Amuse-gueules
Depuis 2016 et l’album laiteux Walls, on avait l’impression que les frangins et cousins Followill de Kings Of Leon avaient le vague à l’âme et des papillons noirs. Leurs origines nashvilliennes mêlées de Rock Indé avaient pris des couleurs mélancoliques à tel point que les Ricains semblaient inventer un son hybride entre Creedence Clearwater Revival et Joy Division. Le disque du confinement When You See Yourself en 2021 avait confirmé ce spleen cotonneux apparent.
Cette fois, les KOL abordent dès l’intitulé la question du plaisir : Peut-on s’éclater ? présente la pochette au design très Seventies de ce neuvième opus. Pourtant, on ne peut pas dire que les quatre arborent des mines réjouies sur la photo centrale. Ils font même plutôt la gueule. On notera que ces douze titres ont été enregistrés dans leur coin du Tennessee sous la direction du producteur / musicien anglais Kid Harpoon.
En ouverture, le quatuor branche le poste et se cale sur la Ballerina Radio. Le son s’avère particulièrement moelleux, la basse très ronde de Jared Followill en avant, les traficotages des guitares du cousin Matthew en retrait au milieu des nappes de synthé. Quant au chanteur / guitariste Caleb, il nous la joue crooner désabusé. Le second thème, Rainbow Ball, accroche tout de suite par sa ligne de 4 cordes qui mène la baraque, inexorablement. Des fracas de percus – le frérot Nathan Followill à la batterie – et de guitares parsèment ce titre qu’auraient pu proposer les Anglais d’Editors, première manière.
Kings Of Leon – Rainbow Ball – Can We Please Have Fun (2024)
Le très « Danse avec ton instrument » Nowhere To Run et ses chœurs sportifs démontre au moins la variété de tons qu’ont choisie les gars. Une orientation majeure confirmée par le single Mustang. Là, les KOL semblent renouer avec la rage des premiers albums. Quel bonheur d’entendre à nouveau Caleb Followill pousser la famille dans ses amplis !
Mustang
Actual Daydream adopte un chaloupement plus calme mais le tricotage des cordes vaut le détour. Split Screen et Don’t Stop The Bleeding en reviennent au romantisme, avec kekchose des années 80. Curieusement l’un conclut la première face en vinyle mais l’autre entame la seconde.
Split Screen
Car c’est là que la galette bascule ! Avec trois titres consécutifs, Nothing To Do, M Television et Hesitation Gen, les Ricains ne transigent plus. Caleb hurle son cynisme amoureux alors que la fratrie tord les grattes et percute les toms.
Nothing To Do
M Television exhibe fièrement ses riffs de guitares en arpèges tandis que Hesitation Generation lorgne vers les martèlements d’accords des groupes New-Yorkais hérités du Velvet Underground. Deux autres pépites !
M Television
Pour la ballade Ease Me On, étonnamment, la famille adopte un rythme sud-américain que n’aurait pas renié un King… Elvis entre deux films hawaïens et quelques cocktails de médocs. Après la pause, les Kings Of Leon closent cette nouvelle collection, certes éclectique mais au déroulé parfois schizophrène, par le sombre Seen. Et l’amusement ? Un spectre électrique passe…
Seen
Bruno Polaroïd
Kings Of Leon : Can We Please Have Fun – Capitol – Disponible depuis le 10 Mai 2024