Willy Deville : Un personnage hors norme
Willy Deville – Esthétique physique et musicale : un personnage romanesque
On le connaît tous plus ou moins pour sa reprise très particulière de Hey Joe. Pourtant Willy de Ville est un personnage marquant de l’histoire du Rock. Décédé le 7 août 2009 des suites d’un cancer du pancréas, William Paul Borsey Jr, est évidemment beaucoup plus connu sous son nom de scène Willy Deville. Né en 1950, ce dandy new-yorkais était plutôt du genre filiforme. Très attentionné à son esthétique avec de longs cheveux noirs, une moustache finement taillée, des chemises et des boucles d’oreilles! Il avait tout d’un personnage romanesque, un paradigme du jeu de rôle théâtralisé. Mi corsaire, mi D’Artagnan, il vivait son style personnel et racé, à la ville comme sur scène.
«S’il y a bien quelque chose de primordial dans ma vie, c’est d’essayer d’être un gentleman, de respecter un certain code de l’honneur, quelques valeurs qui peuvent paraître un peu désuètes, comme se lever pour saluer les dames… J’attache beaucoup d’importance à la façon dont je m’habille et à mon style en général. J’aime les belles choses, les pompes bien cirées et les costards à quatre cents dollars. Pas tellement pour faire le beau mais parce que je n’aime pas ressembler à tout le monde, j’ai horreur des uniformes. Comme tous ces rappeurs fringués en Adidas, avec leur petite casquette à l’envers et leurs airs de gros durs… Leur image est aussi nulle que leur musique.»
Willy DeVille : les débuts au CBGB
Depuis son étonnante reprise de Hey Joe en 1992, on avait peut-être un peu vite enterré sa carrière musicale. Pourtant, Willy DeVille a démarré à la fin des années 70′, en pleine mouvance Punk. Il débarque sur la scène new-yorkaise et particulièrement dans le célèbre et mythique club CBGB dans lequel il jouera de nombreuses fois au milieu des Ramones, des Sex Pistols, des Buzzcocks, de Blondie ou des Vibrators, avec son groupe, le bien nommé Mink DeVille, entièrement dévoué au personnage charismatique de Willy.
Et pourtant le style de Mink DeVille, bien qu’érigé dans la mouvance de cette énergie punk, était un rock acéré, mâtiné de blues et de rythmes latino. Il faut dire que Willy DeVille était un enfant du Blues. Issu d’une famille modeste, il a très vite quitté l’école et il s’est construit au contact de la rue. Le Blues, la musique noire, Les Drifters, il les a découvert à la radio dans le milieu des années 60 avec Muddy Waters, John Lee Hooker et son véritable coup de cœur, sa grande découverte: John Hammond qui a eu une influence considérable sur sa construction personnelle.
Willy Deville va se marier et endosser la paternité relativement jeune au début des 70’s, mais des 1973 le démon de la musique le reprend et ne le quittera plus…
Après quelques essais de groupes, on se souvient notamment de Billy de Sade and the Marquis, Willy DeVille opte pour le nom définitif de Mink DeVille à partir de 1975.
Mink de Ville – Lp : Cabretta
Dès 1976, le groupe décroche un contrat chez Capitol Records. Un an plus tard, il réalise son premier album Cabretta. Un disque souvent reconnu comme l’une des œuvres majeures de sa carrière. Le son Rock et pur s’en va parfois taquiner une énergie un peu plus Soul ou Rythm’n Blues. La formation se compose de Willy De Ville (chant, harmonica et guitare), du batteur Thomas R. « Manfred » Allen, du bassiste Ruben Sigüenza, du guitariste Louis X. Erlanger, du saxophoniste Steve Douglas et du claviériste Bobby Leonards.
Mink DeVille a eu également l’opportunité de bénéficier du talent de producteur de Jack Nitzsche, qui entre autre à collaboré dans les années 60 avec Phil Spector et qui a véritablement su mettre en valeur les compositions de Willy DeVille.
