En 1980, voilà trois ans que Bob Marley se sait atteint d’un cancer…
La médecine naturelle ayant échoué, Bob Marley se résigne à suivre le traitement du Docteur Issels, dans une clinique en Bavière (Allemagne). Afin de purger son esprit du mal qui le dévore, et sentant l’échéance se rapprocher, Bob s’immerge dans l’écriture et la musique…
Uprising (1980)
Uprising est le huitième et dernier album publié par Bob Marley de son vivant. Éreinté, il refuse presque toutes les interviews qu’on lui propose, préférant se préserver pour les séances studios où sa verve créatrice semble toujours aussi vive. Comme dans ce texte pessimiste sur l’issue de la guerre froide…
Bob Marley & The Wailers – Real Situation
Le titre Forever Loving Jah peut paraître un tantinet fanatique, néanmoins, Bob y prône comme souvent l’amour et la tolérance de fort belle manière. De plus, il émane de ses cris un désespoir si authentique, qu’on ne peut s’empêcher de le recevoir comme une dernière prière adressée par le prophète à son dieu…
Bob Marley & The Wailers – Forever Loving Jah
Et pourtant, si prière il y a, c’est bien dans l’enregistrement clôturant l’album, le monument « Redemption Song ». Selon son épouse Rita Marley, bien que son écriture soit antérieure aux autres textes de l’album, Bob se savait déjà atteint d’un cancer au moment de sa création. Fait singulier, cette ballade folk est le seul titre acoustique dans la discographie de Bob Marley and the Wailers.
Le dernier message du prophète
Bien qu’une version ait été enregistrée avec le groupe, il insista pour l’interpréter seul. Et quel titre ! L’ineffable beauté de sa mélodie, ses accords simples, son texte à la fois engagé et universel. Et puis le chant cristallin de Bob, comme si le monstre dévorant son corps avait consenti à lui laisser un répit. Le temps d’une dernière chanson…
Bob Marley & The Wailers – Redemption Song
Encensée par la critique, elle fera sa renommée à travers le monde, longtemps encore après sa disparition. Titre culte et impérissable, il sera repris par des millions de guitaristes amateurs clôturant des soirées entre amis sur une plage sauvage, autour d’un feu de camp. Mais également par des monstres sacrés comme Johnny Cash et Joe Strummer…
Joe Strummer & Johnny Cash – Redemption Song
L’album est jugé morose par les critiques, mais les ventes sont au rendez-vous, notamment grâce au single Could You Be Loved…
Bob Marley & The Wailers – Could You Be Loved
Toujours lié au label Island, Bob voit son contrat arriver à terme et songe sérieusement à signer chez Polygram. Il n’en aura pas le temps…
Le lion est mort
Au milieu d’une tournée dantesque, avec une première visite en Amérique Latine, 35 dates en Europe, et autant aux États-Unis, le 21 septembre, Bob fait une attaque en effectuant son jogging à Central Park. Les médecins lui annoncent une terrible nouvelle, le cancer s’est propagé, il est désormais atteint de trois tumeurs au cerveau. Il donne son tout dernier concert le 23 septembre 1980, à Pittsburgh (Pennsylvanie).
Bob Marley & The Wailers – Coming From The Cold (live Pittsburgh, ultime concert)
Le 11 mai 1981, tandis qu’en France la gauche fête son avènement au pouvoir, dans un hôpital de Miami (Floride), après avoir lutté comme un lion contre la maladie, Robert Nesta Marley, roi du reggae, s’éteint à l’âge de 36 ans. Le 21 mai, il a droit aux plus grandes funérailles jamais organisées en Jamaïque. Toute l’île s’unit afin de lui rendre un hommage bouleversant, en musique…
Funérailles de Bob Marley (1981)
Confrontation (1983)
Son neuvième album « Confrontation » est publié deux ans plus tard (1983). Il contient le tube « Buffalo Soldier » et le titre « Rastaman Live up », ainsi que d’anciens enregistrements remixés après son décès.
Bob Marley & The Wailers – Buffalo Soldier
« Ne vis pas pour que ta présence se remarque, mais pour que ton absence se ressente. » Bob Marley
Si l’oeuvre de Bob Marley est progressivement entrée dans la culture populaire, à l’image du reggae, elle est souvent peu considérée dans les milieux intellectuels, et jugée comme une musique essentiellement festive et distrayante. Voilà pourquoi le succès colossal de la compilation « Legend » sorti en 1984 (et vendue à 25 millions d’exemplaires) peut donner quelques regrets. Bien que très adaptée pour une première approche du reggae, et de l’artiste, elle n’est pas représentative de sa carrière. Une fois happé par la fièvre douce du reggae, les albums « Catch a Fire », « Burnin », « Rastaman Vibration », « Exodus », ou l’immense « Survival », deviennent indispensables. Au même titre que Bob Marley dans le paysage musical d’aujourd’hui.
Serge Debono
[…] Redemption Song, l'adieu poignant du prophète Bob Marley […]