Plus près du cœur

Comme beaucoup en 1980, on les a découverts APRÈS. Bien sûr, il y avait eu quelques lignes et quelques images dans Best, Rock&Folk ou Actuel, mais perdues dans l’abondance des nouveaux groupes et critiques de disques phares de cette période faste. Quant aux vinyles eux-mêmes, sur Factory, le label indépendant devenu culte, il n’y avait pas de pressages disponibles en France, hormis en import et encore, contrairement aux disques de The Cure par exemple. Les concerts par chez nous ? Un seul, à Paris, aux Bains Douches, le 18 Décembre 1979. Une date depuis tellement mythique que ceux et celles qui affirment l’avoir vécue dépassent le nombre réel de spectateurs ce soir-là… L’émission Feedback de Lenoir sur France Inter en diffusera une partie en direct.
Joy Division – Twenty Four Hours Live – (Les Bains Douches 18 December 1979)
Sorti en Grande Bretagne en Juillet 1980, Closer paraîtra donc par chez nous courant 1981, près d’un an après le suicide du chanteur iconique Ian Curtis (Le 18 Mai 1980) et la fin de son groupe, Joy Division, métamorphosé en New Order, même si la mue serait longue…

Il s’agissait donc de découvrir un album posthume, après la mort d’un jeune gars de 23 ans. La vision tout d’abord : une pochette mortuaire aussi énigmatique que lacunaire, signée bien sûr Peter Saville. L’écoute ensuite. Aux constantes de leur univers sonore UNIQUE à l’époque – la basse aiguë et mélodique de Peter Hook au premier plan, les guitares cisaillantes de Bernard Sumner – sans références au Blues ! -, la batterie implacable et hypnotique de Stephen Morris -, les gars ajoutaient ci et là dans ce deuxième essai des éléments électroniques à base de percussions et de synthés minimalistes, jouant aux apprentis Kraftwerk, l’un de leurs modèles.
Joy Division – Isolation – Closer (1980)
Et il y avait la voix de Ian Curtis. Cette voix qui évoquait pour les novices, Jim Morrison, une idole du tourmenté Ian, et qui progressivement dans l’album, de face en face, semblait se détacher des notes et des mots, comme déjà ailleurs… Le tout était sublimé par la production inventive de Martin Hannett, froide et distanciée. Pour quelques-uns et quelques-unes, dans ces premiers mois de la décennie 80, ce fut une expérience sans équivalence.
Joy Division – Passover – Closer (1980)
Il n’est pas aisé d’écrire sur un tel disque. Bien sûr, les livres et les articles fourmillent maintenant sur Joy Division, dont les autobiographies de ses membres. Ayant déjà ferraillé sur le Double Blanc des Beatles et In Utero de Nirvana, Palem Candillier s’avère un habitué de la collection Discogonie (1 livre = 1 album) et de ses rituels : présentations du groupe, de l’enregistrement, analyse des titres par face et de la pochette… On le sait aussi musicien. Sa narration claire et précise synthétise donc ses différentes sources, malgré quelques doutes (Les Smiths influencés par Joy Division ?…).
Joy Division – A Means To An End – Closer (1980)
Les musicologues seront sensibles à son apport personnel dans l’approche détaillée des compositions – dont également Love Will Tear Us Apart finalisée au même moment – tandis que les dingos du son – parfois les mêmes – s’étonneront sans doute avec envie des mystérieuses manipulations de Martin Hannett. Plus près du cœur, Palem Candillier tente aussi une introspection des textes de Ian Curtis, rappelant ses lectures et ses troubles : l’épilepsie et les effets des médocs, la dissonance de sa vie amoureuse et son spleen. Le mystère de Closer, ce chef-d’œuvre mélancolique, est-il entièrement dévoilé ? On vous laisse juge après la lecture de cette nouvelle belle facture de Discogonie.
Joy Division – Decades – Closer (1980)
Bruno Polaroïd
Joy Division : Closer de Palem Candillier – Collection DISCOGONIE – Éditions Densité (Leur site) – 160 pages – 12,90 Euros – Disponible depuis le 13 Novembre 2025












