PUBLIC IMAGE LTD – PIL – Metal box – 1979
Que ce soit pour la musique, le son ou l’emballage, John Lydon et Public Image Limited, ne font rien comme les autres avec leur Metal box. Unique, à part : jamais vu, jamais entendu. Que contient la « conserve » ?
3 maxi 45 tours séparés par des feuilles de papier pseudo-sulfurisé et une fiche de présentation en papier glacé.
L’exemplaire présenté ici est la réédition de 2006, l’original voit son métal (de l’étain ? De l’alliage ?…) s’oxyder. Oui, l’objet évolue dans le temps. « Performance » par son côté éphémère, cette « pochette » de disque se redéfinie en permanence. Vue de dessus, elle ressemble à un bouton mécanique, de ceux qu’on trouve sur les blousons en jeans, ou encore à un bouton pression sur l’épaulette d’un Perfecto. Entre les mains, elle provoque la question : « C’est une boite de film ? Quelle sorte de musique s’y blottit ? ».
Le logo : PIL, est embouti dans la matière. Les chansons sont-elles en relief ? Ainsi, Johnny Rotten, redevenu John Lydon, à défaut de bisser les Pistols, sculpte-t-il avec cet étui l’art de stimuler les sens : la vue, le toucher et l’ouïe. Après son premier essai, il y avait fort à parier que l’ex-punk n’en resterait pas là, qu’il laisserait à nouveau libre cours au grand n’importe quoi : « Jouons ce qui nous passe par la tête ou le fondement. Après tout, c’est le même tuyau ».
John Lydon raconte:
« Pour Metal Box, la pochette est passée avant tout, aussi bien mentalement que physiquement. Nous avons dépensé la majeure partie de l’avance dessus, alors créer Metal Box nous a posé un vrai défi car nous n’avions plus d’argent pour les sessions d’enregistrement. »
D’un point de vue purement musical, écouter les 6 faces relève de l’adoration. Autrement, c’est impossible ! La voix de John Lydon se fait tour à tour incantatoire, trémulante, hantée, professorale, scandée, scandaleuse, gutturale ou parlée. En matière de guitare, il est question d’un son rachitique et suraiguë, d’écorchures, de copeaux, de griffures ou d’anarchie : main gauche « et » main droite. La basse est omniprésente et mixée en avant. Elle remplit l’atmosphère, lourde, menaçante, effet voulu via l’adoption du format 45 tours.
Poptones – (1979)
« Les enregistrements ont été effectués par petits morceaux, durant des heures libres, souvent à partir de minuit, après que des groupes inconscients qui payaient réellement pour des heures de studios réservés soient rentrés chez eux. Et cela nous a finalement plutôt aidé. Avec l’énergie du désespoir, vous pouvez obtenir d’excellents résultats »
A la gravure, le sillon des 45 tours est plus large. Il supporte d’avantage de graves, permettant de booster ces derniers. Seule la batterie parait » normale » bien que noyée de réverbération la plupart du temps. Ainsi vêtu, chaque morceau adopte un tempo différent… qu’il garde tout du long : monomaniaque et monotone. A ce titre, la chanson qui introduit le premier maxi est exemplaire. Plus de 10 minutes de pseudo improvisations parcourues par les divagations d’un Lydon adoptant, pour l’occasion, un trémolo de médiums désintéressés.
Plus de détails?
Servons-nous de la deuxième chanson de chaque face de Metal Box pour observer le phénomène de plus près. Sur » Bad baby « , Johnny lâche des incantations apaches autour d’un totem de batterie rock lorsque, soudain, une phrase de flûte à bec vient lécher les tympans.
« Careering » recréée l’ambiance et la bande son d’un film de SF de 1956 (!) : « Planète interdite », à force d’un nappage de synthé. Telle la marée, il monte et reflux, encouragé en cela par un chant plaintif et une basse redondante.
Sur » Graveyard « , une batterie » lounge » nous entraîne à savourer un carpaccio de guitare trituré alternativement sur l’une ou l’autre des cordes de si ou de mi aiguë. Cette chanson préfigure une » world music » irritante.
Enfin, » Swan lake « (ex « Death disco ») permet à John Lydon de mugir-miauler à l’envie pendant que les six cordes bloquées déblatèrent un air punctiforme. De temps à autres, l’air principal du « Lac des cygnes » joué à la cornemuse vient justifier le titre du morceau. Percussive, la batterie » discotte » tout du long, invitant à danser entre les passages où l’ensemble des instruments se télescopent en un lugubre n’importe quoi. N’importe quoi, vraiment ?…
Metal Box : objet du désir…
Cette critique sans concession, toute empreinte de factualité, tire à boulets rouges sur la boite métallique. Pourtant… ce disque est envoûtant. Déjà l’objet provoque l’esthésie, la nécessité de le prendre en main, de le caresser, de le tripoter. Puis vient le moment de l’ouverture. Les trois galettes épousent l’exact diamètre intérieur de leur emballage. Pas moyen d’y glisser les doigts ! Pour se saisir de la première cire, il faut retourner l’objet. Alors, le fruit de votre désir vous tombe dans la paume. Et c’est exactement ça. On tombe sur cette boite, on en tombe amoureux… jusqu’à la tombe.
Il y a des disques mystérieux, comme celui-là, dont on pourrait disserter des années sans que cela compte. Et si l’acronyme PIL devait être redéfini, nul doute que les mots choisis seraient : Power, Illusion and Love.
Thierry Dauge
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