THE STRANGLERS : Golden Brown

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Une ritournelle en or…

The Stranglers
The Stranglers : Jean-Jacques Burnel au 1r plan, Jet Black, Hugh Cornwell, Dave Greenfield

Cette ritournelle de Dave Greenfield, personne n’y croyait. Ça faisait un bout de temps que le claviériste iconoclaste essayait de la refiler aux trois autres gars pour un arrangement de morceau, en vain. Et pourtant…

LES PASSIONS DÉRAISONNABLES

Mi 1981, les Stranglers travaillent sur leur sixième album, le futur La Folie. L’humeur est à la résilience. Leur précédent opus, qu’ils pensaient devenir leur Grand Œuvre – The Gospel According To The Meninblack – s’est écroulé dans les Charts et dans l’estime des critiques. Ce disque particulièrement ambitieux et coûteux présentait à la fois avec inquiétude et humour noir (Évidemment !), leur vision paranoïaque de notre monde et de son histoire, contrôlés par des entités extraterrestres, les fameux Meninblack. Malgré certains titres qui sont devenus des classiques – Thrown Away, Just Like Nothing On Earth ou la Waltzinblack (Tiens donc…) qui ouvre encore leurs concerts -, cet LP n’a pas trouvé son public sauf chez les ultras. Le clavier Dave Greenfield a bien sûr encore imprégné ces morceaux de son style inimitable et innovant entre Ray Manzarek, Jon Lord et Kraftwerk !

The Stranglers – Just Like Nothing On Earth – The Gospel According To The Meninblack (1981)

L’échec du disque et une accumulation de mauvais coups du sort – décès, vol d’équipements, contrats bidons, affaire de Nice… – plus la prise régulière d’héroïne, au moins par le chanteur / guitariste Hugh Cornwell, renforcent les tensions dans la bande. Des crispations qu’il faut pouvoir surmonter avec le nouveau projet d’album, un recueil sur les passions déraisonnables…

CRÉATIF ET EXCENTRIQUE

Lors d’une séance de recherche, Dave joue à nouveau cette suite d’accords sur un balancement inhabituel. Cette fois, Cornwell la remarque. Les deux y travaillent. En quelques heures, le thème se dessine. Jet Black, leur redoutable batteur, cautionne et entame sur ses fûts une valse quelque peu déglinguée mélangeant trois temps et quatre temps comme chanterait Brel
L’idée géniale sera évidemment d’user d’un véritable clavecin, une trouvaille inévitable de la part d’un claviériste aussi “créatif et excentrique”, les superlatifs de Cornwell sur Dave Greenfield.
Le guitariste ajoute un solo énigmatique dont il a le secret, c’est l’un des guitaristes les plus originaux du Rock et aussi l’un des plus sous estimés. Mais bizarrement, Jean-Jacques Burnel, le karatéka de la basse New Wave, ne participera pas au morceau, Dave finalement assurant aussi les basses au synthé (Sur scène, JJ le jouera “au pouce” comme il dit.). En tout cas, c’est ce que raconte Hugh Cornwell dans ses souvenirs de la chose…

Car le Jean-Jacques a d’autres réminiscences. D’après le bassiste, lors des sessions de La Folie, Hugh et lui-même en ont marre de composer seuls les chansons de l’album. Ils obligent donc Dave Greenfield et Jet Black à bosser à leur tour dans leur coin pendant que les deux premiers vont s’en jeter une ou deux au pub. Résultat de la colle des deux punis, il en ressort une longue pièce de musique progressive en plusieurs parties. Consternation des guitaristes ! Mais dans le long monument se détache une suite d’accords au clavier que les zigues remarquent… Et oui, la fameuse ritournelle de Golden Brown !

UNE EXPRESSION MASQUÉE

Quels que soient les témoignages, Hugh Cornwell finit par écrire les paroles, un texte ambigu, quasiment baudelairien où il mêle habilement allusions à l’héroïne – le Brown – et hommage à sa belle copine de l’époque, à la peau ambrée – Golden -.

