La plupart de ceux qui ont eu la chance de voir Janis Joplin évoluer sur scène sont d’accord sur un point. De tous les joyaux que les sixties ont vu naître, elle était sans doute le plus brillant.
En 1963, Janis Joplin quitte Port Arthur (Texas) pour se rendre à San Francisco (Californie) avec l’espoir de faire carrière dans la musique. Mais malgré une solide experience accumulée dans les clubs, la « perle du Texas » revient bredouille et accro à l’héroïne de son premier périple.
Un groupe made in Texas
Son ami Chet Helms, organise des concerts au Fillmore avec le fameux Bill Graham, et manage un groupe texan nommé Big Brother and the Holding Company. Il se met en tête d’associer une chanteuse de blues à ce groupe garage. Il enrole Janis Joplin alors sur le point de s’engager avec les 13th Floor Elevators. En juin 1966, elle participe à sa première répétition. La chanteuse interprète deux titres sans pour autant impressionner les membres du Big Brother. Cependant, la fibre texane prend le dessus, et Janis est adoptée.
En réalité Cheap Thrills (Plaisirs faciles), qui devait s’appeler « Dope, Sex & Cheap Thrills », n’est pas le premier album du groupe. En effet, le Live du Fillmore aurait été enregistré en studio. La pochette façon bande dessinée, oeuvre de Robert Crumb, n’était pas non plus le premier choix du combo texan…
Peu importe, le résultat de la fusion rock-psyché et garage du Big Brother et de cette « screameuse » de blues, fait de leurs prestations un spectacle hors du commun…
Janis Joplin & Big Brother – Combination Of The Two
L’atout majeur du groupe
Enregistré entre mars et mai 1968, il concrétise deux ans de travail et une multitude de concerts. Il caracole en tête du Billboard dés sa sortie. Le Big Brother est un ensemble de musiciens chevronnés, mais chacun sait parfaitement d’où émane la lumière. Janis est l’atout majeur de cette formation. Elle apporte d’ailleurs avec Peter Albin, le bassiste, quelques compositions intéressantes, comme Roadblock, ou Turtle Blues…
Janis Joplin & Big Brother – Turtle Blues
Les deux guitaristes Sam Andrews et James Gurley tissent des arabesques soniques pour la sirène cosmique, sur des titres comme Ball and Chain ( Big Mama Thornton). Ce dernier permet notamment à Janis et au groupe de s’imposer dans le reste du pays lorsqu’ils font sensation en juin 1967 au Festival de Monterey…
Janis Joplin & Big Brother – Ball and Chain
L’anthologique Summertime
Le point d’orgue de Cheap Thrills reste l’inoubliable version de Summertime. Cette berceuse gospel était déjà devenue un standard de Jazz ( John Coltrane, Charlie Parker, Duke Ellington…) quand Janis déploie tout son talent pour une envolée unique, réussissant au passage l’exploit de se réapproprier ce standard. Un exploit la faisant du même coup entrer dans l’histoire aux côtés des prestigieuses Billie Holiday, Ella Fitzgerald, et Nina Simone…
Janis Joplin & Big Brother – Summertime
Piece of my heart, seul single extrait de l’album, et déjà popularisé en 1967 par Erma Franklyn ( grande sœur d’Aretha), explose dans les charts et propulse Janis Joplin au rang de star.
Janis Joplin & Big Brother – Piece Of My Heart
La reine des Freaks prend son envol
Un poster dévoilant le téton de la chanteuse termine d’en faire une icône pour les hordes de hippies peuplant les rues de San Francisco. Inévitablement, éclipsés par son aura, les membres du Big Brother finissent par nourrir de la jalousie à son égard. A la fin de l’année 1968, les conflits répétés entraînent la dissolution du groupe. Janis Joplin et Sam Andrew poursuivent leur carrière au sein du Kosmic Blues Band.
La sirène cosmique semblait pourtant avoir trouvé dans le Big Brother and Holding Company une raison d’espérer. Mais les sirènes de la gloire et la déesse aux cents bouches ont fini par la conduire vers d’autres cieux. Soi disant « dévolus à sa cause »…
Au delà de sa renommée internationale, Big Brother and Holding Company reste un groupe emblématique de San Francisco. Partageant une demeure au sein des maisons victoriennes avec le chanteur engagé Country Joe Mc Donald, Janis Joplin était même un membre actif de la communauté « beat » du quartier de Haight Ashbury. Elle fut considérée un temps comme la reine des Freaks ! Une communauté éphémère, comme le seraient hélas sa vie, et sa carrière…
Serge Debono