JONATHAN WILSON : Eat The Worm (2023)

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Ver de bohème

Jonathan Wilson
Jonathan Wilson en 2023

Le précédent opus du Californien Jonathan WilsonDixie Blur en 2020 – nous avait laissé perplexes. Lui qui nous avait habitués à déballer un univers fantasque et baroque allant de Pink Floyd à Neil Young en passant par Peter Gabriel (Lire notre article : JONATHAN WILSON : Hippie un jour…), renouait avec la tradition et les chansons plus country de son enfance. Alors que cette année, le chanteur / guitariste / multi instrumentiste et producteur joue encore les doublures du frère ennemi Gilmour dans le Barnum de Rog Waters, il expose son cinquième album : Eat The Worm.

Toujours aussi productif, il avance un nouveau double LP en vinyle comptant 13 chapitres (12 pour la version CD). Cette fois s’affichent au générique le bassiste Jake Blanton (The Killers) et pour les cordes et cuivres : CJ Camerieri (Bon Iver), Rita Andrade (Kanye West), Wynton Grant (Miley Cyrus, Hans Zimmer), Paul Cartwright (Lana Del Rey, Mary J. Blige). Le Jonathan assure lui les guitares, les claviers et la batterie. Quant à la pochette, elle présente un curieux dompteur de ver géant à deux têtes…

Eat The Worm de J. Wilson
Eat The Worm

Façon puzzles

L’entame Marzipan déjà dévoilée il y a quelques mois rassure le fan club : une mélodie mélancolique au piano, avec une accroche à la Erik Satie, et des balayages de batterie. La voix, toujours aussi belle, cherche l’intimité, au chuchotement près. Des trames de violons puis une soudaine montée orchestrale des cuivres retrouvent les audaces de Fanfare et Rare Birds, les disques les plus éclatés du bonhomme. Mais ses guitares folks et surtout saturées se font plus discrètes, comme le précise le sieur :

« Il y a beaucoup d’expérimentation, et presque aucune des chansons n’a commencé avec une guitare. Je voulais vraiment quelque chose qui sonne frais et nouveau. »

Jonathan Wilson – Marzipan – Eat The Worm

La seconde plage – Bonamossa – le confirme, Wilson retourne à ses compositions façon puzzles diraient nos Tontons Flingueurs. S’entrecroisent Une séquence électronique de boîte indus, des voix en chœurs, des échanges instrumentaux évoquant le chef-d’œuvre de Robert Wyatt en 1974, Rock Bottom. Le vaporeux Ol’ Father Time suit le même dérèglement des sens, et toujours – c’est une autre constante ici – sur un rythme plutôt lancinant.

Ol’ Father Time

Hollywood Vape commence telle une ballade acoustique, ponctuée d’un pont électronique à la sonorité inouïe pour s’achever dans un fracas heavy et cauchemardesque. Dans The Village Is Dead, sur un tempo plus enlevé, soutenu par sa belle section de cordes, le musicien nous conduit des collines de L.A aux trottoirs de New York, pour y rencontrer le cultissime Moondog, grand prêtre de la déglingue en Musique.

The Village Is Dead

Si la paire Wim Hof et Lo And Behold en revient aux folkeries, l’une rappelant le Blue Bird de McCartney période Wings, l’autre, toute en violonades, les chants mélancoliques du regretté Nick Drake, la huitième plage de ce périple aborde un autre temps, un autre lieu et un autre personnage : Charlie Parker. Ce long titre à tiroirs expose tour à tour interventions de saxophone – samplées ? – et un vrai solo de Fender, enfin. Le Californien le décrit lui-même :

« Une envolée fantastique et fictive avec de l’imagination et de la fantaisie. Il couvre Boston des années 1980, la Caroline du Nord du début des années 1900 et un festival de jazz européen du début des années 2000. Cela évoque également les hauts et les bas de ma vie au cours de la dernière décennie en tant que musicien en tournée. Il est rempli de cordes, de cors, de guitares floues, de cloches tubulaires et de quelques éléments bebop, d’où son nom. D’une certaine manière, le morceau Charlie Parker englobe ce qu’est le nouvel album : l’aventure, la fidélité et le plaisir.»

Charlie Parker

Le romantisme d’Hey Love adopte des couleurs en cinémascope alors que B.F.F s’avère classieux. Puis l’ombre de Roger Waters en plein spleen plane sur East L.A. On n’est pas très loin de certains des principes d’écriture de Pink Rog depuis The Final Cut : l’omniprésence du piano et des montagnes orchestrales avec quelques guitares slide en final, la paranoïa mégalomaniaque exceptée.
Enfin, le voyage se conclut en majesté par le somptueux Ridin’ In A Jag. On regrettera peut-être dans Eat The Worm l’absence de thèmes plus électriques, lorsque le guitariste branche la fuzz et les amplis à 11 et ose s’aventurer sur les territoires soniques d’un Young ou d’un Gilmour. Mais Jonathan Wilson souhaitait renverser les routines, un espoir récompensé par cette bohème onirique et quelque peu somnambule.

Ridin’ In A Jag

Jonathan Wilson – Eat The Worm / BMG – double vinyle ou CD

Paru le 8 Septembre 2023

Bruno Polaroïd

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