Kozmic Blues, le coup de soul de Janis Joplin

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Les enregistrements de Janis Joplin sont rares et précieux. « I Got Dem Ol’ Kozmic Blues Again Mama » publié en septembre 1969, fut quelque peu boudé au fil du temps. Il révèle pourtant aujourd’hui, une oeuvre aboutie, très élaborée, et mettant en avant la fibre soul de l’artiste.

Kozmic Blues naît d’un désir d’indépendance.

Janis Joplin s’envole en solo au début de l’année 1969.

Janis

La séparation de Big Brother & Holding Company est officialisée depuis seulement décembre, que ses talents sont déjà sollicités. En février, elle fait notamment forte impression dans le Tom Jones TV Show

Janis Joplin & Tom Jones – Raise Your Hand

Bien que son premier album, Cheap Thrills, soit très populaire chez les adeptes de rock psyché, il représente avant tout le travail d’un groupe (The Big Brother & Holding Company). Force est d’admettre qu’il n’existe donc, que deux albums solo de la grande Janis. “Pearl” est une publication posthume emportant souvent les suffrages chez les fans, grâce à quelques titres forts (Me & Bobby McGee, Mercedes Benz). Reste donc son unique album solo paru de son vivant, le mal aimé « I Got Dem Ol’ Kozmic Blues Again Mama”.

Nouvel orchestre et premier album solo

Pochette Janis & Kozmic Blues

Si cet opus a pu décevoir, c’est en premier lieu par son orientation musicale. La majorité des fans de la chanteuse étant adepte de rock psychédélique, on imagine que son influence soul-blues très marquée ait pu les dérouter. Pourtant, à l’écoute des titres devenus des standards, tels que “Maybe” ou “Try ( just a little bit harder)”, on réalise que le genre s’accorde parfaitement à son profil de virtuose. La maîtrise technique de Janis Joplin est alors sublimée par l’exaltation des sentiments…

Janis Joplin – Try (Just a Little Bit Harder)

La majeure partie des titres sont des reprises choisies par Janis et son producteur, Gabriel Mekler. Excepté « One Good Man » et « Kosmic Blues », tous deux signés par la chanteuse. Sur le premier, tandis que le guitariste Mike Bloomfield appelé en renfort fait parler sa science du blues, Janis semble totalement dans son élément…

Janis Joplin – One Good Man

Sa faculté à se muer en chanteuse de soul, genre encore réservé à la communauté noire, ne souffre d’aucune contestation. On peut quand même regretter que le mixage ait parfois noyé son merveilleux organe sous des couches excessives de cuivres. Certains titres laissent un goût d’inachevé…

Janis Joplin – Kosmic Blues

https://www.youtube.com/watch?v=nLN72sR9w0M

Bien sur, quand j’évoque un album boudé, je me dois de préciser qu’à sa sortie, il atteignit la cinquième place du Billboard américain. En réalité, c’est sur la durée, au fil des décennies qu’il semble avoir été délaissé au profit de ses deux homologues. Le syndrome de l’enfant intermédiaire sans doute…

Le coup de blues de Janis

Janis Joplin - Kozmic Blues

Malgré quelques excès de polissage, la production est d’excellente qualité, et les interprétations de la cantatrice sont inspirées. Quant au Kozmic Blues Band, même s’il ne possède pas la spontanéité du son garage et le vécu du Big Brother, son professionnalisme est à la hauteur de ce qu’on peut espérer pour une artiste de ce niveau. Alors pourquoi ce sentiment de mélancolie nous étreint-il immanquablement à l’écoute de « I Got Dem Kozmic Blues Again Mamna » ?

Janis Joplin – Little Girl Blue

Il faut dire que sans ses amis texans, bien que mise en vedette, Janis semble esseulée. Alors que sa notoriété croissante aurait dû apaiser sa soif de reconnaissance, au cours de l’année 1969, elle retombe dans les griffes de ses vieux démons.

« Sur scène, je fais l’amour à 25000 personnes et, ensuite, je rentre seule chez moi »

Au mois d’août, son passage au Festival de Woodstock est encensée. Pourtant, se sachant sous l’emprise de l’héroïne, Janis juge sa prestation insuffisante, et refuse d’apparaître sur le disque du festival, ainsi que dans le film de Michael Wadleigh.

To Love Somebody (Live at Woodstock)

Heureusement, sa dépression et l’addiction qu’elle engendre n’altère en rien ses prestations, ni son goût pour la création. En studio par exemple, son implication ne faiblit pas. Soutenue par  Sam Andrew, son compère du Big Brother, mais aussi par des pointures comme Mike Bloomfield, une horde de claviéristes référencés (Steppenwolf, Santana) et une prestigieuse section de cuivres, la “screameuse” atteint encore des sommets de technique vocale.

La musique au dessus du reste

summer time

 

Comme sur ce titre qui n’est pas sans rappeler Otis Redding, une des grandes sources d’inspiration de Janis. Si elle excelle de professionnalisme sur la version studio, écoutez donc ce live enregistré à Stockholm en tout fin d’année 1969. Lumineux est un mot bien trop faible pour une interprète aussi brillante…

Janis Joplin – Work Me Lord

Après ça, on peut se demander comment une oeuvre aussi riche a pu être délaissée au fil du temps. Mais comment ne pas attendre l’extraordinaire, “le merveilleux”, de la part d’une chanteuse si exceptionnelle ? D’ailleurs les regrets éprouvés par ses fans sont souvent inhérents à la rareté de ses œuvres.

« Vous savez pourquoi nous sommes bloqués avec le mythe que seul les noirs ont de la soul ? Parce que les blancs ne s’autorisent pas à ressentir les choses »

Bien qu’imparfait, « I Got Dem Ol’ Kozmic Blues Again Mama » demeure le seul témoignage soul de l’artiste. Mais surtout, quand un tel talent s’éclipse après seulement trois albums, on ne boude pas son plaisir. On déguste chaque note, et on laisse les critiques à leurs vaines comparaisons.

Serge Debono

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