MAGAZINE, la trilogie fabuleuse : Real Life

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Le premier album Post-Punk !

Magazine en 1978
Magazine en 1978 : Jackson, Formula, McGeoch, Devoto, Adamson

C’est sûr Howard Devoto en impose quand on le découvre à la télé belge dans l’émission Follies du regretté Gilles Verlant (Ndr : Pour d’autres, ça sera dans l’émission Chorus sur la 2 française). Son charisme inquiétant et reptilien, d’une fascination presque malsaine, son maniérisme vocal, accompagnés par le son moderniste de ses musiciens, incarnent parfaitement un changement d’époque. On est fin 1979 et dans le tube cathodique, Magazine crée la New Wave (Le qualificatif Post-Punk viendra bien plus tard).

Magazine – Shot By Both Sides Live at Follies / RTBF (1979)

Tourner la page du Punk

Howard Andrew Trafford alias Howard Devoto est l’initiateur avec son pote de collège Pete Shelley du groupe Buzzcocks en 1976, un projet punk séminal de Manchester. Les deux copains se partagent le micro mais quand paraît le EP Spiral Scratch, Devoto quitte la bande pour d’autres horizons en 77. Il va fonder Magazine en compagnie de John McGeoch, sans aucun doute l’un des guitaristes les plus brillants et inventifs de l’époque. Le même joue plutôt pas mal du saxo également. Brillant qu’on vous dit. Après diverses moutures, le groupe se stabilise avec l’arrivée de Barry Adamson à la basse, de l’excellentissime claviériste Dave Formula, et d’un nerveux à la batterie, Martin Jackson. Aussi bien entouré, Devoto veut tourner la page du Punk, il lorgne vers le Rock mutant du Bowie version Low et Heroes mais aussi des premiers et baroques LP de Roxy Music .

Le single initial de Magazine, Shot By Both Sides, encore marqué – et pour cause – par le son 76 / 77 sort en Janvier 1978. Immédiatement, le morceau accroche avec sa montée de guitare – Yamaha SG1000 – de McGeoch, sur une rythmique véloce. Et surtout, il y a CETTE VOIX, étrange, malsaine et unique de Devoto. Notons qu’il n’y a pas encore de claviers dans cette version 45t.

Magazine – Shot By Both Sides / Single Version (1978)

Les copropriétaires du morceau, Shelley et ses Buzzcocks, en proposeront une autre approche sous le nom de Lipstick. On vous laisse comparer…

Buzzcocks – Lipstick (1978)

 

Je connais tes secrets…

Le succès – relatif – du 45t annonce leur premier album Real Life qui paraît en Juin 1978 chez Virgin Records. Superbement produit par John Leckie,  illustré par une pochette angoissante de l’artiste Linder Sterling, il fait partie immédiatement des chocs de l’année. Ce recueil rejoint ou précède ainsi le Black And White des Stranglers (Mai), le Chairs Missing de Wire (Septembre), le Scream de Siouxsie And The Banshees (Novembre) et le First Issue de PIL (Décembre), pour ne citer que les LP d’Albion tous parus en 1978 ! Ces manifestes participent du même dessein de déconstruction et d’invention d’une autre musique après la tabula rasa du Punk.

Dès l’ouverture – Definitive Gaze -, on comprend vite que le quintet explore d’autres formes et se dégage des trois accords en power chords punkiens. La basse d’Adamson en boucle, les fûts dynamiques de Jackson et les tricotages de McGeoch appellent immédiatement au balancement. Puis Formula dévoile un thème cinématographique aux synthés. Devoto de sa voix presque dissonante annonce : « So this is Real Life… ». En plein milieu surgit un pont rythmique et carrément bruitiste avant la reprise en final. Du grand art !

Magazine – Definitive Gaze – Real Life (1978)

My Tulpa présente un découpage de reggae sous amphétamines. Le chanteur se fait plus diplomate voire jovial. Encore une fois, arrangements et instrumentation – synthés prédominants, saxophone, guitares – cherchent une modernité déviante.

