Un album célébrateur de vie
Publié en novembre 2005, Aerial est l’album de Kate Bush ayant connu la plus longue période de gestation. Il aura fallu douze ans à la Sorcière du Son, pour retrouver le goût de la création, et le chemin des studios. Le temps nécessaire pour mettre au monde et élever son unique enfant, sa nouvelle source d’inspiration.
En 1993, après la sortie de The Red Shoes, son septième album, Kate Bush vit recluse dans sa maison du Kent, en compagnie du guitariste Danny McIntosh. Elle qui a toujours gardé ses distances avec les médias, fuit maintenant la presse et les photographes comme la peste. Elle passe son temps devant la télé, à visionner des films, ou à dormir. Hormis cet enregistrement pour une compilation de chansons traditionnelles irlandaises, elle cesse tout travail musical durant quatre longues années…
Kate Bush – Mna na heireann
Elle fait également une apparition sur scène, en 2002, aux côtés de son mentor, le guitariste et compositeur David Gilmour. Kate décide alors de changer d’air et s’installe sur la côte, dans le sud de l’Angleterre. L’inspiration revient. Elle écrit ce titre en 1996, en hommage à Elvis Presley et au film Citizen Kane, sans savoir qu’il lui faudra neuf ans, avant d’en faire l’ouverture de son prochain album…
Kate Bush – King of the Mountain
En effet, à ce moment précis, Kate est sur le point d’entamer sa plus longue et plus belle création. Albert, son fils. Elle décide de se consacrer à lui corps et âme. Seulement, sa muse est tenace, et profitant du passage de certains de ses musiciens à son domicile, elle effectue quelques prises au fil du temps.
Aerial, un retour attendu
Finalement, en 2005, elle revient à la musique avec un double-album baptisé Aerial. Un visuel célébrant en apparence l’union du ciel, de la mer… et du chant des oiseaux. En réalité, il s’agit d’une image de l’onde produite par le chant d’un merle. Une pochette de miel où pour la première fois, son visage n’apparaît pas.
Kate Bush – How to be Invisible
Une œuvre conceptuelle scindée en deux, et teintée d’influences diverses évoquant ainsi l’album Hounds of Love dans son élaboration. Sur une toile de fond dominée par le piano et les sonorités électro, on retrouve des éléments classiques, traditionnels, rock, et même flamenco.
Kate a retrouvé l’envie, cela se traduit par un premier volet plus pop, nommé A Sea of Honey, dans lequel en plus de King of Mountain, émergent des compositions aussi enlevées et inspirées que Bertie. Une sublime berceuse moyenâgeuse dédiée à son fils, où la voix toujours céleste de Kate, se mêle au son d’une viole et d’une guitare renaissance…
Kate Bush – Bertie
Le deuxième volet intitulé A Sky of Honey présente des titres plus instrumentaux et dépouillés. Même si on flirte avec la musique expérimentale, le ton est résolument optimiste comme sur le titre Sunset, dont le final en crescendo, non sans rappeler ses premiers opus, est gorgé de soleil…
Sunset
Les chants d’oiseaux peuplent l’album. Tantôt authentiques, tantôt imités par Kate Bush elle-même. D’ailleurs, cet oiseau traversant Aerial et déployant ses ailes sur le second volet, c’est elle, la petite sorcière injustement louée pour son physique et ses tubes.
Si son œuvre était pourtant d’une étonnante maturité dès ses premiers albums, jamais elle n’était parvenue à éclipser avec tant de force son image publique. Coincée entre l’artiste géniale et la star des hits parades à la voix haut perchée, elle brise de manière radicale et définitive, la cage dorée de la célébrité.
Somewhere in Between
Elle conclut ce second volet par un titre éponyme audacieux. Sa dimension aérienne n’est pas fortuite. On réalise avec bonheur que l’ingénieux rossignol ne s’est pas éteint avec The Red Shoes. Aerial voit l’envol d’un oiseau de grande envergure. Majestueux, il sillonne le ciel tel un phénix flamboyant.
Aerial
Les ventes dépassent très vite le million d’exemplaires. A son grand étonnement, Kate Bush réalise qu’elle est devenue une artiste culte pour plusieurs générations d’auditeurs.
Elle consacre les trois années suivantes à remastériser ses titres parus sur les albums The Sensual World et The Red Shoes, dont elle n’a jamais été réellement satisfaite. Ils paraissent à nouveau lors de l’année 2011, sur un disque intitulé The Director’s Cut.
Serge Debono