Black Joe Lewis & The Honeybears – Scandalous
Sur Scandalous (2011), Black Joe Lewis & The Honeybears réinventent le groove, lifting de rhythm and blues et de funk corsetés garage. Derrière les cuivres, trompette et saxo, des Fender crunchy salissent le propos, injectent de la « baise » crade dans l’amour pur des influences.
Cadeau, sous sa forme vinyle, l’album contient un Lp supplémentaire gorgé de standards, joués live et sans scrupules. La version incendiaire de « What love is » est supérieure en énergie à celle que The Dead Boys proposent dans Young, loud and snotty (1977), une référence, c’est dire !
BLACK JOE LEWIS & The HONEYBEARS – What love is (live)
L’aspect du son, érodé, poncé, chiffonné, rend difficile la datation de l’œuvre. S’agit-il d’une production récente ? Est-il question d’un revival ou d’une vielle « canaillerie » trop longtemps restée dans les tiroirs, au sous-sol d’un Label indélicat ?
C’est que l’écoute alimente des rêveries soul. En un temps où les « genres » musicaux n’étaient pas si figés, ouvert à la pluralité, l’auditeur s’enchantait l’oreille, du chewing-gum primesautier au diamant le plus coupant. Cette période, autour des 60’s et 70’s, où les chansons saisissaient l’homme par les « cojones », les femmes par les ovaires, ne lâchant leurs proies que lorsqu’un pas de danse leur était accordé, embrasait le quotidien. Black Joe Lewis et ses hommes sont de cette trempe, des raviveurs de couleurs au pays de la grisaille « covidée ».
She’s so scandalous
A l’entre deux d’un blues usiné Dobro et d’une punkitude aux cuivres saillants, Scandalous convoque tant Robert Johnson que James Brown. Otis Redding enlace Aretha Franklin pour un pas de deux oscillatoire, bassin contre bassin imprégnés d’évanescences humides. Une pincée de sel fond sur une tranche de citron vert pendant qu’un feu dans l’âtre noirci des bûches de chêne liège. Black Joe Lewis & The Heartbreakers caillasse les origines tout en flattant leur âme. D’une voix burinée, travaillée clope et alcool fort, voire caféine « cigarisée », Joe nous narre des histoires au présent en mirant son haleine dans le miroir d’un rétroviseur. Et la gnôle goûtue qu’il distille titre un bon cent degrés, une musique hors d’âge à l’étiquette mordorée.
BLACK JOE LEWIS & The HONEYBEARS – Livin’ in the jungle
De « torridités » telles « Livin’ in the jungle » ou « Booty city » au funk sale et décapant de « Black snake », le disque rampe vers un rock reptilien, « Jesus took my hand », en observant sa proie depuis la gorge enchantée des sillons. Scandalous, jambes écartées, distribue des offrandes jouissives et dansantes, voire plus si affinités.
Black snake
A destination de nos villes encrassées, prises en otage par un microbe mal léché, la musique de BJL apporte une bouffée d’air enfumé, régal des Clubs qui proposent ripailles et live en réjouissances. D’ailleurs, vécue vivante, la réinterprétation des chansons anime tant les pieds que les psychés. Et si je vous parle d’un temps que l’an 2020 ne peut plus connaître, souhaitons que son frangin en devenir, l’espéré 2021, puisse nous servir des prestations « en public » fidèles à leurs aînées.
BLACK JOE LEWIS & The HONEYBEARS – Jesus took my hand
Black Joe Lewis & The Honeybears, plus qu’animer la morosité de charts pré programmés, rapparie sous expresso « Rhythm and Blues et Furie ». A déguster noir et serré.
Thierry Dauge