«Ma grande passion, à part les parfums, les juke-boxes, les voitures et les 78 tours de blues, c’est le son», aime à rappeler le chanteur Christophe.
Né Daniel Bevilacqua, ce brouilleur de pistes qui s’est toujours distingué en marge du showbiz (« Avec le temps, je me suis amélioré aux boules, mais pas dans le showbiz »), et de cette chanson française qui le propulse dans la lumière en 1965. Une chanson qui reste à jamais le tout premier «slow de l’été» vendu à plus de 1 million d’exemplaires : Aline.
Christophe : Aline
Christophe a alors 20 ans. Avant ce hit et un premier LP en 1963 (Reviens Sophie), le gamin de Juvisy faisait le bonheur des invités des dimanches en famille en chantant du Brassens, avant de découvrir par hasard à la radio un morceau déterminant pour l’artiste en devenir : « Lonely Avenue » de Ray Charles.
Passionné par le Blues
Une passion pour le blues qu’il chante en 1996 dans le titre « Label Obscur » (Album Bevilacqua). Il vient alors de se faire rouler de 25 000 francs de l’époque, en pensant acheter près de trois cent 78t de blues qu’un collectionneur américain met en vente pour payer son divorce et dont il ne verra jamais le moindre début de sillon… !!!!
Ray Charles donc, mais aussi Presley et Cochran, vont le lancer dans l’aventure de Dany Baby et les Hooligans, qui de Jouy-en-Josas au Golf Drouot, va lui faire rencontrer Barclay… Mais Christophe, qui tient ce nom du saint-Christophe offert par sa grand-mère à l’époque de sa passion pour les grosses bagnoles qui roulent très vite, est un rebelle qui va enchaîner les hits – les Marionnettes, La Dolce Vita, Succès fou – et multiplier les éclipses, comme celle de la fin des années 60, quand il découvre le monde du cirque et se lie d’amitié avec Alexis Gruss.
Décennie 70 …
La décennie 70 sera riche depuis Les Paradis Perdus (73) à Samouraï (76), travail collectif avec le grand Boris Bergman qui partira bientôt faire les beaux jours et beaux textes de Bashung. Sans oublier les Mots Bleus(74), et ce qui reste son album rock le plus audacieux, le Beau Bizarre de 1978.
Les Mondes de Christophe s’entrechoquent, de Jarre à Chet Baker, de Barbelivien à Gary Numan et Krafwerk, mélange savant de dandy et de gitan, à la fois érudit et populaire, pote avec beaucoup et surtout ami avec Alan Vega qu’il définit ainsi :
«Mon Dieu, mon idole. Voilà un type qui a su mélanger mes deux passions : le Rock’n’Roll, donc le Blues, et les machines».
Après une autre éclipse durant les années 90, durant laquelle il va continuer à s’intéresser à tout ce qui se fait de novateur.
« Je vais chez les disquaires, je fouine, je demande des conseils »
Il réapparaît avec le décalé Bevilacqua en 96.
et le magnifique Comme si la Terre penchait en 2001.
Bien loin de sa réputation de chanteur à midinettes qui lui colle à la peau pour quelques énormes succès commerciaux dans la lignée de son premier hit, ce perfectionniste, capable de passer une année à bosser sur le son d’une partie de batterie, retrouve les louanges de la critique avec Les Vestiges du Chaos en 2016. Le quinzième et dernier album de Christophe rend un superbe hommage à Lou Reed. (« Lou »), dont on entend la voix enregistrée lors d’une interview de 2001. Un disque qui marque une nouvelle collaboration avec Alan Vega (Suicide)…
Christophe et Alan Vega : Tangerine
Pour l’anecdote, Christophe est également collectionneur de grands films. Ce que n’ignorait pas Henri Langlois, le directeur de la Cinémathèque française, à qui il prêta un jour une copie originale de La Strada de Fellini, petit clin d’oeil s’il en est à une autre référence Fellinienne qu’il chanta si bien : « la Dolce Vita »…
Christophe – La Dolce Vita
Enfin, à un journaliste de Vogue venu un jour l’interviewer sur sa chanson et son artiste préféré de tous les temps, il répondit : «Aline, par Christophe».
Et de rajouter :
«Il avait l’air surpris. Mais merde, quoi, c’est pas de la prétention. J’ai écrit cette chanson à 20 ans, elle m’a ouvert à la vie. Comment veux-tu que j’aille en choisir une autre? Il faudrait être maso, le roi des cons pour prétendre le contraire!». Une belle lucidité pour ce Beau Bizarre qui, confie-t-il, «aime les gens, les rencontres, la simplicité. C’est pour ça que j’aime tant jouer aux boules».
Denis Chofflet
Une pluie d’hommages émouvants s’est abattue sur la toile depuis la disparition de Christophe ce 16 avril 2020… Parmi ces nombreux témoignages, une petite sélection non exhaustive :
Richard Kolinka et Philippe Torrenton, de jardin à jardin, pendant le confinement (Avril 2020)
Mathieu Cheddid : Les mots bleus (at home)
Jean-Louis Aubert : Les mots bleus (At Home)
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