MAGAZINE, la trilogie fabuleuse : Secondhand Daylight

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Punk Floyd !

Magazine en 79
Magazine en 1979 : McGeoch, Formula, Adamson, Devoto, Doyle

Elle a de la gueule cette pochette. Même de la gueule cassée de no man’s land guerrier à la Francis Bacon. Mais son créateur s’appelle Ian Pollock (Sic). Et cette dominance de vert ! L’ouverture, elle, dévoile un panoramique du quintet en pleine course (Photo : Richard Rayner-Canham). Il y a même un insert – vert bien sûr – avec les paroles et les notes. De luxe, ce second album de Magazine, Secondhand Daylight, sorti en Mars 1979. Pas vraiment une lumière d’occaz ?

Seconhand Daylight
Magazine, Seconhand Daylight

L’équipe reste la même que pour Real Life, le précédent LP (Lire : MAGAZINE, la trilogie fabuleuse : Real Life), hormis d’abord pour les fûts où le Duracellien Jackson a été sèchement remplacé par un certain John Doyle. Howard Devoto le trouvait plus funky, on en reparlera. Et surtout à la production arrive Colin Thurston, l’un des ingés sons de la période berlinoise de Bowie et d’Iggy (Heroes et Lust For Life). Et ça pour le chanteur / leader et son second, le brillant guitariste-saxophoniste John McGeoch, ça vaut tous les Phil Spector du monde.
Comme on les comprend ! Dès l’ouverture, Feed The Enemy, la beauté du son vous submerge les oreilles ! La console rutile dans tout le spectre. C’est l’une des plus belles productions de cette fin de siècle, digne d’ailleurs du mastodonte… Pink Floyd ! Consternations des p’tits punks à crêtes et des punkettes à zipettes !

Magazine – Feed The Enemy – Secondhand Daylight (1979)

Autre révélation sonique, et pas des moindres : la basse de Barry Adamson ! Rogntudjuuuuu ! Le Barry a délaissé sa Rickenbacker 4001 pour une Gibson EB-3 de forme SG et aux sonorités plus rondes. Mais surtout, il s’amuse avec la pédale Chorus et la Réverb. Ça lui donne un nouveau son rampant et enveloppant, l’un des plus personnels de la New Wave en devenir. En plus, c’est pas un rigolo du manche… Quant aux autres, ils rayonnent dans toute la stéréo : McGeoch et ses flèches de 6 cordes et ses pointes de sax, Dave Formula et tout son attirail de claviers majestueux, le p’tit nouveau Doyle aux percus, et enfin Mister Howard, tel un bonimenteur malsain devisant son discours paranoïaque.

Cut Out Shapes

Comme pour leur premier essai, l’album alterne d’abord en 1re face pièces innovantes, encore sans équivalences à l’époque, et néopunkeries, – Rythm Of Cruelty, Talk To The Body... Mais là aussi, les gars déploient une aisance dans les arrangements et l’instrumentation à dégrafer toutes les épingles à nourrice. Doyle, le nouveau tambour major s’en sort d’ailleurs avec les honneurs, multipliant les changements de beat, d’autant plus que le doué Thurston, l’ingé son, l’ornemente en retrouvant ses réglages de compresseurs et de filtres à la Heroes

I Wanted Your Heart

Pour la seconde partie, Magazine dévoile toutes ses ambitions. Première étape, l’instrumental The Thin Air. Le sieur McGeoch s’était amusé avec les machines de Formula. En résulte cette étonnante pièce dominée par les synthés et un saxophone très Dark Side Of… Manchester ! Les derniers auditeurs punks défaillent et s’auto-détruisent telle une cassette instructive de Mission Impossible.

The Thin Air

Faut dire que la suite enfonce le clou. Back To Nature est une longue introspection de Devoto. Le claviériste Formula énonce l’intro au piano, la mélodie évoque les miniatures de Erik Satie ou de Brian Eno. Le chanteur se lance. Puis, des nappes menaçantes de synthés inondent les enceintes avant l’arrivée implacable de Doyle et Adamson, accélérant en crescendo le tempo. Le morceau s’emporte dans les découpages de guitares et de claviers. Le pont où Adamson martèle ses pulsations de basse tandis que Devoto et les autres déraillent est merveilleux. Les gars reprennent l’arrangement d’intro, McGeoch lance un solo épique et le morceau s’achève en apothéose. 6 minutes 54 inouïes !

Back to nature
a trip that I can’t take
people are thinking
that they’ve dreamed of this place
back to nature
it was somewhere else
back to nature
right back on top of yourself

And I’m telling you
I know what you’ve been going through
in my heart of hearts
when I was here
and you were there
nothing was between us

We’re up in the air
We’re down on the ground…

Back To Nature

Pour le titre suivant, Believe That I Understand, on pense à nouveau à une chute des sessions du Thin White Duke. Mais Howard nous réconforte en proclamant tout de suite: «Here Is The Love Of Your Life…» Est-ce vraiment un propos rassurant ? Apparemment, les textes de ce recueil tourneraient autour d’une rupture sentimentale ou en tout cas d’une vision particulière du romantisme à la Devoto. Encore une fois, la modernité revendiquée du son et de l’interprétation nous interpelle.

Believe That I Understand

Ah la dernière pièce, Permafrost. Souvenir d’un cours de Géologie, une terre constamment gelée. Est-on déjà allé aussi loin dans cette sensation de malaise ? Le tempo et le jeu de Doyle s’alourdissent, McGeoch et Formula se répondent puis le bassiste Adamson prend le chorus  pour introduire Devoto le séducteur. Sournoisement, le chanteur murmure à une fille qu’il va la droguer puis la baiser sur le permafrost. Avec perversion, le groupe propose l’antithèse du final Parade sur Real Life. Pour conclure, McGeoch balance une dernière suite de notes distordues et dissonantes, l’une de ses plus étranges créations alors que Devoto reprend sa déclaration perverse, au cas où quelqu’un ou quelqu’une n’aurait pas bien compris. Vicious pourrait dire Lou Reed !

Permafrost

Secondhand Daylight rencontrera beaucoup moins de louanges que Real Life. On lui reprochera sa noirceur, sa perfection trop Arty, son côté Pink Floydien. Il se vendra peu, renforçant sa légende d’album maudit. Devoto et le groupe en sortiront meurtris, désappointés alors qu’ils pensaient avoir réalisé un disque largement supérieur au premier. Le fait qu’encore une fois, leur leader refuse de jouer le jeu normal des relations avec la presse n’arrangera rien et augmentera l’incompréhension et la rancœur de McGeoch. Celui-ci d’ailleurs accompagné de Formula et Adamson créera quelques mois plus tard un projet parallèle et ô combien plus vendeur : Visage.

pochette intérieure
Pochette intérieure du vinyle

Heureusement et paradoxalement pour Magazine, les concerts de promotions s’afficheront souvent complets, avec des retours largement positifs. En plus, ils rencontreront les p’tits débutants de Simple Minds en 1re partie, avec un Jim Kerr et un Charlie Burchill subjugués par Howard et son équipe de musiciens aussi déviants qu’étonnants.
Pour certains fans, dont votre auteur, Secondhand Daylight reste un monument du Post-Punk naissant – pour info, Unknown Pleasures des voisins Joy Division sort trois mois plus tard – : de par son pessimisme rageur, ses trouvailles en tout genre, notamment le son de basse de l’immense Barry Adamson, et le talent de narrateur de Devoto. Maudit mais encore fabuleux !

A suivre…

Bruno Polaroïd

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