En 1971, Pink Floyd publie l’album Meddle.
Ce dernier marque un tournant vers une oeuvre plus linéaire, et une étroite collaboration entre Roger Waters et David Gilmour. C’est le début d’une grande décennie pour le groupe. Par la suite, avec The Dark Side of the Moon, Wish You Were Here, Animals et The Wall, les chefs d’oeuvre vont se succéder.
Les Pink Floyd entrent en studio en janvier 1971 avec un idée en tête. Les séances habituelles ne leur suffisent plus, ils souhaitent avoir un accès illimité aux locaux de EMI Records afin d’empiler les démos et les échantillonnages, et ainsi élaborer un tout nouvel album concept.
Une oeuvre de laboratoire
Le groupe obtient gain de cause auprès de sa maison de disques. Celle-ci lui permet d’utiliser les studios Abbey Road à plein temps. Mais devant l’ambitieux projet, la console huit-pistes montre rapidement ses limites. Les quatre architectes du rock-psyché finissent par migrer dans le nord-est de Londres. Ils investissent les studios Morgan équipés d’un 24 pistes, afin d’y effectuer les enregistrements finaux et le mixage.
Pour ce sixième album, les quatre membres de Pink Floyd se livrent à un véritable travail de laboratoire. Même si au final, « Meddle » est une oeuvre très accessible et ne sera en réalité qu’un coup d’essai avant le légendaire « The Dark Side of the Moon ».
Dès le titre d’introduction, on comprend que le groupe a trouvé sa voie. « One of these Days » est un instrumental fait d’un souffle de vent provenant d’un oscillateur de son, et d’une cavalcade de deux basses doublées au moyen d’un simulateur de chambre d’écho. Un titre qui par la suite rythmera bien des reportages dans le grand nord, ainsi que des clips de sports-extrêmes. Seul interruption dans ce titre d’ambiance, la voix menaçante de Nick Mason (batterie) :
“ One of these days, i’m going to cut you into little pieces”
(Un de ces jours, je te couperai en petits morceaux)
Cette phrase était semble-t-il souvent proférer par Roger Waters à l’encontre du DJ Jimmy Young…
Pink Floyd – One of These Days
Le tandem Waters-Gilmour
Le vent persiste et fait la jonction avec « A Pillow of Winds », un titre inspiré par le jeu du Mahjong. Une ballade acoustique, mélancolique et inquiétante écrite par David Gilmour, et dans laquelle le texte de Roger Waters vient glisser un peu de venin…
Pink Floyd – A Pillow of Winds
Une recette qui permettra aux albums à venir de rester accessible, et que le tandem applique également sur le titre « Fearless ». Un titre semblant s’étirer à l’infini, et dont le riff fut soufflé à Waters par le fondateur du groupe, Syd Barrett. Il trouve sa conclusion dans le chant des supporters de Liverpool FC reprenant le célèbre “You’ll Never Walk alone” de Gerry & The Pacemakers…
Pink Floyd – Fearless
Tous les titres sont composés dans l’enceinte du studio, excepté « San Tropez », élaboré au préalable par Roger Waters. Un thème rétro au tempo jazzy sur lequel David Gilmour greffe quelques arabesques de slide guitare, tandis que le piano de Rick Wright emporte le final…
Pink Floyd – San Tropez
« Seamus » est un des rares blues composés par Pink Floyd. Pour l’anecdote, le chien Seamus qui a donné son nom au morceau, et que l’on entend aboyer est celui de Steve Marriott (Small Faces, Humble Pie). Waters et Gilmour trouvant que l’animal « aboyait juste », décidèrent de garder l’enregistrement pour l’inclure dans l’album.
Pink Floyd – Seamus
Echoes, le point d’orgue de l’album
« Je jouais sur le piano dans le studio, mais en fait c’est Roger (Waters) qui a dit : « Serait-il possible d’enregistrer cette note et de la faire passer dans un Leslie ? ». C’est ça qui a tout déclenché. C’est de cette façon que naissent toutes les meilleures chansons du Floyd, je crois.”
Rick Wright
Une note. Voilà comment “Echoes”, un des titres légendaires du groupe, a vu le jour. Cette note de piano passée dans une cabine Leslie résonne tel un sonar autour duquel s’articule le morceau final de l’album. 23 minutes d’un crescendo démarrant dans les recoins les plus sombres de l’océan, pour s’élever très haut dans le ciel. En apesanteur, on se délecte alors de la voix feutrée et d’un solo épique de David Gilmour. Alternant piano et orgue, Rick Wright tapisse le décor sur lesquel Waters et Mason déroulent une rythmique infernale…
Pink Floyd – Echoes
Au bout de dix minutes, l’astronef Pink Floyd replonge dans les profondeurs de la Terre, et devra transpercer l’écorce de cette dernière pour rejaillir à nouveau dans le ciel, propulsé au coeur des étoiles, avant de se perdre dans l’espace infini…
Le titre fait « écho » à la pochette représentant l’interieur d’une oreille humaine baignant dans les ondes sonores. L’idée de départ de Storm Thorgerson, photographe attitré du groupe, était d’y faire figurer l’agrandissement d’un anus de babouin…
« Echoes » servira aussi de final majestueux au Live at Pompeii. Il deviendra même le fruit d’une légende liée au film 2001 l’Odyssée de l’Espace (Stanley Kubrick). En effet, tout dans l’oeuvre du groupe le prédestinait à travailler avec le cinéaste. Meddle est publié trois ans après la sortie du film, et certains verront dans « Echoes » une bande son minutée et officieuse de la dernière partie du long métrage spatial. Pur hasard, selon les membres du groupe…
Serge Debono
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