SOUNDGARDEN – Le grunge “sabbathien” de Chris Cornell

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SOUNDGARDEN – Grunge dépressif et désespéré

Soundgarden

En studio

Influencé par Black Sabbath, Soundgarden pratique un grunge pseudo « sabbathien ». A la recherche d’un descriptif susceptible d’imager ce qu’il exprime, on peut faire référence au « Cri » d’Edvard Munch pour l’aspect dépressif ou désespéré de sa musique. En cela, le groupe fait écho à Alice in Chains, autre formation étiquetée « grunge ». De fait, ces deux ego sont bien plus proche d’un hard rock métallisé que du grunge tel qu’identifié chez Nirvana. Si Soundgarden émet moins de « toxicité » que son comparse, une constante se retrouve au niveau des compositions, des pièces de plomb d’une lourdeur mercurielle, des blocs de fonte à l’impénétrable noirceur.

SOUNDGARDEN – Slaves & Bulldozers

Les profondeurs abyssales où naviguent Soundgarden émettent des pulsations secrètes au charme envoûtant. « Badmotofinger » (1991), l’album prometteur d’une plus grande audience, pulvérise les codes, tord les mélodies via l’emploi de riffs en accords mineurs. D’une indéniable qualité artistique, il est pourtant supplanté auprès du public par les multi platinés « Nevermind » et « Ten », de Pearl Jam. Patience. Car Soundgarden possède en son sein une arme phénoménale : son chanteur, Chris Cornell. Véritable stentor, il lâche des parties vocales aux aigus déchirants, des médiums arachnéens. Capable du zéphyr dans les branches d’un saule, l’organe, pris de passion, adopte le souffle brutal d’un typhon sur l’océan.

The day I trie to live

« Superunknow » (1994) catapulte Soundgarden au niveau de ses rivaux. Les seize titres sortent tout droit des fractures d’une âme torturée, alternant passages apaisés et folie furieuse. Les paroles s’extraient des suintements urbains, ruelles désertiques placardées d’affichent déchirées d’où jaillissent des mots tels que : suicide, dépression ou toxicomanie. Nonobstant, la production est soignée, traitement destiné au plus grand nombre. L’équation se révèle être gagnante, notamment grâce au titre : « Black hole sun », balade astrale au refrain magnétique. Mais l’essentiel est ailleurs, dans ces « choses » tourmentées, ces constructions effondrées, ces écorchures mal cicatrisées. Les larmes ne sont pas encore de sang mais elles développent déjà un tropisme vermillon …

SOUNDGARDEN – 4th of july

Contre toute attente, l’édifice ne s’effondre pas. Il semble même que, projetée par un pâle soleil, son ombre désigne une possible issue. « Down on the upside » (1996) figure comme une éclaircie inattendue au cœur de l’orage. Le désespoir, s’il persiste, n’apparaît plus en première ligne. Tout juste laisse-t-il quelques traces grisâtres sur le bleu outremer prédominant. La séparation imminente de Soundgarden sera donc une histoire d’hommes plus que d’inspiration. En effet, les chansons regorgent de mélodies, de ponts, de trouvailles, de couleurs attachantes. Pourtant, moins « marketing » que le précédent, il ne séduit que les amateurs énamourés.

Tighter & Tighter

Peut-être est-ce ce relatif désintérêt qui, finalement, aura la peau du combo. « King animal » (2012), fruit de la reformation, n’apporte rien de nouveau si ce n’est la fadeur d’un met déjà consommé. N’ayant su faire preuve de résilience par le passé, ce nouveau galop sonne pour le moins sépia. Seul intérêt, il témoigne de l’extraordinaire voix d’un homme volontairement disparu en 2017.

Vingt-trois ans auparavant, le groupe visitaient Montmartre au faîte de son succès.

En concert

Soundgarden

Le 8 avril 1994, un mois tout juste après la sortie de « Superunkown », Soundgarden se fait l’Elysée, celui de la butte. Les adeptes trépignent sur le trottoir, trop content d’être à pareille fête : figurer parmi les premiers à voir/écouter les chansons sépulcrales du « Jardinier Sonnant ». En goguette sur Pigalle, des touristes originaires de Seattle n’en reviennent pas de pouvoir assister en France au concert d’une de leurs icônes rock. Les sourires fleurissent, les imaginations surchauffent et …

SOUNDGARDEN – Jesus Christ pose (live)

… l’ambiance retombe. Le groupe s’installe en scène sans esbroufe, joue sans esbroufe, scénographie le show sans esbroufe … et s’en va sans esbroufe. Le grain de folie, le son qui déchire, la danse de Saint-Guy, la conscience qui s’évade pour suivre les notes éthérées ne sont pas de sortie. Le concert est trop sage, bien trop sage. Les musiciens sont concentrés sur leur « labeur ». Ils ne communiquent ni ne communient. S’agit-il d’un « mauvais » soir ? Est-ce toujours ainsi ? Des guitares pluggées dans des amplis, une batterie et un gars qui chante. Bien sûr, les inconditionnels exultent mais ils sont les seuls. Sentiment d’une sombre fin de journée …

Fell on black day (live)

Au-delà, reste les enregistrements studios, des sillons qui, loin de l’emprisonner, laissent s’échapper cette Voix. Pourquoi choisit-on les limbes au détriment de la vie ? Certains diront que : « C’était écrit », d’autres que : « C’était chanté ». Alors, réécoutons encore une fois le groupe, laissons-le nous conquérir, sentons notre peau frémir aux incantations déchirantes de Chris Cornell.

SOUNDGARDEN – Blow up the outside world

Pour la musique et par amour.

Thierry Dauge

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