Golden brown, texture like sun
Lays me down, with my mind she runs
Throughout the night
No need to fight
Never a frown with golden brown

Every time just like the last
On her ship tied to the mast
To distant lands
Takes both my hands
Never a frown with golden brown

Golden brown, finer temptress
Through the ages she’s heading west
From far away
Stays for a day
Never a frown with golden brown

Never a frown (never a frown), never a frown
With golden brown (with golden brown), with golden brown…

Rappelons que les 4 en noir avaient déjà usé de cette ficelle pour leur autre ode à la piquouse, le fameux Don’t Bring Harry susurré par Burnel en Angliche mais aussi en Français à l’époque de l’album The Raven (1979). Le Harry cachait une expression masquée sur l’héroïne… La musique des plus raffinées et très doorsienne annonçait le baroque de Golden Brown.

N’Emmenes Pas Harry – The Raven (1979)

Et puisqu’on en est aux mots, comment ne pas signaler l’excellence du chant de Hugh Cornwell – également l’un des meilleurs chanteurs de l’époque -, sa ligne mélodique et le travail sur les chœurs de Dave et JJ en conclusion. L’ensemble instrumental et vocal s’affiche déjà exemplaire.

Le célèbre producteur Tony Visconti (T.Rex, Bowie, Iggy Pop…) participe à la finition de l’album. Lui ne croit pas en cette chanson trop atypique pour le style des Stranglers. Alors de là à en faire un single… C’est pourtant ce que commencent à penser les gars et surtout le tambour major Jet Black, persuadé qu’on tient là un Hit. Bref, le Tony bichonne quand même le thème au cas où…

Album cover
The Stranglers : LP La Folie

L’excellent album des Stranglers La Folie paraît en Novembre 1981 avec en extrait étendard le décapant et ironique Let Me Introduce You To The Family. Sous l’insistance de Jet Black et des trois autres, leur maison de disque EMI, toujours réticente, sort finalement le 45 tours Golden Brown d’abord en catimini pendant les Fêtes de fin d’année puis à nouveau en Janvier 1982…

Golden Brown – La Folie (1981)

C’est là que la légende dorée de la chanson apparaît, car single ou pas, les auditeurs de l’album et d’ailleurs les DJ des radios ont remarqué ce beau titre intrigant alors que la critique s’en bat l’œil et même les deux oreilles… Ainsi, il atteint la 2e place des Charts anglais en Février 1982 puis devient disque d’or. Une première fois pour les Stranglers
Depuis, Golden Brown, la création musicale de Dave et Jet, aidés de Hugh est devenue un classique populaire et un moment phare, tel un rituel, de chaque concert des Hommes en Noir. Une ritournelle en or…

Et comme précise Jean-Jacques Burnel au sujet de son titre préféré des Stranglers :

“Golden Brown, malgré sa sur-diffusion, c’est intemporel, ce clavecin, cette mélodie quasi celtique, ce solo de guitare planant, ni punk, ni new-wave, sans âge, j’en ai toujours les poils qui se hérissent…”

Golden Brown Live In Manchester (2014)

 

 

 

Pour Dave Greenfield, victime du Covid, parti le 3 Mai 2020 au Paradis des claviéristes.

Dave Greenfield
Dave Greenfield 1949 – 2020

Bruno Polaroïd (Merci à JF)

PS : En 2020, un YouTubeur a eu la curieuse idée de rendre hommage à Dave Greenfield en collant une version instrumentale perso de Golden Brown sur des images du jazzman Dave Brubeck jouant Take Five en 1964. Le problème, c’est que certains – surtout en France – pensent maintenant que les Hommes en Noir ont repris un titre de Brubeck ! Faut-il en rire ou en pleurer ? A une époque, JJ Burnel a ligoté Philippe Manœuvre à la Tour Eiffel pour moins que ça…

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