5 octobre 1970 : parution du 3e album du groupe de rock Britannique Led Zeppelin.
Après l’émergence sur l’album I, puis la montée en puissance sur le II, la presse attend le quatuor au tournant. Les fans, eux, sont impatients… Les musiciens, particulièrement en phase et habités, livrent un chapelet de titres Hard Rock, blues et ballades acoustiques Folks, brillamment arrangés.
Retour sur ce vinyle, parmi les plus aboutis de la bande à Jimmy.
IMMIGRANT SONG
« Nous venons de la terre, de la glace et de la neige. »
Robert Plant
Le titre qui ouvre l’album prend l’auditeur au dépourvu. La Gibson Les Paul de Page, assène un riff très simple, composé de longue date par le guitariste qui n’attendait plus que d’y ajouter un texte. Robert Plant, inspiré par la mythologie des Vikings, suite à un concert du groupe à Reykjavik, s’y colle avec brio.
À ce riff dévastateur, répétitif et saccadé viennent se greffer les vocalises aiguës du chanteur , une sorte de cri de guerre, un cri de ralliement… » Nous venons de la terre ,de la glace et de la neige » scande Plant..
Il raconte une histoire, il y croit … Nous aussi ! Sans s’en douter, le frontman à crinière blonde crée une signature vocale bien souvent associée au Rock. Jones et Bonham, section rythmique implacable, achèvent de donner au morceau sa feuille de route. » Immigrant Song » sera l’unique single de l’album afin d’en assurer la promotion. Il se classe 16e au Billboard Hot 100 et devient rapidement un hit incontournable. Utilisé comme générique de l’émission de TF1, 50 minutes inside et faisant également l’objet de multiples reprises, la chanson fait son baptême du feu au festival de Bath où Led Zeppelin la joue en ouverture de set. Il en sera de même pour tous les concerts entre 1970 et 1972 avant que le morceau ne cède sa place à l’excellent Rock and Roll.
FRIENDS
Jimmy Page, guitariste astucieux, est passé maître dans l’utilisation des open tuning. Pour les néophytes en guitare, il s’agit d’un accordage bien particulier. Et pour ce morceau acoustique, Page utilise donc un open tuning de Do ( DO.la.do.sol.do.MI. ). La guitare acoustique de Jimmy est parfaitement en place, lancinante mais égrainant un folk enjoué laissant toute sa place au synthétiseur Moog, sans dénaturer la chanson. On se sent transporté dans une ambiance parfois inquiétante et mélancolique ou le chant de Plant ressemble à une complainte. Mais les enchainements, la subtilité du jeu de Page associé à la voix haut perchée de Plant font des merveilles.
Led Zeppelin – Friends
SINCE I’VE BEEN LOVING YOU
» JE NE PENSE PAS QUIL FAILLE 12 MESURES POUR OBTENIR L’EMOTION DU BLUES »
Jimmy Page.
Après le délicieux Celebration Day, auréolé d’un riff sauvage et excitant paré d’un texte composé par Plant en hommage à la ville de New York, le groupe revisite le blues avec un morceau assez long ( 7 minutes 25 ), enregistré en une seule prise.
A un journaliste qui fustige le groupe de ne pas jouer vraiment le blues traditionnel, Page réplique ouvertement :
« Je ne pense pas qu’il faille 12 mesures (12 bars blues) pour obtenir l’émotion du blues.. »
Il a raison. L’émotion est bien là. Jimmy Page sévit une fois de plus, décochant début du morceau, un solo extraordinaire et « aérien » qui n’est pas sans rappeler parfois le jeu de Dave Gilmour du Floyd. Puis la chanson se déroule, le groupe est à l’unisson et la guitare de Page pleure le blues..
John Bonham y est crédité pour l’occasion de l’orgue et autres pédales basses. Robert Plant réalise une énorme performance vocale sur ce titre qui deviendra un incontournable lors des tournées.
Led Zeppelin – Since I’ve been loving you
OUT ON THE TILES
Feu John Boham, cogneur en chef de la bande était un bon vivant. Après les séances d’enregistrement, il prenait un malin plaisir à boire un bon coup et chanter une chanson en tapant du pied en rythme. Le texte assez paillard et explicite parle de bières, de filles et de tournées de bars. Il n’en faut pas plus à Jimmy pour composer un riff, inspiré du chant de John. Puis Plant écrit des paroles plus admissibles pour les oreilles d’un public non averti. « Out on the tiles » (faire la tournée des bars) voit le jour. John est aux anges…
Rarement joué en public, ce titre servira souvent d’intro au morceau » Black Dog ».
