PETER GABRIEL : son deuxième album

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Les déchirures.

Scratch Gab par POUP
Scratch Gab par POUP

On doit bien avouer qu’on a un faible, un penchant, pour les albums maudits, ceux que les docteurs en esthétique rock, le public, voire leurs créateurs eux-mêmes rejettent, négligent, désacralisent, de quelques lignes ou de quelques mots assassins.
Ainsi le deuxième LP de Peter Gabriel, paru en Juin 1978. Succédant à son triomphal premier album solo en 1977, celui remportant tous les suffrages et pas que des concessionnaires automobiles, cette nouvelle collection encore anonyme rencontrera donc quelques bouderies et incompréhensions. En confiant sa production à Monsieur King Crimson, Robert Fripp, déjà présent sur le disque précédent et lors des concerts, Gabriel opte courageusement pour l’aventure, c’est l’aventure, plutôt que le confort d’un nouveau fauteuil sonore luxuriant de Bob Ezrin. La pochette et ses griffures / déchirures – réalisée par Hipgnosis -, d’où le surnom de « Scratch album », sont bien sûr emblématiques de cette décision.

Peter Gabriel – On The Air – Peter Gabriel (1978)

Et pour cause ! Lors des enregistrements en Hollande et du mixage à New-York, le Fripp bouscule le chanteur dans ses longues hésitations et maniaqueries, délaissent les arrangements grandiloquents et les effets grandioses – pas ou peu de réverb par exemple, d’où ce son qualifié de sec -. On se rapproche aussi d’une production à la Bowie – période Heroes, où joue d’ailleurs Fripp -, surtout pour les sonorités de batterie et le traitement de la voix.

Peter Gabriel – D.I.Y. – Peter Gabriel (1978)

Peter Gabriel lui-même s’entoure de nerveux du manche, des baguettes et des claviers : les fidèles Larry Fast / Synthés, Tony Levin / Basse et Stick Bass, plus les nouveaux Jerry Marotta / Batterie et Sid McGinnis / Guitares, pedal steel guitar. En bonus Roy Bittan du band de Bruce Springsteen, le saxo Tim Cappello, Todd Cochran pour quelques claviers, George Marge à la flûte, et évidemment le Robert à la zébrure électrique de Gibson Lespaul noire et quelques frottements acoustiques. Certains d’entre eux accompagneront le chanteur pendant la première partie – la plus expérimentale – des années 80 – Larry Fast, Jerry Marotta ou le suivent encore, Tony Levin.

Peter Gabriel – White Shadow – Peter Gabriel (1978)

En résulte un recueil délibérément dans l’atmosphère de 1978. Son montage oscille entre essais vaguement New Wave – On The Air et son énorme solo de fuzzbass, le slogan D.I.Y., un des credo de la Nouvelle Vague -, rocks ou ballades mi Bowie mi Boss Perspective, Animal Magic, Home Sweet Home  -, recherches de merveilles inédites – Mother of Violence, White Shadow, Indigo, Exposure aux Frippertronics obsessionnels – et pistes espiègles – A Wonderful Day In A One-Way World ou inabouties – Flotsam And Jetsam -.

Peter Gabriel – Exposure – Peter Gabriel (1978)

Un paradoxe, sur certains thèmes, les plus acoustiques, on détecte encore des réminiscences de Genesis, dans les développements et l’approche vocale, à l’instar de Indigo ou Mother Of Violence, coécrite avec sa femme Jill, signes stylistiques que la mue n’est pas achevée.

Peter Gabriel – Mother Of Violence – Peter Gabriel (1978)

Et bien sûr, il y a la voix et les textes uniques de Peter Gabriel ! A noter, pour les vinyles-maniaques, la première version française du disque offre un encart avec la traduction des paroles, preuve s’il en est encore, de la relation particulière de Gabriel avec ses fans.

Peter Gabriel – Indigo – Peter Gabriel (1978)

Mozo is here !

En 1978, les esthètes et le public hésiteront cette fois pour les superlatifs, avec ce Numéro 2 sans véritable morceau étendard, hormis D.I.Y. qui marchera pas mal en France. La tournée de promotion enfoncera le clou d’un net rapprochement avec l’après Punk, le groupe arborant des tenues de chantier fluo, et un Peter Gabriel Mozo – citation de On The Air – aux cheveux encore plus courts, retrouvant l’agressivité et les émotions du Rael échappé des quartiers glauques de The Lamb Lies Down On Broadway, titre d’ailleurs qu’il reprendra en rappel.

Peter Gabriel – The Lamb Lies Down On Broadway Live At Rockpalast (1978)

Quant à Robert Fripp, requinqué, il envisagera cet album comme l’une des trois pièces d’un triptyque. Celui-ci comprenant également sa collaboration avec le chanteur américain Daryl Hall – du duo Hall & Oates – et son futur disque solo de 1979, sur lequel figurent une réinterprétation de Exposure plus une magnifique version dénudée, sans les velours du Car Album, de Here Comes The Flood avec la voix déchirante de qui vous savez.

Robert Fripp & Peter Gabriel – Here Comes The Flood – Exposure (1979)

Pour conclure, ce Peter Gabriel II, album de transition méconnu ou dédaigné, avec ses faiblesses mais aussi ses pépites, de même que son interprétation scénique, anticipent une métamorphose encore plus radicale de l’artiste deux ans plus tard, dans son troisième volume. C’est le moindre de ses mérites.

Peter Gabriel – Perspective Live At Rockpalast (1978)

 

Bruno Polaroïd – Illustration par POUP

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