My Tulpa

Suivent ensuite l’impérial Shot By Both Sides et une punkerie plus futile, Recoil, mais qui ne manque ni d’humour ni d’autodérision. Cette première partie se conclut en majesté par Burst. McGeoch y déploie son jeu inventif et surprenant : leitmotiv de 3 notes, chorus insidieux et solo – un mot tabou chez les Punks – dissonant et aérien. Sur le tempo plus moyen, Devoto joue les crooners pour ces dames. Mais peut-être vaut-il mieux ne pas céder à son numéro de charme…

Burst

La seconde face comporte quatre plages, plus longues et aux arrangements plus complexes. L’angoissant Motorcade ouvre le bal avec une introduction au simili clavecin de Formula. La réverbération inversée sur la voix de Devoto amplifie son chant déclamatoire. Soudain, McGeoch s’énerve et casse la baraque sur sa Yamaha pendant que les autres s’agitent aussi. Alors Formula siffle la fin de la recré pour le retour en classe. Effet garanti !

Motorcade

Dans le Rock , on n’a pas attendu Nick Cave et ses Mauvaises Graines Berlinoises pour évoquer les flonflons de la décadence. Les Doors reprenaient déjà Kurt Weill en 1967 et les Beatles eux-mêmes imaginaient une ducasse sous hallucinogènes dans Being For The Benefit Of Mr Kite la même année. Les gars s’y collent aussi avec The Great Beautician In The Sky en invitant tout le monde à valser. Bien sûr c’est déglingué et surtout éphémère car à nouveau le tempo s’accélère. Le chanteur en plein théâtre d’ombres en profite pour frimer en racontant qu’il connaît nos secrets de beaux gosses. Son découpage des mots s’avère exemplaire.

The Great Beautician In The Sky

The Light Pours Out Of Me est l’autre GRAND titre du disque avec Shot By Both Sides, et également une coécriture avec Pete Shelley. A l’époque, il est reconnu tout de suite comme un classique de la nouvelle vague. Et pour cause. La cadence rythmique obsédante du battement de Jackson et de la Rickenbacker groovy d’Adamson, plus le riff de McGeoch sur ses cordes graves interpellent tout de suite les neurones et les pieds. Devoto y règne en maître alors que Formula plus discret assure le nappage de synthés. Les ponts sont incroyables de sauvagerie froide.

The Light Pours Out Of Me

Un piano de bar introduit le final Parade. Retour au romantisme sombre, sophistiqué et décalé, très fin de siècle, bien loin des distorsions brutales de 76 / 77. En quelques minutes, Magazine annonce déjà cette mélancolie obscure qu’afficheront au delà des styles, Joy Division, The Cure et Bauhaus. Devoto confie son égarement amoureux :

Sometimes I forget that we’re supposed to be in love
Sometimes I forget my position

McGeoch, décidément le héros instrumental du LP, resort son saxophone et balance un superbe solo, vite suivi par celui de Formula aux claviers. Les ultimes notes s’échappent dans les derniers sillons du vinyle. Une magnifique conclusion.

Parade

Cette première œuvre de Magazine rencontrera un accueil souvent enthousiaste. Pour Rock et Folk, l’album représente la suite idéale d’un concert de Bowie en plein Isolar II Tour. En 1978, beaucoup perçoivent parfois inconsciemment que Magazine invente ce qui va devenir la New Wave. Certains reprochent quand même à Devoto son chant trop maniéré, à la limite d’une préciosité caricaturale. Plus problématique, l’attitude hautaine et absconse du leader avec les journalistes commence à desservir la réputation du gang, un aspect qui irrite son autre fondateur, John McGeoch. L’album se vend-il ? Sans doute assez pour lancer le quintet et envisager un autre opus. Depuis, Real Life est devenu un incontournable des classements des meilleurs disques, pour beaucoup l’album fondateur du Post-Punk et pour nous le premier d’une trilogie fabuleuse.

A suivre…

Bruno Polaroïd

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