L’histoire d’un groupe “Enraciné” dans le rock français
Au cœur du sud-ouest, sur une scène rock toujours plus active, Yvard cultive un métal frenchy, totalement assumé sur son nouvel EP « Enraciné ». On connaît tous le syndrome du rock français. Le complexe du corn-flakes, comme dirait Matthieu Chedid, a tué dans l’œuf bien des vocations. Soyons honnêtes, rares sont les groupes trouvant grâce à nos oreilles parmi ceux pratiquant la religion du King dans la langue de Molière. Shakespeare règne sur le rock comme il a régné sur le théâtre moderne. Il faut donc du courage et beaucoup de conviction pour persister à couvrir un riff de guitare électrique avec une prose française. Yvard, groupe de Bordeaux, s’en est fait une spécialité, qu’ils revendiquent sans vergogne.
Car au fond, on le sait bien. La langue délivrée par le rock importe peu, tant qu’elle atteint son but, et qu’elle vient des tripes…
Yvard – O Marianne
Si l’écho de Trust et Noir Désir se fait entendre, c’est par le biais du métal sociétal pour le premier, et celui d’un héritage légitime du rock de la côte ouest pour le second. Les sonorités électro viennent donner à Yvard, une richesse sonore très personnelle. Après un premier EP (Vue d’ici), publié sous une mouture élargie en 2016, le groupe délivre une seconde galette en 2020, intitulée « Enraciné ». Ancré dans le troisième millénaire, Yvard est désormais un combo à deux têtes.
David M.Thurisaz (chant et guitare), et Kris Yera (basse, samples), deux amis d’enfance ayant parcouru le monde, après avoir baigné dans le courant alternatif de Bérurier Noir et des Garçons Bouchers. Ils se retrouvent à point nommé, au carrefour de leurs pérégrinations respectives.
Le second dessine des paysages sonores, parfois apocalyptiques, épousant les riffs acérés du premier, et illustrant parfaitement son verbe acerbe et désenchanté.
Yvard – Jana
Yvard pratique un rock généreux. Le message limpide de David Thurisaz n’est pas nombriliste, ni moralisateur. Avec une empathie évidente, il se fait la voix du désespoir et de la souffrance d’un peuple ayant perdu ses illusions. Il prône l’enracinement culturel comme un mode d’introspection. Dans le but d’adoucir les plaies des démunis, victimes de la guerre, des conflits d’intérêt, de l’injustice, de l’exil. Mais aussi de troubler le sommeil paisible des puissants…
Yvard – Le roi s’endort
Sur des instrumentaux sombres, allégés par des percussions électroniques, la poésie viscerale et réaliste du chanteur déroule un tapis noir, carte postale grisonnante aux reflets métalliques de notre époque. C’est le cœur meurtri de plusieurs générations qui bat dans ce second EP.
L’overdose « guerre, Covid, stress et pognon« , donnant naissance à un nouveau genre de rock hexagonal, chromé, habité et expiatoire, « Enraciné » se place à l’avant-garde de ce courant. Et Yvard, en amont.
Serge Debono
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