Le retour des Red Hot Chili Peppers
Début 2022. Le monde assiste au retour des Red Hot Chili Peppers. Le guitariste John Frusciante, revenu d’à peu près tout, le pire comme le meilleur, est de retour au charbon. Black Summer. Le morceau du come-back. En attendant l’album. Un morceau convainquant mais facile. Les Red Hot ont-ils abandonné toute audace au profit de la sécurité ?
La naissance de la fusion épicée
Avant, les Red Hot Chili Peppers étaient réputés pour leur fougue. Le chaînon manquant entre le punk et le funk ! Bon ok, parfois, sur scène, Anthony Kiedis était un peu à la ramasse, noyé dans un trop-plein d’adrénaline et d’énergie mal canalisée, mais ça donnait toujours quelque chose d’incroyable. Après tout, il fut clair dès le départ que Kiedis n’était pas un grand chanteur. Rien à voir avec Eddie Vedder ou Chris Cornell. Mais il avait un truc. Le truc. Le mojo. Et puis quand on est entouré par des tueurs, chacun passé maître dans l’art d’envoyer du lourd, on peut se permettre quelques approximations.
Pour la faire courte, logiquement, dès le premier album en 1984, les Red Hot ont entamé une brutale et flamboyante montée en puissance. Un Freaky Styley plus tard, et ils étaient en route pour les sommets, imposant leur style à grand renfort de morceaux fusion aussi racés qu’inventifs. The Uplift Mofo Party Plan et l’incroyable Mother’s Milk ont confirmé la chose, rendant le combo incontournable. Et puis les Red Hot ont signé leur chef-d’œuvre avec Blood Sugar Sex Magik. Dur dur pour un groupe de monter si vite. Beaucoup, par la suite, se contentent de se laisser glisser et de redescendre. Pour beaucoup de fans de la première heure, c’est d’ailleurs ce que la bande à Flea a fait.
Les Red Hot au sommet
Pourtant, One Hot Minute, avec Dave Navarro en lieu et place de Frusciante, a convaincu son monde, préparant le terrain pour le poids lourd Californication. Et puis tout à changé. Pourquoi ? Car avec Californication, les Red Hot ont façonné un moule duquel ils n’allaient plus jamais sortir, sauf peut-être à l’occasion de quelques chansons un peu mois conventionnelles. Écoutez bien Californication, qui date donc de 1999, et passez directement à Black Summer et vous verrez…
Le problème avec le succès, c’est que souvent, il influence les choix. Les Red Hot ne sont pas un cas isolé. Beaucoup de musiciens ont, avant eux, pris un virage à 180 degrés pour répondre à la demande d’un public souhaité le plus large possible. Pour passer sur les radios, il faut parfois baisser son pantalon. C’est la règle, pas moyen d’y couper. Alors oui je vous vois venir. Bien sûr que Californication est un bon album. Il est même excellent. Mais au fond, il n’a plus grand chose à voir avec Freaky Styley. La production est propre, ronde et parfois suave et les morceaux répondent à de bons vieux clichés confortables. L’avantage, c’est que les clichés en question, les Red Hot se les ont fabriqués eux-mêmes.
La fuite du mojo
By The Way a confirmé la tendance, tout comme Stadium Arcadium. Ce fut particulièrement flagrant pour ce dernier car il s’agit d’un double album. On lit parfois que les Guns N’ Roses auraient pu condenser les deux Use Your Illusion en un seul volume mais c’est surtout valable pour Stadium Arcadium. Bref, à l’époque, les Red Hot avaient quand même encore quelques trucs à dire.
Voir le groupe sur scène au début des années 2000 avait quelque chose de grisant. Régulièrement, les Californiens savaient nous pondre des morceaux superbement troussés, comme Can’t Stop et raviver la magie des débuts. La dope, les luttes intestines et la moustache d’Anthony Kiedis, éternel ersatz d’Iggy Pop, ne semblaient pas entamer l’enthousiasme du combo. Et puis ce fut la chute. Les ballades sirupeuses ont remplacé les morceaux rageurs une bonne fois pour toutes et même les chansons plus énergiques ne sonnaient plus. Le départ de John Frusciante a précipité les Red Hot dans l’abîme.
Chili Con Carne
I’m with you et The Getaway doivent bien avoir leurs admirateurs mais force est de reconnaître que le retentissement n’a pas été du même niveau qu’avec Californication. Avait-on encore besoin d’un ado attardé toujours torse poil, d’un bassiste de génie qui tournait alors un peu en rond, d’un batteur pourtant excellent mais condamné à nous ressortir ad nauseam les mêmes plans, et d’un nouveau guitariste inexplicablement enthousiaste, agité de convulsions en permanence ? Non. Clairement non. Peu à peu, les espoirs de revoir les Red Hot retrouver leur mojo se sont ainsi estompés.
Comment expliquer cette chute ? L’embourgeoisement ? Peut-être. Authentique groupe de la rue, les Red Hot ont tout connu et se sont extraits du caniveau, des squats de camés et des skate-parks crasseux à la seule force de leur talent. Propulsé par le génie de Flea, le combo a fait entendre une voix nouvelle avant de se complaire dans un confort relatif à un écrasant succès commercial. Voilà plus de 20 ans qu’ils végètent dans le même moule bien douillet. Refaire éternellement le même morceau a ses avantages : on sait que les nouvelles compostions vont toujours trouver preneur et ce n’est pas bien difficile. Un peu comme si Metallica avait photocopié le Black Album au lieu de toujours chercher à explorer de nouvelles pistes…
Back to California
Pour les Red Hot, pondre un truc comme Black Summer, n’a rien d’ardu. Ils peuvent le faire en dormant. Avoir choisi un morceau comme celui-là pour annoncer le nouvel album et du même coup le retour de Frusciante est mine de rien un peu inquiétant. S’ils étaient revenus avec un truc à la Noboby Weird Like Me, sur lequel ils jouaient comme si leur vie en dépendait, on aurait pu se dire qu’enfin, réalisant dans un sursaut de lucidité qu’ils n’étaient pas complètement rincés, les piments de Californie avaient décidé de remettre un grand coup de pied dans la fourmilière. Mais non, ils ont choisi une ballade. Une ballade certes agréable mais calibrée et prévisible, dans le plus pur style Californication… Et Anthony Kiedis n’a toujours pas rasé sa moustache. Mais croisons les doigts pour la suite… On parle quand même des Red Hot !