Les tribulations d’un dessinateur à l’encre de Chine
PORTRAIT
Si on lui parle de Crumb, de Tardi, de Charles Burns ou bien de Chabouté, ses yeux pétillent. Si on le branche sur le Rock’n’Roll, le Punk ou le Blues, les oreilles se dressent. Et enfin, causez-lui cinoche, film noir, SF vintage, ou encore Steampunk, ses babines salivent…
Ce portrait d’une chose fantastique et hybride qui pourrait se rapprocher de la créature du Black Lagoon, c’est en fait celui de Poup, l’un des meilleurs illustrateurs français actuels. Rajoutons-y beaucoup de passion pour les guitares crades et surtout le Noir et Blanc bien tabassé à l’encre de Chine.
HISTOIRES D’ENCRE
Après un passage en école d’Art, le jeune Poup s’oriente vite, dans les années 80, vers le milieu de la Musique où il met ses crayons et pinceaux au service des groupes, des assos de concerts et autres fanzines ou émissions de Radio. Dès lors, pochettes de disques, notamment pour le label Closer, affiches, flyers, logos, illustrations en tout genre vont s’accumuler au fil des années. Et évidemment le plus souvent en Noir et Blanc.
Il participe également à des expos, collectives ou en solo, souvent dans des lieux dédiés à la musique, bars-concert ou petites salles associatives.
Et comme si ça ne suffisait pas, le crobardeux passe à l’occasion derrière la batterie dans différents groupuscules soniques : Les Ambulances, Mystery Machine (Ne pas confondre avec le groupe homonyme Canadien…) et Traffik Drone.
Marqué à vie par les Thugs, le gars balaie alors ses fûts comme un frère Sourice tout en assurant des choeurs buzzcockiens.
MYSTERY MACHINE – Mystery’s Not Dead (2014)
Cette volonté constante de réunir son et vision aboutira en 2016 à un beau projet de Livre-Disque, Comme Des Chiens, réalisé avec son complice Franky Sinistra de Traffik Drone.
Fin 2020, les deux compères se retrouvent pour une nouvelle expérience musicale et livresque, Crossroads, un polar urbain très 70’s.
TRAFFIK DRONE – Comme des Chiens (2016)
Après une incursion récente vers la sérigraphie avec la complicité de Jérôme Masson, créateur périgourdin d’un atelier de réalisations graphiques, Poup s’est entiché de l’esthétique Steampunk dont il abreuve volontiers ses nouvelles illustrations.
Dernièrement, il s’est également lancé dans la création de différents objets en 3D (Sous-bocks, plateaux apéro…) enluminés à partir de ses thèmes de prédilection.
Comme ses pairs, Poup recherche toujours cet équilibre contrasté entre le Noir et le Blanc, qui se double d’un imaginaire unique mêlant séries B de Science-fiction, Rockeurs et Rockeuses allumés ou Dandys, le polar des années 50, les Cow-Boys and Girls solitaires et les Bluesmen mélancoliques. Et quel coup de plume !
POUP RACONTE
Ne reculant devant aucun sacrifice pour nos lecteurs / lectrices de Cultures Co, nous avons demandé à Poup de raconter quelques beaux flashs musicaux qui ont pu l’inspirer…
THE BEATLES – Strawberry Fields Forever (1967)
Les champs de fraises pour toujours. C’est à la fois un côté suranné, un peu victorien, et en même temps futuriste et psyché. Quand je l’entends, je vois le Londres de Conan Doyle survolé par des machines volantes improbables et peuplé de dandys à la dernière mode d’une Carnaby Street où les échoppes seraient tenues par des androïdes à vapeur. Les Beatles auraient-ils inventé aussi la SteamPop ?
SKIP JAMES – Hard Time Killing Floor Live (1967)
Le Blues est un super sujet pour le noir et blanc, mon support favori en matière de dessin.
Et j’aime particulièrement Skip James, sa voix haut perché complètement atypique. Son Blues n’est pas ancré (Ou encré ? NDR) dans la terre, il flotte là haut, très haut. Un Blues ténébreux, crépusculaire et aérien qui évoque aussi bien que Robert Johnson les carrefours où l’on fait de drôles de rencontres.
ENNIO MORRICONE – L’homme à l’harmonica (1968)
J’aime aussi travailler sur le Western. Ça oblige à ne pas trop charger le dessin, à laisser respirer pour essayer d’évoquer les grands espaces, le désert, la solitude. Un bon exercice pour ne pas s’embarrasser de détails superflus, défaut qui revient trop souvent à la charge.
Bon, Il Était Une Fois Dans l’Ouest , c’est la tuerie, dans tous les sens du terme, ultime. Pour moi un des plus beaux films, tous genres confondus. Et la musique, n’en parlons pas… Ben non, n’en parlons pas, c’est inracontable !!!
LES THUGS – Bulgarian Blues (1988)
Allons, soyons chauvin, un groupe français, et pas des moindres. Ce qui est étonnant chez les Thugs c’est le côté simple et à la fois hyper personnel de leur musique. Ces gars là étaient les rois de l’épure. Pas de gras, juste ce qu’il faut de barbaque sur l’os. Mais malgré cette économie de moyens, ils sonnaient comme aucun autre groupe.
Less is more, voilà la leçon à retenir de la part des Thugs. Et on peut appliquer ça dans tous les domaines, y compris le dessin !
THE WHO – I Can See For Miles (1967)
Les Who ! Toujours été un grand fan. Une sorte de mélange idéal. Le sens de la mélodie pop des Beatles combiné à la sauvagerie des Stones. A l’époque ils étaient LA machine de guerre scénique. D’ailleurs personne, même parmi les cadors du moment, ne voulaient passer après eux… Alors I Can See For Miles. Puissant et planant en même temps avec la batterie de Keith Moon qui roule tout en flux et reflux. Ça emmène loin !
Depuis quelques temps je m’amuse sur quelques crobards mettant en scène une version rétrofuturiste d’un groupe Rock, comme si le genre était apparu avec un siècle d’avance au cours des sixties victoriennes. Et le groupe ressemble étrangement à qui vous savez…
Merci Poup !
Ses Contacts :
https://laurentpoupinais.wixsite.com/poupkrobards
https://www.instagram.com/lepoup28/
Et dernière image, de Noël !
Bruno Polaroïd