Cabretta, un premier album efficace en seulement 35 minutes. Cinq autres disques couronneront la carrière du groupe jusqu’à leur séparation en 1985. A partir de là, Willy DeVille poursuivra sous l’égide de son nom de scène. Ce sera Willy Deville, avec une première production en 1987 sous la forme d’un duo avec Mark Knopfler «Miracle», et une série d’albums dans lesquels germent un esprit rock expérimentale, où se répondent et se mélangent sans cesse, rock, soul et musiques folkloriques d’Amérique Latine.
«La bonne musique est forcément sensuelle. Si elle ne donne pas envie de danser, de se câliner ou de faire l’amour, elle ne vaut pas grand-chose. Un bon chanteur, c’est un type qui n’a pas honte de pleurer, de baisser sa garde, d’être romantique. Sans non plus en faire des tonnes comme Julio Iglesias ou Tom Jones… On peut être tendre sans cesser d’être digne.»
Willy DeVille pour Jack Nitzsche – Fools Upon the Hill
Willy DeVille, 40 années de carrière durant lesquelles il conservera une réelle unité, tant dans son esthétique physique, que dans son esthétique musicale. C’était un homme à part, qui a su se trouver une place particulière dans l’histoire du Rock.
Jack Nitzsche qui collabora de nombreuses fois avec lui, a déclaré que Willy DeVille a été le meilleur chanteur avec lequel il ait travaillé !
Auguste Marshal
Willy Deville – Spanish Troll
Hommage à Willy DeVille (Denis Chofflet)
10 ans que Willy DeVille est parti faire le bad boy là-haut. …..
« La bonne musique est forcément sensuelle. Si elle ne donne pas envie de danser, de se câliner ou de faire l’amour, elle ne vaut pas grand chose »
disait Willy De Ville.
Né William Borsay, Capitaine Crochet du Rock et sorte de version américaine tirée à quatre épingles de Keith Richards. Définition surprenante pour celui qui monta son premier groupe à tout juste quatorze ans, Billy The Sade and The Marquis, qui deviendra Mink DeVille entre 1974 et 1986. Il fréquenta entre 1975 et 1977 les clubs les plus destroy de Manhatan, tels le CBGB’s, dont il occupa la scène en compagnie de Blondie, les Ramones ou Television. Il décrivait ces derniers comme « … des étudiants en art anémiques qui ne savaient pas jouer.. » !
Bref, on peut baigner dans le punk pur et dur et traîner avec Richard Hell, l’inspirateur de Malcolm McLaren quant à l’utilisation des épingles à nourrice sur T-shirts en lambeaux, et préférer malgré tout l’élégance de ses idoles black des sixties….
Artiste complexe
Willy soigne son look de dandy et va sortir deux albums très prometteurs : « Cabretta » en 1977 et « Return to Magenta » l’année suivante… Jack Nitzsche, son producteur, est le premier surpris quand, contre toute attente, Willy choisit alors de s’exiler à Paris, ville qu’il adore autant qu’il aime la France pour sa bouffe et son vin, où il enregistre « Le chat bleu » qui sort en 1980. Un album superbe en hommage à Piaf (beaucoup) et à l’accordéon (un peu), tout en restant rock, R’n’B et Soul….. Dix morceaux, dont certains co-écrits par le légendaire Doc Pomus, fournisseur de standards pour Elvis dans les années 60 avec Mort Shuman, et cette reprise des 50’s du groupe The Jive Bombers : « Bad boy »….
Ce qu’était Willy de Ville en fait, un bad boy doublé d’un junkie décharné, mais tellement romantique, élégant et charismatique, bref attachant et fréquentable …!!!!
Fin de l’aventure Mink Deville
L’aventure Mink DeVille prend fin en 1986. La carrière solo de Willy De Ville va débuter dès 1987 avec l’album « Miracle », produit par Mark Knopfler…
En 1992, il nous offrira un monumental et surprenant hit avec sa reprise version mariachis du cultissime « Hey Joe ». Puis il rendra les armes, usé par les excès à cinquante-cinq ans à peine, en août 2009… Dans son « Petit dictionnaire amoureux du rock », Antoine de Caunes évoque Willy le Dandy. Il imagine son âme, ou son fantôme,
« … quelque part entre Ménilmontant et La Nouvelle-Orléans, dans la nuit où tous les visons – de ville – sont gris »… Et il devrait s’y sentir à son aise …..!!!!!
Denis Chofflet