Bill Withers – Better Off Dead

En 1972, il publie son deuxième opus, dont le titre, « Still Bill »… est sans doute l’aspect le moins créatif. A ce stade, si la voix du chantre vous a touché, que vous aimez le groove, et les couinements de wah-wah, ce chef d’œuvre des seventies est fait pour vous !

Une entame groovy, au cœur du ghetto, dans les rues désertes et fumantes de Los Angeles…

Bill Withers – Lonely Town, Lonely Street

Il enchaîne avec « Let me in your life », ballade sirupeuse parfaitement exécutée avant d’asséner un nouveau coup de funk obsédant, « Who is he (and what is he to you) », véritable ode à la paranoïa, avec laquelle Quentin Tarantino rythmera plus tard son « Jackie Brown »

Bill Withers – Who is he (and what is he to you)

« Use me » et son thème récurrent fait parti des standards de Bill Withers maintes fois repris au cours des dernières décennies ( Esther Phillips, Grace Jones, Mick Jagger & Lenny Kravitz…)

Bill Withers – Use Me

Tout comme « Lean on me » devenu un véritable hymne, repris en chœur dans les églises américaines…

Bill Withers – Lean On Me

« Kissing my love » est un titre électrisant et groove à souhaits, sur lequel il est bien difficile de ne pas remuer…

Bill Withers – Kissing My Love

« I don’t want you on my mind », un blues pur, addictif et inquiétant, qui vous rentre dans la peau pour ne plus vous lâcher…

Bill Withers – I don’t Want You On My Mind

En cette première partie des années 70, caracolant aux sommets des Charts américains et enchaînant les concerts d’anthologie, Bill connaît un état de grâce qu’il ne retrouvera jamais.

Un concert d’anthologie

Il glane plusieurs Grammy Awards pour ses compositions. L’album « Live at Carnegie Hall » paru en 1973, est un petit chef d’œuvre illustrant parfaitement la virtuosité de Bill Withers en cette période…

Bill Withers – Live at Carnegie Hall

En 1974, sort « Justment », oeuvre plus intimiste et de bonne facture, mais dépourvue de titres majeurs. Même si on sent l’inspiration du virginien s’étioler en comparaison des précédents exercices, quelques titres émergent de la nasse…

Bill Withers – The Same love that Made me Laugh

Ou encore ce titre transe-soul, qui par son rythme simulant un train, aurait pu trouver sa place dans l’émission « Soul Train »…

Bill Withers – Railroad man

En 1975, Bill retourne en studio pour travailler sur son quatrième album au titre évocateur « Making Music »… La version UK porte un titre bien pire encore : » Making Friends »… Un titre, et une pochette insipide, qui ne laissent rien présager de bon.

En panne d’inspiration

En effet, ce quatrième opus commence dangereusement à frôler la pop de mauvais goût, stigmatisant le manque de créativité dont semble atteint le chanteur. Au milieu d’un bouillon de guimauve soul indigeste, on retiendra « Sometimes a Song » véritable coup de fouet de l’album !

Bill Withers – Sometimes a Song

Et le langoureux et mystérieux « She’s lonely », où des arrangements somptueux et le groove du maestro emportent le morceau vers les cieux…

Bill Withers – She’s Lonely

En 1976, son nouvel album « Naked and Warm » (No comment…) n’a rien de brûlant ! Il souffre des mêmes manques que le précédent, excepté peut-être « City of Angels ». Une ode jazzy à Los Angeles, ses nuits imprévisibles, et ses habitants hors normes…

Bill Withers – City of Angels

1977 et 1978 sont des années marquées par le Disco, le groupe Chic sort ses deux premiers albums et « Saturday Night Fever » fait danser les salles de cinéma. De nombreux artistes issues du funk ou de la soul vont profiter de l’aubaine. C’est aussi le cas de Bill Withers. Son sixième album intitulé « Ménagerie », très tendance et teintée de musique brésilienne, lui permet de retrouver un succès commercial. En particulier avec cet hymne à la joie, devenu depuis un de ses plus grands tubes…

Bill Withers – Lovely Day

En 1978, sujet à un manque croissant de créativité, Bill Withers décide de se consacrer à sa famille, et de s’octroyer une pause qui va durer sept longues années.

Une retraite en deux temps

En 1980, il réapparaît le temps de s’octroyer un nouveau Grammy Award glané avec l’écriture du légendaire « Just the Two of Us ». Une ballade soul et sensuelle composée par le saxophoniste Grover Washington Jr pour son album « Winelight ». Avec « Ain’t No Sunshine », assurément le plus grand tube de Bill Withers.

Bill Withers – Just the Two of Us

En 1985, il quitte le nid familial pour publier un huitième et dernier album fortement influencé par le funk des 80’s. Comme en atteste ce titre qui n’est pas sans rappeler un certain King of Pop…

Bill Withers – Someting’s That Turns You on

L’anti-star de la soul

Bill Withers reste un artiste à la trajectoire atypique. Même s’il venait d’un milieu modeste, il n’était pas fils de pasteur comme la plupart des artistes soul de sa génération. Il n’avait pas non plus brûlé sa jeunesse dans des tournées interminables. Semblant acquérir une certaine sagesse durant son passage dans la marine, il avait vécu son succès, et ses échecs, avec une sérénité peu commune. Bien qu’il soit avec James Brown, l’un des soul-man les plus repris (et samplé) de l’histoire de la musique, l’esprit de Bill Withers n’a jamais été troublé par la gloire, conservant au passage un étonnant sens des valeurs…

«Quand on me dit qu’un artiste est plus important qu’un ouvrier, je réponds que tout est relatif. Avant d’être chanteur, j’installais des toilettes dans les avions. Croyez-moi, on se passe plus facilement de chansons que de toilettes.»

Serge Debono

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