TOTO – Hold The Line
Ça commence comme une blague d’école primaire, ça progresse vers un rock AOR pour finir en bouquet de notes fleuries. Fleurtant parfois avec un soft rock à la limite de ce qu’on pourrait nommer, à la française, de la « variété », pas plus mordant que la plus musclée des chansons écrite par JJ Goldman, Toto séduit par son charisme. Point trop d’électricité, mais sans lâcher des dents la prise de courant, ces garçons ont su boulotter les parts d’un marché ouvert au hard rock FM par des formations comme Boston ou Foreigner. Sur son premier Lp éponyme, « Hold The Line » (1978) perfore le cerveau des âmes prédisposées.
TOTO – Hold The Line
Mais qui sont-ils ces musiciens talentueux qui parviennent d’un claquement de doigts à rassembler « large » dès leur premier essai ? Ce que l’on nomme des requins de studio ? De fait, entre beaucoup d’autres, on retrouve Jeff Porcaro derrière les fûts de Teaser (1975), le premier album solo de Tommy Bolin, ou Steve Lukather au manche de sa six cordes pour une pige de luxe chez Alice Cooper, période From The Inside (1978). La connexion avec une certaine idée d’un rock caréné est donc déjà en place. Ne reste plus qu’à tracer sa propre voie au milieu d’un barnum des stars pailletées. C’est ce que va faire leur IV (1982), neuf mois après le 4 de Mick Jones et ses hommes, le temps d‘une gestation.
Rosanna
Voilà ! C’est exactement ça ! Une guitare affûtée lâchant des pains au sein de construits « groovy ». Pour ne pas effrayer, la voix centre les tympans d’un halo lumineux, du genre à décadenasser le formatage modelé par l’écoute d’ondes dites « spécialisées ». Ce n’est pas un hasard si Toto ouvre son disque par « Rosanna » et le conclut par « Africa ». Ces deux chansons frôlent la perfection en matière d’influence positive.
Des hardes grises habillent l’aliénant quotidien au son brinquebalant du « Métro – Boulot – Dodo », ce que les anglophones appellent « the rat race » ? Un tour de IV, d’une Face à l’autre, et le soleil caramélise l’ennui, colorise les kilomètres de suie qui encrassaient les psychés cramoisies. « Alléluia ! Merci Seigneur ! ». Bon, sans aller jusqu’à la conversion, on peut quand même admettre qu’elles sont chouettes ces deux chansons.
TOTO – Africa
Saut dans le temps. En 2018, le groupe sort son dernier album en date : Old is New. Qu’en est-il, la magie opère-t-elle toujours ? Étonnant ! Certains titres de ce disque effacent toutes traces d’exotisme au bénéfice d’une poigne qui évoque celle d’un Spock’s Beard, cette limite entre rock progressif et hard rock. Certes, des choses insipides assurent le fonds de commerce mais, quand même, il fallait oser !
Fearful Heart
En vieillissant, il semblerait donc que les racines adolescentes remontent des profondeurs pour animer les doigts qu’on croyait figés. Les cordes pincées, tirées, bloquées émettent alors des sons que les 70’s avaient glorifiées. Incontestablement, il persiste une lueur d’espoir en un futur débarrassé des voix encodées qui bouchonnent les programmes radiophoniques, ces histoires de meufs en bikini et mecs aux « pecs » tatoués. Que ce soit Toto qui ressorte du frigo ces incandescences a de quoi présager des tornades de « bruits » à venir.
TOTO – Struck By Lightning
Et si ce patronyme : « Toto », loin, bien loin des blagues d’écoliers, faisait référence au petit chien de Dorothy, celui du Magicien dOz, film classé au Registre International Mémoire du Monde de l’UNESCO ? Alors, il se pourrait bien qu’on reconsidère et réévalue la musique du groupe pour passer d’un « faiseur de soupe », identifié par les uns, à une influence majeure pour les cadors de demain. Indéniablement, « through the years, Toto hold the line ».
Thierry Dauge