GALLOWS POLE
Le titre d’origine The Maid Freed from the Gallows, est une chanson folklorique traditionnelle d’auteur inconnu. C’est un certain Leadbelly qui l’a popularisée sous le titre Gallis Pole, mais il semble que la version du californien Fred Gerlach soit retenue d’emblée par Jimmy Page. Le guitariste réarrange et s’approprie complètement la chanson. Robert Plant de son côté rajoute un couplet.
Sur ce titre, Jimmy Page joue du banjo pour la première fois, de la guitare acoustique et électrique. Jones de la mandoline et de la basse. Le rythme de la chanson monte crescendo. C’est un morceau délicieux, entraînant et le groupe s’en donne à cœur joie .
Led Zeppelin III – TANGERINE / THAT’S THE WAY
Composée par Jimmy Page, le titre Tangerine date d’avant sa période Yardbirds. Une première version de cette chanson avait été enregistrée par les Yardbirds (avec Jimmy Page) sous le titre Knowing That I’m Losing You , mais ne figurera sur aucun de leurs albums.
Cette version est réarrangée et la plupart des paroles sont réécrites. On y retrouve la guitare acoustique de Page et les superbes accords qu’il manie avec intelligence. Il joue aussi de la pédale Steel. Le morceau sera parfois joué en public entre 1970 et 1971, lors de concerts acoustiques.
That’s The Way est une autre création du duo Page/Plant réalisée lors d’un séjour au Pays-de-Galles. Le temps d’une promenade aura suffi aux deux musiciens, armés d’une guitare acoustique et d’un magnétophone portable, pour composer les premières mesures de la chanson.
C’est l’un des rares morceaux de Led Zeppelin sur lequel John Bonham ne joue pas. Jimmy Page en est le principal artisan, utilisant la guitare acoustique, le dulcimer, la pedal steel et la basse. Tout le talent et le savoir du guitariste s’exprime sur cette ballade. John Paul Jones y joue de la mandoline. Un titre que l’on retrouvera parfois en public pour la première fois au festival de Bath en juin 1970 sous le nom de The Boy Next Door.
BRON – Y – AUR STOMP
Cette chanson est un hommage au cottage où Jimmy Page et Robert Plant séjournèrent pour écrire Led Zeppelin III. Robert Plant a écrit cette chanson en pensant aux bons moments passé aux côtés de son chien, un border Collie aux yeux bleus.
L’ acoustique est une nouvelle fois à l’honneur comme dans quasiment toute la face B de l’album. Jimmy utilise une Martin D-28 et John Paul Jones une basse fretless acoustique 5 cordes. John Bonham officie cette fois aux castagnettes, aux cuillères et à la grosse caisse.
Ce titre sort en single en Italie sur la face B de « Immigrant Song » et aux Pays-Bas sur la face B de « Out on the Tiles » .
Led Zeppelin III – HATTS OFF TO (Roy) Harper
Née d’une jam session entre Robert Plant et Jimmy Page un soir au studio, ce morceau semble largement inspiré de la chanson » Shake ‘m On Down » du bluesman texan Bukka White.
C’est une spéciale dédicace à Roy Harper, un musicien folk britannique très apprécié de Robert Plant et Jimmy Page. Celui-ci, renouant un temps avec son passé de sideman, jouera avec Roy Harper sur quelques-uns de ses disques, notamment sur la chanson « Same Old Rock » (album Stormcock 1971) sous le pseudonyme de S. Flavius Mercurius. Puis en 1973 sur deux chansons de l’album « Lifemask ».
Pas de doutes, Led Zeppelin III marque le point culminant de cette trilogie. Les compositions sont subtiles et très bien ficelées. Page démontre une fois de plus qu’il sonne aussi bien en électrique qu’en acoustique. Plant affiche également une grande maturité et une capacité d’écriture à haut potentiel. John Bonham et John Paul Jones confirment qu’ils sont bien l’ossature, la charpente solide du groupe et le prouvent, tant dans leurs instruments respectifs que dans leurs capacités créatives. Le tandem Page /Plant s’affirment comme la paire d’As gagnante, un tandem de haut vol, à la complicité saillante… de quoi marquer à jamais l’histoire du Rock.
Louis Giardina.